Erreur dans la transaction avec l’assureur (Civ. 3, 12 septembre 2007). — Karila

Erreur dans la transaction avec l’assureur (Civ. 3, 12 septembre 2007).

Ancien ID : 460

Rescision. Conditions. Erreur sur l’objet. Connaissance de la cause du dommage affectant l’immeuble assuré au jour de la conclusion. Incidence.

Dès lors que le juge a constaté que le propriétaire d’un groupe d’immeubles avait connaissance des causes des dommages qui les affectaient et des risques de réapparition des désordres induits par les travaux financés par la transaction conclue avec l’assureur de l’immeuble, il a pu en déduire que l’intéressé avait accepté en connaissance de cause la proposition d’indemnisation faite par son assureur de sorte qu’il ne pouvait invoquer une erreur sur l’objet de la transaction.

Jean-Pierre Karila

1. L’arrêt rapporté a trait à la validité d’une transaction conclue entre l’assureur d’un groupe d’immeubles et son assuré, en la circonstance une Société d’HLM, propriétaire dudit groupe d’immeubles.

Suite à un phénomène de sécheresse ayant conduit à un arrêté de catastrophe naturelle, ladite Société d’HLM déclarait en tant que sinistre les désordres consécutifs à la sécheresse consistant dans une fissuration des immeubles. Suite à l’échec de la phase amiable, un expert judiciaire était désigné. Son rapport concluait à l’inutilité d’une reprise des fondations. Sur la base de ces conclusions expertales, les parties concluaient un « protocole d’accord » par lequel l’assuré renonçait, contre l’engagement de l’assureur d’assurer la reprise complète des désordres, à toutes ses actions.

Moins de deux ans plus tard consécutivement à l’apparition de nouvelles fissures, l’assuré obtenait la désignation d’un expert judiciaire. Suite au refus de l’assureur de prendre en charge le nouveau sinistre, l’assuré l’assignait au fond et demandait notamment l’annulation du protocole d’accord précédemment conclu.

2. L’intérêt essentiel de l’arrêt-encore qu’il ne s’agisse que d’un arrêt d’espèce faisant application de principes anciens-portait sur l’admission de la nullité de la transaction conclue entre les parties et partant sur l’appréciation des conditions de rescision des transactions figurant à l’article 2053 du Code civil en vertu duquel :

– « une transaction peut être rescindée lorsqu’il y a erreur dans la personne ou sur l’objet de la contestation » ;

– « elle peut l’être dans tous les cas où il y a dol ou violence ».

3. En l’espèce, était soumise à la Cour le contrôle de la motivation d’un arrêt de la Cour de Douai qui avait rejeté la demande de l’assuré qui invoquait cette disposition (précisément l’existence d’une erreur sur l’objet de la transaction) afin d’obtenir la rescision de la transaction.

Selon le pourvoi (première branche du premier moyen), l’erreur sur l’objet de la transaction au sens de l’article 2053 du Code civil devait être admise dès lors qu’elle portait soit sur les conséquences du sinistre soit encore sur la croyance illégitime que les travaux de reprises réalisés seraient efficaces.

4. La Cour de cassation confirme néanmoins la décision des juges d’appel estimant :

– qu’ayant relevé, d’une part, qu’à la suite de l’apparition de désordres sous forme de fissures dans la structure des bâtiments, divers techniciens avaient été amenés à se prononcer sur les causes de ce sinistre et sur les moyens d’y remédier et que leurs avis étaient divergents, que M. Z… X…, désigné en qualité d’expert judiciaire, avait, dans son rapport, estimé inutile de réaliser des micro-pieux en sous-oeuvre, et que ce rapport avait servi de base à la transaction litigieuse ;

– qu’ayant retenu, d’autre part, qu’avant de conclure cette transaction avec son assureur, la société d’HLM avait pris soin de s’entourer de plusieurs avis techniques et, notamment, de celui du bureau d’études A… qui, à plusieurs reprises, avait attiré son attention sur les risques de nouveaux phénomènes de tassement dans l’hypothèse de la survenance d’une autre période de sécheresse ;la cour d’appel a pu en déduire que la société d’HLM avait accepté en connaissance de cause la proposition d’indemnisation qui lui était faite par la société La Zurich correspondant au seul coût des réparations des fissures constatées lors des premières opérations d’expertise et qu’elle ne pouvait invoquer une erreur sur l’objet de la contestation.

5. La portée de l’arrêt ne saurait être plus étendue que ces strictes limites. C’est à raison de la constatation factuelle de l’existence d’avis techniques divergents et de la présence de conseillers techniques auprès du maître de l’ouvrage que la Cour de Douai a estimé que le maître de l’ouvrage avait connaissance au jour de la transaction des risques quant au caractère insuffisant des travaux de reprise.

6. L’arrêt rapporté s’inscrit dans la logique de la solution dégagée par un arrêt, de principe celui-là, de la première chambre civile du 10 juin 1986 (Cass. 1re civ., 10 juin 1986, no 85-10345, Bull. civ. 1986, III, no 164) validant un arrêt de la Cour de Rennes qui avait justement fait droit à la demande de rescision formulée par un assuré ayant conclu avec son assureur de dommages corporels une transaction au motif que la victime n’avait pu connaître les conséquences de l’accident de sorte que son consentement avait été vicié par une erreur sur l’objet de la contestation.

Mais dans l’espèce, objet de l’arrêt rapporté, il était difficile d’admettre l’existence d’une erreur sur l’objet de la contestation ayant donné lieu à la transaction alors que les experts n’étaient manifestement pas d’accord sur la solution des travaux réparatoires, l’assuré ne pouvant prétendre ignorer les risques inhérents aux procédés de reprise financés par voie transactionnelle.

L’arrêt rapporté s’inscrit enfin dans la logique des arrêts rappelant de manière récurrente que l’erreur sur la valeur ou encore le montant/l’étendue du préjudice objet de la transaction ne constitue pas une erreur sur l’objet au sens de l’article 2053 du Code civil (en ce sens, Cass. 1re civ., 2 mai 1990, no 88-13868 ; Cass. 1re civ., 9 octobre 1990, no 89-12092 ; et plus nettement encore Cass. 1re civ., 20 décembre 2000, no 99-13561 énonçant dans un chapeau en suite du visa que « l’erreur sur l’objet, qui rend rescindable une transaction, s’entend de l’erreur sur l’existence même du droit contesté et non de l’erreur sur sa valeur »).

J.-P. Karila

RGDA 2007, p. 835

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