L’action du maître de l’ouvrage contre l’assureur RCD dans le délai de 10 ans est recevable quand bien même l’action intentée contre l’assuré aurait quant à elle été introduite hors délai (Cass. 2e civ., 21 février 2008) — Karila

L’action du maître de l’ouvrage contre l’assureur RCD dans le délai de 10 ans est recevable quand bien même l’action intentée contre l’assuré aurait quant à elle été introduite hors délai (Cass. 2e civ., 21 février 2008)

Ancien ID : 592

L’action directe du maître de l’ouvrage contre l’assureur de responsabilité décennale, instituée par l’article L. 124-3 du Code des assurances, trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice et se prescrit dès lors par même délai que l’action de la victime contre le responsable.

Est recevable l’action engagée par le maître de l’ouvrage contre l’assureur de responsabilité décennale dans le délai de 10 ans de ladite responsabilité quand bien même l’action intentée contre l’assuré aurait quant à elle été introduite hors délai.

1. Le présent arrêt, qui rappelle une solution classique, n’en est pas moins intéressant en pratique puisqu’il aborde la question de la recevabilité de l’action directe intentée, par un maître de l’ouvrage contre l’assureur de responsabilité décennale d’un entrepreneur, dans le délai d’épreuve de ladite responsabilité.

Précisément, la question posée était celle de la recevabilité de cette action alors que, si l’assignation avait été délivrée 2 jours avant l’expiration du délai décennal à l’égard de l’assureur et de son assuré, ce dernier étant en liquidation au jour de la délivrance de l’assignation, la régularisation à l’égard du mandataire liquidateur était intervenue hors délai rendant cette demande irrecevable comme prescrite.

2. Le pourvoi contestait la légalité de l’arrêt de la Cour de Caen qui, après avoir jugé irrecevable la demande régularisée après expiration du délai décennal auprès du mandataire liquidateur, jugeait néanmoins la demande recevable à l’égard de l’assureur de responsabilité décennale dès lors qu’« il est tout à fait possible d’interrompre la prescription à l’encontre de l’assureur, même si elle ne l’est pas à l’encontre de l’assuré ».

3. Dans un moyen unique de cassation ne comportant qu’une branche, le pourvoi prétendait à la violation des articles L. 124-3 et L. 114-1 du Code des assurances au motif que le maître de l’ouvrage, qui ne peut exercer une action directe à l’encontre de l’assureur du constructeur que tant que celui-ci est exposé au recours de son assuré, est en conséquence irrecevable à agir directement contre l’assureur lorsque l’assuré n’a pas été mis en cause dans le délai de la garantie décennale.

4. Cette argumentation, conforme aux principes posés par la Haute Juridiction depuis 1938 (Cass. civ., 13 décembre 1938, RGAT 1939.83, note M. Picard) et que l’on peut rapprocher de la solution qu’avait dégagée la première chambre de la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt du 28 octobre 1991 (Cass. 1re civ., 28 octobre 1991, no 88-15014, Bull. civ. 1991, I, no 283, RGAT 1992.73, note H. Margeat) qui avait retenu que « si l’action de la victime contre l’assureur de responsabilité trouve son fondement dans le droit de celle-ci à réparation de son préjudice et se prescrit par le même délai que l’action de la victime contre le responsable, l’acte interruptif de prescription à l’égard de l’assureur est sans effet sur le cours de la prescription de l’action de la victime contre l’assuré ; qu’au surplus, l’action de la victime contre l’assureur n’est recevable que si l’assuré a été mis en cause », était néanmoins dépassée depuis un arrêt de principe du 7 novembre 2000 (Cass. 1re civ., 7 novembre 2000, no 97-22582, Bull. civ. 2000, I, no 274, RGDA 2000.1108, note J. Kullmann, JCP 2001, I, 340, chron. G. Viney, JCP G 2000, I, 10456, D. 2001, somm. P. 3320, obs. H. Groutel) encore dernièrement rappelé (Cass. 3e civ., 24 octobre 2007, no 06-17295, Bull. civ. 2007, III, no 181, RGDA 2008.124, note J.-P. Karila ), ayant opéré revirement en énonçant qu’il résulte de l’article L. 124-3 du Code des assurances que la recevabilité de l’action contre l’assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré.

5. L’arrêt rapporté, pour valider l’arrêt de la Cour de Caen, ne se réfère néanmoins pas au principe précité selon lequel la mise en cause de l’assuré n’est plus une condition de la recevabilité de l’action directe à l’encontre de l’assureur.

Il se contente en effet, après avoir rappelé le principe traditionnel selon lequel « l’action directe du maître de l’ouvrage contre l’assureur de responsabilité décennale, instituée par l’article L. 124-3 du Code des assurances, trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice et se prescrit dès lors par même délai que l’action de la victime contre le responsable » (constant depuis Cass. civ., 28 mars 1939, RGAT 1939.286 ; encore Cass. 3e civ., 26 octobre 2005, no 04-14101 ; sur la question : Lamy Assurances 2008, chapitre Assurance de responsabilité décennale par J.-P. Karila , no 3394, e), de relever, comme la Cour de Caen, que dès lors que l’assureur avait été assigné dans le délai de dix ans à compter de la réception, le maître de l’ouvrage conservait à cette date sa créance à l’encontre de l’entrepreneur et de son assureur, de sorte que son action était recevable.

6. L’arrêt rapporté complète donc utilement le régime de l’action engagée par le tiers victime contre l’assureur.

Source : Cass. 2ème civ., 21 fevr. 2008, 07-10951

J.-P. Karila , C. Charbonneau – RGDA 2008 – 2 – p. 376

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