Les désordres affectant les installations frigorifiques relèvent de l’article 1792 du Code civil et doit par conséquent être pris en charge par l’assureur RCD qui ne peut opposer la clause d’exclusion de la garantie décennale en l’absence d’un avenant d’adaptation de la police souscrite sous l’empire de la loi du 3 janvier 1967 (Cass. 3e Civ., 18 juillet 2001) — Karila

Les désordres affectant les installations frigorifiques relèvent de l’article 1792 du Code civil et doit par conséquent être pris en charge par l’assureur RCD qui ne peut opposer la clause d’exclusion de la garantie décennale en l’absence d’un avenant d’adaptation de la police souscrite sous l’empire de la loi du 3 janvier 1967 (Cass. 3e Civ., 18 juillet 2001)

Ancien ID : 143

Assurance de responsabilité décennale

Construction d’un abattoir. Désordres affectant les installations frigorifiques. Application de l’article 1792 du Code civil (oui). Inapplicabilité de la clause d’exclusion de la garantie décennale en l’absence d’un avenant d’adaptation de la police souscrite sous l’empire de la loi du 3 janvier 1967.

Une cour d’appel peut retenir que la construction d’une installation frigorifique comprenant une salle de machines alimentant les réseaux desservant un abattoir relève de l’article 1792 du Code civil.L’exclusion de couverture d’assurance de la garantie décennale, faute d’avenant conclu en application de la loi du 4 janvier 1978, ne visant pas les éléments d’équipement, ne saurait en conséquence s’appliquer.

Cour de cassation (3e Ch. civ.) 18 juillet 2001, n° 99-12326, Bull. n°97

Allianz Assurances c/ Sté Blezat Ferrat Alimentaire et autres


La Cour,

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 1998), que, pour la construction d’un abattoir, sous la maîtrise d’oeuvre de la société Blezat Ferrat Alimentaire (BFA), la société Sicavyl, maître de l’ouvrage, a confié le lot équipement frigorifique à la société des Usines Quiri, assurée par la compagnie Allianz, venant aux droits de la compagnie Rhin et Moselle ; que se plaignant du dysfonctionnement des réseaux de circulation des fluides, la société Sicavyl a assigné en réparation les constructeurs et leurs assureurs ;

Attendu que la société des Usines Quiri fait grief à l’arrêt de la condamner in solidum à payer une certaine somme au maître de l’ouvrage alors, selon le moyen, que la responsabilité des constructeurs régie par les articles 1792 et suivants du Code civil ne s’applique qu’aux travaux de construction ; qu’en retenant en l’espèce la responsabilité de la société des Usines Quiri au titre de la responsabilité décennale, sans avoir caractérisé en quoi la réalisation de l’installation frigorifique atteinte de désordres avait constitué de tels travaux, la cour d’appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des textes susvisés ;

Mais attendu qu’ayant constaté que les équipements frigorifiques étaient notamment constitués de canalisations assurant le transport de froid dans l’ensemble des locaux en traversant des cloisons isolantes, dites cloisons isothermes, et pu retenir qu’une construction de cette nature, à savoir une installation frigorifique comprenant une salle de machines qui alimente les réseaux desservant les autres locaux, le froid étant transporté par deux réseaux indépendants de tuyauteries, relevait de l’article 1792 du Code civil, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la compagnie Allianz fait grief à l’arrêt de la condamner à garantir la société des Usines Quiri des condamnations prononcées à son encontre alors, selon le moyen :

1o que le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu’il ne peut relever un moyen d’office sans savoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en relevant d’office un moyen tiré de la modification législative des articles 1792 et 2270 du Code civil, sans provoquer d’explication des parties sur ce point, pour dire que la compagnie Allianz Assurances devait garantir la société des Usines Quiri, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 16 du Nouveau Code de procédure civile ;

2o et à titre subsidiaire, que l’article 1792 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967, inclut dans les risques couverts par la garantie décennale les vices affectant les éléments d’équipement et rendant l’ouvrage impropre à sa destination, puisque le législateur de 1978 a, sur ce point, entériné l’interprétation jurisprudentielle de l’article 1792 du Code civil ; que dès lors l’exclusion de garantie pour les actions en responsabilité fondées sur l’article 1792 du Code civil figurant dans la police d’assurance souscrite par la société des Usines Quiri avant la modification législative de 1976 concernait, avant comme après la réforme, les vices affectant les éléments d’équipement de l’ouvrage pourvu qu’ils le rendent impropre à sa destination ; que la cour d’appel a constaté que le vice atteignait un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil et le rendait impropre à sa destination, de sorte que la garantie de l’assureur était exclue ; qu’en retenant, pour juger que l’assureur devait sa garantie, que la clause d’exclusion de garantie avait été rédigée avant la modification législative, ce qui était sans incidence sur l’absence de couverture du risque litigieux, la cour d’appel s’est déterminée par un motif impropre à justifier sa décision en violation de l’article 1134 du Code civil ;

