Assurance construction – Responsabilité des locateurs d’ouvrage – Condamnation in solidum (conditions) (Cass. 3e civ., 23 septembre 2009) — Karila

Assurance construction – Responsabilité des locateurs d’ouvrage – Condamnation in solidum (conditions) (Cass. 3e civ., 23 septembre 2009)

Ancien ID : 767

Ne donne pas de base légale à sa décision, au regard des dispositions de l’article?1382 du Code civil, la Cour d’appel qui condamne un sous-traitant in solidum avec d’autres locateurs d’ouvrage à payer une somme déterminée aux maîtres d’ouvrage et à l’assureur dommages ouvrage et décide que ledit sous-traitant doit garantie à l’entrepreneur principal, au motif que les fautes d’exécution commises par ce sous-traitant dans l’exécution de ses lots ont directement contribué à l’entier préjudice des maîtres d’ouvrage.

Cour de cassation (3e Ch. civ) 23?septembre 2009, pourvois no?07-21634 et no?07-21782

La Cour,

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident des époux X…,

(sans intérêt)

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, réunies, du pourvoi incident des époux X…,

(sans intérêt)

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident des époux X…, sur le premier moyen du pourvoi principal no?07-21634, et sur le moyen unique du pourvoi incident de M.?Y…, réunis?:

(sans intérêt)

Sur le second moyen du pourvoi principal no?07-21634?:

(sans intérêt)

Mais sur le moyen unique du pourvoi no?07-21782?:

Vu l’article?1382 du Code civil?;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 1er?octobre 2007), que, courant?mars-avril 2001, les époux X…, maîtres de l’ouvrage, assurés en police dommages ouvrage par la société Axa France IARD, ont confié à M.?Y…, assuré par la société Assurances générales de France Iart, les travaux de rénovation et d’agrandissement de leur?maison?; que M.?Y… a sous-traité les lots «?électricité?», «?plomberie?» et «?chauffage?» à M.?Z…, et, les autres lots à la société Vito Bât?; que la société I2 E rénovation, assurée par la société Souscripteurs du Lloyd’s de Londres, a été chargée par les maîtres de l’ouvrage d’une mission limitée de maîtrise d’uvre?; qu’invoquant l’abandon du chantier par M.?Y… avant réception, l’inachèvement des travaux et des désordres, les époux X… ont, après expertise, assigné en réparation de leurs préjudices les locateurs d’ouvrage et les assureurs?; que des recours en garantie ont été formés?;

Attendu que pour condamner M.?Z… in solidum avec d’autres locateurs d’ouvrage à payer des sommes aux époux X… et à l’assureur dommages ouvrage, et à garantir à hauteur de 70?% l’entrepreneur principal, l’arrêt retient que les fautes d’exécution commises par ce sous-traitant dans l’exécution de ses lots ont directement contribué à l’entier préjudice des époux X…?;

Qu’en statuant ainsi, sans constater que les travaux relevant des lots dont M.?Z… était titulaire avaient indissociablement concouru, avec ceux ressortissant des autres lots à la création de l’entier dommage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision de ce chef?;

Par ces motifs?:

Casse et annule, mais seulement…

Note

1. L’arrêt rapporté est d’une lecture difficile à raison de ce qu’il ne rappelle pas globalement la teneur de l’arrêt objet de pourvois aux multiples moyens d’intérêt inégal tous rejetés à l’exception de celui qui retiendra ici notre attention s’agissant des conditions pouvant justifier une condamnation in solidum.

Disons simplement ici au sujet des différents moyens non reproduits et rejetés pour des motifs également non reproduits que?:

–?s’agissant des garanties avant réception d’un contrat d’assurance de responsabilité décennale comportant des garanties pour certains dommages survenus en cours de chantier avant toute réception que la Cour d’appel avait retenu à juste titre que la garantie du contrat ne s’appliquait pas aux conséquences de pénétrations d’eaux de pluie sur l’ouvrage assuré à raison de l’absence de bâches de protection?;

–?s’agissant de la responsabilité d’un maître d’oeuvre, que la Cour d’appel avait à juste titre retenu que même investi d’une mission limitée, ledit maître d’oeuvre, professionnel spécialisé, qui avait accepté sa mission huit jours seulement avant le démarrage du chantier, avait manqué à son obligation de diligences en s’abstenant de tout relevé sur l’existant, de tout descriptif initial de la structure à réaliser et de toute reconnaissance préalable de gros oeuvre nécessaire, et à son obligation de conseil en ne mettant pas en garde les maîtres d’ouvrage sur le climat de précipitation et d’inorganisation dans lequel les travaux étaient engagés.

