Le rapport de la Cour de cassation 2009 — Karila

Le rapport de la Cour de cassation 2009

CONSTRUCTION

ASSURANCE DOMMAGES – ASSURANCE DOMMAGES OUVRAGE – SINISTRE – DECLARTION – ABSENCE DE REPONSE DE L’ASSUREUR DANS LES DELAIS LEGAUX – SANCTION – PORTEE – DETERMINATION

Cass. 3e civ., 28 janvier 2009, n° 07-21818, Bull. 2009, III, n° 23

En vertu de la jurisprudence de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, l’assureur qui n’a pas respecté le délai de soixante jours qui lui est imparti à compter de la réception pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de sa garantie, est déchu de son droit d’opposer à son assuré toute cause de non garantie.

L’arrêt rendu le 28 janvier 2009 par la 3ème chambre civile répond à la question de savoir si, malgré cette déchéance, l’assureur peut invoquer par voie d’exception la nullité du contrat.

La Cour de Cassation répond négativement à cette question et approuve la Cour d’Appel ayant exclu la possibilité d’invoquer la nullité du contrat, au motif qu’en ne respectant pas le délai de soixante jours de l’article L 241-2 du Code des Assurances, l’assureur s’est privé de son droit d’opposer toute cause de non garantie, la nullité du contrat comprise.

Cette décision marque une nouvelle fois la volonté de la 3ème chambre civile de sanctionner très fermement l’assureur défaillant.

ASSURANCE DOMMAGES – ASSURANCE DOMMAGES OUVRAGE – ASSUREUR – OBLIGATIONS CONTRACTUELLES – PREFINANCEMENT EFFICACE DE TRAVAX DE NATURE A METTRE FIN AUX DESORDRES – INEXECUTION

Cass. 3e civ., 11 février 2009, n° 07-21761, Bull. 2009, III, n° 33

L’arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation le 11 février 2009 confirme une solution déjà admise dans un arrêt du 7 décembre 2005 (Cass. 3e civ., 7 décembre 2005, n° 04-17418, Bull, III, n° 235) selon laquelle :

« le maître de l’ouvrage ayant souscrit une assurance dommages-ouvrage est en droit d’obtenir le préfinancement des travaux de nature à mettre fin aux désordres ».

Ainsi, l’assureur est soumis à une obligation de préfinancer des travaux efficaces, permettant de mettre un terme définitif au dommage subi par l’assuré.

EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE – CHOSE DONT ON A LA GARDE – FAIT DE LA CHOSE – ARTICLE 1384, ALINEA 1ER DU CODE CIVIL – DOMAINE D’APPLICATION – DOMMAGE CAUSE PAR LA CHUTE DE PIERRE PROVNANT D’UNE VOUTE

Cass. 2e civ., 22 octobre 2009, n° 08-16766, Bull. 2009, II, n° 255

L’arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation le 22 octobre 2009 énonce que :

« si l’article 1386 du Code civil vise spécialement la ruine d’un bâtiment, les dommages qui n’ont pas été causés dans de telles circonstances peuvent néanmoins être réparés sur le fondement des dispositions de l’article 1384, alinéa 1er, du même code, qui édictent une présomption de responsabilité du fait des choses ».

L’article 1386 du Code civil instaure une responsabilité du propriétaire de l’immeuble même en l’absence de faute, dès lors que le dommage a été causé par la ruine du bâtiment, qui suppose, au terme d’une jurisprudence constante, la chute d’un élément de construction (Cass. 2e civ., 4 mai 2000, n° 98-19951).

Selon ce texte il appartient à la victime du dommage de démontrer l’existence d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction.

L’arrêt du 22 octobre 2009 permet donc à la victime d’un dommage d’obtenir une indemnisation sur le fondement de l’article 1384 al 1er lorsque les conditions de l’article 1386 ne sont pas réunis.

L’apport de cet arrêt réside principalement dans les précisions qu’il apporte quant à la mise en œuvre de la responsabilité du fait des choses dont on a la garde.

