Effet interruptif de la prescription biennale de l’action du souscripteur maître d’ouvrage à l’égard des autres assurés (Cass. 3e civ., 27 février 2008) — Karila

Effet interruptif de la prescription biennale de l’action du souscripteur maître d’ouvrage à l’égard des autres assurés (Cass. 3e civ., 27 février 2008)

Ancien ID : 590

Assurance construction – Assurance Tous Risques Chantier – Prescription biennale. Interruption. Action du souscripteur maître d’ouvrage. Effet à l’égard des autres assurés (non).
Nonobstant le fait que l’assurance Tous Risques Chantier ait été souscrite par le maître d’ouvrage outre pour son compte, pour celui des intervenants à l’opération de construction, l’action introduite ultérieurement par ledit souscripteur/assuré qui n’avait reçu aucun mandat l’autorisant à représenter lesdites intervenants et n’avait d’ailleurs exprimé aucune demande au nom de ceux-ci, ne peut avoir un effet interruptif au profit de l’un desdits intervenants qui engage une action plus de deux ans après le précédent acte interruptif qu’il avait pu effectuer.

1. L’arrêt rapporté traite de la question de l’interruption du délai biennal de prescription de l’article L. 114-1 du Code des assurances à propos de la mise en oeuvre, par une entreprise ayant la qualité d’assuré, d’une assurance « tous risques chantiers » (ci-après TRC).

Ladite police avait été souscrite par la SNC maître de l’ouvrage tant à son profit qu’à celui d’un certain nombre d’intervenants dont la société demanderesse au pourvoi. Après réception de l’ouvrage, la SNC assignait les intervenants à l’opération ainsi que leurs assureurs en responsabilité en vue d’obtenir l’indemnisation du préjudice consécutif au retard à la réception, retard dû à une présence importante d’eau lors de la réalisation des travaux.

2. Le débat juridique objet du moyen rapporté et commenté avait trait à l’effet interruptif de l’action du maître de l’ouvrage au profit d’un intervenant à l’acte de construire et résultait du fait que ledit intervenant n’avait, semble-t-il, formulé sa demande à l’encontre de l’assureur TRC qu’à l’occasion d’une instance devant le Tribunal de commerce lors d’une audience du 5 novembre 2003 cependant qu’il avait été assigné en juillet 1996. Sauf à bénéficier de l’interruption du délai biennal consécutif à l’action du maître de l’ouvrage (qui avait quant à lui assigné l’assureur TRC dès le 6 mars 1997 soit moins de deux ans après la survenance du sinistre), son action était donc prescrite au regard de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances.

3. Dans un arrêt du 23 octobre 2006, la Cour de Versailles jugeait l’action de l’entrepreneur prescrite ce qu’il contestait. Dans l’unique branche de son unique moyen incident, l’entrepreneur prétendait à la censure de l’arrêt d’appel pour violation de l’article L. 114-1 du Code des assurances et, ensemble, des articles 1134 et 2244 du Code civil.

Le pourvoi soutenait que, contrairement à la position adoptée par les juges d’appel, l’action au fond du souscripteur qui, aux termes de la police d’assurance TRC, agissait « tant pour son compte que pour le compte » des assurés pour compte, qu’il représentait, avait interrompu la prescription biennale pour le compte de l’entrepreneur demandeur incident en cassation.

4. La Haute Juridiction rejette le pourvoi.

Pour ce faire, elle opère d’abord un contrôle de la motivation des juges du fond en relevant :

– d’abord que la Cour d’appel a retenu qu’aucun document contractuel n’établissait en l’espèce l’existence d’une mandat donné au souscripteur maître de l’ouvrage pour représenter les assurés dans les relations avec l’assureur ;

– ensuite qu’elle a encore retenu que, durant tout le déroulement de la procédure, le maître de l’ouvrage n’avait agi que pour son compte n’exprimant aucune demande notamment pour le compte de la société auteur du pourvoi incident ;

pour en tirer la conséquence que la Cour d’appel en avait « déduit à bon droit que son action celle de l’entrepreneur assuré] était prescrite ».

5. La portée de l’arrêt rapporté est donc relative dès lors que la solution aurait été, semble-t-il, différente s’il avait été justifié soit de l’existence d’un mandat donnant le pouvoir au maître de l’ouvrage de représenter les autres assurés dans leur relation avec l’assureur TRC, soit encore de l’existence d’un mandat tacite d’agir dans leur intérêt commun qui supposerait, à tout le moins, qu’une demande soit formulée pour le compte desdits assurés ou de l’un deux.

Source : Cass. 3ème civ., sect., 27 février 2008, n° 06-21965

J.-P. Karila , C. Charbonneau – RGDA 2008 – 2 – p. 388

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