2. L’intérêt donc de l’arrêt réside dans l’illustration qu’il donne des conditions d’une condamnation in solidum.

On sait à cet égard qu’alors même qu’il n’existe pas – contrairement à ce que l’on peut lire sous la plume de certains auteurs ou praticiens – stricto sensu d’obligation in solidum des constructeurs d’ouvrages immobiliers quant aux responsabilités qu’ils encourent en vertu des garanties légales instituées et organisées par les articles?1792 et suivants du Code civil, les juges du fond les condamnent quotidiennement in solidum.

Pour ce faire, les juges du fond affirment parfois de façon artificielle que la faute de chacun des coobligés a contribué à la réalisation de l’entier dommage.

3. L’arrêt rapporté censure à juste titre une décision d’une Cour d’appel qui, pour condamner un sous-traitant à payer sur le fondement de l’article?1382 du Code civil, une indemnité aux maîtres d’ouvrage d’une part et à l’assureur dommages ouvrage d’autre part dont on devine que certaines garanties avant réception avaient pu ainsi jouer et condamner en outre ledit sous-traitant à garantir à concurrence de 70?% les condamnations prononcées contre l’entrepreneur principal, s’était contentée d’énoncer que les fautes d’exécution par ce sous-traitant dans l’exécution de ses différents lots de travaux, avaient «?directement contribué à l’entier préjudice?» desdits maîtres d’ouvrage.

La Cassation est prononcée en raison de ce que, ce faisant la Cour d’appel n’avait pas pour autant constaté que les travaux relevant des lots du sous-traitant avaient indissociablement concouru, avec ceux ressortissant des autres lots, à la création de l’entier dommage.

4. L’exigence, au regard de la justification d’une condamnation in solidum que des travaux relevant des lots du locateur d’ouvrage dont on recherche la responsabilité, avaient indissociablement concouru, avec ceux ressortissant des autres lots, à la création de l’entier dommage n’est pas nouvelle. La Haute Juridiction avait déjà, dans un arrêt du 27?octobre 2004 (Cass. 3e civ., 27?octobre 2004, no?03-15029, Bull. civ. III, no?183), posé une règle identique.

Étant précisé qu’un arrêt antérieur du 10?mai 1989 (Cass. 3e civ., 10?mai 1989, no?87-19207 sélectionné) avait, quant à lui, pour valider un arrêt d’une Cour d’appel, relevé que celle-ci avait retenu que la faute de l’architecte et celle de l’entrepreneur avaient concouru indissociablement à la réalisation de l’entier préjudice, et en avait ainsi exactement déduit qu’ils étaient tenus in solidum des conséquences dommageables des dommages ayant affecté les ouvrages objet du litige considéré.

Indissociabilité des conséquences des travaux des différents lots ou indissociabilité des conséquences des différentes fautes des constructeurs?

La différence de terminologie utilisée par la Cour de cassation, selon l’arrêt précité du 10?mai 1989 et celui rapporté est-elle le résultat d’une inadvertance ou d’une volonté de retenir seulement l’indissociabilité des conséquences de l’exécution des différents travaux quant à la création de l’entier dommage, abstraction faite des conditions fautives ou non d’exécution des travaux dont s’agit?

Une responsabilité de plein droit s’accommoderait évidemment plus de la première approche?mais la formule est employée ici à propos de responsabilités encourues en cours de travaux, pouvant pour certaines d’entre elles, relever d’une responsabilité pour faute prouvée d’une part tandis qu’on ne sait pas en définitive si la modification de terminologie employée est ou non le résultat d’une substitution de motifs dans le cadre de la validation de l’arrêt de la Cour d’appel.

La Cour d’appel s’était en effet référée à des fautes d’exécution tandis que les demandeurs aux pourvois, avaient, quant à eux, visé l’inexécution ou la mauvaise exécution des travaux relevant des différents lots ou encore la faute des différents locateurs d’ouvrage.

Jean-Pierre Karila – RGDA 2009-04, p. 1200

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