En effet, par un arrêt rendu le 23 mars 2000 (Cass. 2e civ., 23 mars 2000, n° 97-19991, Bull. 2000), la Cour de Cassation avait jugé qu’en cas de dissociation entre la garde du bâtiment et sa propriété, la victime pouvait agir contre le gardien sur le fondement de l’article 1384, al 1er, du Code civil, limitant ainsi le champ d’application de l’article 1386 du Code civil au propriétaire.

Avec l’arrêt du 22 octobre 2009, en cas de dommage causé par un bâtiment mais dont l’origine reste inconnue, la victime peut obtenir réparation par application de l’article 1384 al 1er, dont les conditions sont plus favorables et dont la portée est plus générale, alors même que les qualités de gardien et de propriétaire appartiennent à la même personne.

Il convient de noter qu’à deux reprises la Cour de Cassation, avait, dans ses rapports annuels de 2000 et de 2005, suggéré l’abrogation de l’article 1386, lequel impliquait, pour la victime, d’apporter la difficile preuve que ce dommage procédait de la ruine d’un bâtiment et que cette ruine avait pour origine un défaut d’entretien ou un vice de construction du bâtiment.

Il en résultait que cette dérogation au droit de la responsabilité du fait des choses avait pour conséquence de rendre complexe le régime d’indemnisation des victimes.

SUGGESTION DE MODIFICATION

LA MODIFICATION DES REGLES DE PRESCRIPTION EN MATIERE D’ASSURANCE

La prescription biennale (L.114-1 du Ca)

Les rapports 1990, 1996, 1997, 2001, 2002, 2007 et 2008 soulevaient la question de la suspension du délai de prescription pendant la durée des pourparlers avec l’assureur.

En effet la prescription n’est pas interrompue par les pourparlers qui pourraient être engagés entre l’assuré et l’assureur, ce dont les assurés n’ont généralement pas conscience, de sorte qu’ils n’utilisent pas la procédure d’interruption de la prescription par lettre recommandée avec accusé de réception.

C’est la raison pour laquelle la Cour de Cassation a suggéré qu’il soit précisé dans la loi que l’existence de pourparlers entre l’assureur et l’assuré ou l’ouverture d’une proposition de médiation suspend la prescription aussi longtemps qu’ils durent.

Il convient d’ajouter qu’une Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale prévoit, pour sa part, en son article 8 que :

« les Etats membres veillent à ce que les parties qui choisissent la médiation pour tenter de résoudre un litige ne soient empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une procédure d’arbitrage concernant ce litige du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation ».

Le Rapport 2008 constatait que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 avait modifié l’article 2238 du code civil afin de prévoir que le délai de prescription est suspendu à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation, ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion ou de médiation ou de conciliation.

Or ce texte ne vise pas l’hypothèse de pourparlers.

Aussi était-il toujours proposé de modifier ainsi qu’il suit la rédaction de l’article L. 114-2 du code des assurances :

« La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription.

Elle l’est aussi par la désignation d’un expert, à l’initiative de l’une de parties, à la suite d’un sinistre, jusqu’à la notification à l’assuré du rapport d’expertise, ainsi qu’en cas de pourparlers entre l’assuré et l’assureur jusqu’à la notification de leur fin par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Elle peut l’être, en outre, par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité. »

La Cour de cassation maintient sa proposition de modification qui n’a, jusqu’à présent, pas été suivie d’effet.

La directrice des affaires civiles et du sceau a indiqué, que, compte tenu de la réforme récente du droit de la prescription en matière civile, il était difficile de modifier une nouvelle fois les règles en la matière, d’autant que la loi du 17 juin 2008 offre un dispositif permettant d’organiser la suspension de la prescription en cas de conciliation ou de médiation.

Abrogation de l’article 1792-4 du code civil

La suggestion d’abroger, en raison de son imprécision et de son faible intérêt, l’article 1792-4 du code civil, qui définit les éléments d’équipement entraînant la responsabilité solidaire (habituellement appelés EPERS), n’a pas été suivie d’effet.