3o qu’en ne recherchant pas si le vice atteignant l’ouvrage n ‘était pas couvert par la garantie décennale telle qu’elle était définie lors de la rédaction du contrat, seule circonstance de nature à déterminer si la clause d’exclusion devait s’appliquer dès lors que la loi du 4 janvier 1978 n’avait pas modifié la nature de la garantie en cause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l’article 1792 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu que l’exclusion invoquée, faute d’avenant conclu en application des dispositions de la loi du 4 janvier 1978, ne visait que les articles 1792 et 2270 du Code civil dans la rédaction de 1967, la police ayant été souscrite en 1976, mais non les éléments d’équipement occasionnant des dommages rendant l’ouvrage impropre à sa destination et donnant lieu à la garantie décennale de l’article 1792 de ce code dans sa rédaction de 1978, la cour d’appel a pu en déduire, sans violer le principe de la contradiction, que la garantie stipulée, couvrant la construction, les ventes d’installations ou de matériel frigorifique industriel et commercial construit ou acheté par la société des Usines Quiri, devait s’appliquer ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette les pourvois.

NOTE

L’arrêt rapporté met en relief le caractère indigent des écritures d’appel de l’assureur comme aussi et sans doute dans une moindre mesure, du moyen unique du pourvoi principal dudit assureur que la Cour suprême rejette, ensuite d’un « contrôle léger », validant ainsi « du bout des lèvres » un arrêt rendu par la Cour de Paris.

2. Il semble résulter de la lecture de l’arrêt rapporté comme du moyen unique du pourvoir principal annexé audit arrêt que le chantier considéré était soumis à la loi du 3 janvier 1967 pour n’avoir pas fait l’objet d’une déclaration réglementaire d’ouverture (DROC) à partir du 1er janvier 1979 ou encore plus sûrement en raison de ce que les juges du fond ont estimé que la loi du 3 janvier 1967 devait s’appliquer dès lors que le contrat d’assurance avait été passé dans le cadre du régime applicable sous l’empire de ladite loi, sans être complété par un avenant d’adaptation conclu en application de la loi du 4 janvier 1978.

3. Aux termes d’un moyen unique de cassation, comportant trois branches, Allianz Assurances demandeur au pourvoi principal, reprochait à la cour d’appel de l’avoir condamnée en sa qualité d’assureur de responsabilité décennale de la Société des Usines Quiri, à garantir celle-ci, du montant des condamnations prononcées à son encontre par ladite cour d’appel dans des circonstances assez extravagantes puisque le contrat d’assurance couvrait seulement « la construction, les ventes d’installation et de matériel frigorifiques » et stipulait une exclusion de toute couverture d’assurance de la responsabilité engagée au titre des articles 1792 et 2270 du Code civil.

Plus précisément il était soutenu :

– que « l’article 1792 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967 inclut dans les risques couverts par la garantie décennale les vices affectant les éléments d’équipement et rendant l’ouvrage impropre à sa destination puisque le législateur de 1978 a, sur ce point, entériné l’interprétation jurisprudentielle de l’article 1792 du Code civil ; que dès lors, l’exclusion de garantie pour les actions en responsabilité fondées sur l’article 1792 du Code civil, figurant dans la police d’assurance souscrite par la société des Usines Quiri avant la modification législative de 1978, concernait, avant comme après la réforme, les vices affectant les éléments d’équipement d’ouvrage pourvu qu’ils le rendent impropres à sa destination, que la cour d’appel qui a constaté que le vice atteignait un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, le rendait impropre à sa destination, de sorte que la garantie de l’assureur était exclue », peu important en définitive selon le moyen, que la clause d’exclusion de garantie avait été rédigée avant la modification législative, la cour d’appel s’étant déterminée, toujours selon le moyen, par un motif impropre à justifier sa décision en violation de l’article 1134 du Code civil (2e branche),

– que la cour d’appel aurait dû rechercher « si le vice atteignant l’ouvrage n’était pas couvert par la garantie décennale telle qu’elle était définie lors de la rédaction du contrat, seule circonstance de nature à déterminer si la clause d’exclusion devait s’appliquer dès lors que la loi du 4 janvier 1978 n’avait pas modifié la nature de la garantie en cause », le moyen reprochant en conséquence à la cour d’appel de n’avoir pas donné de base légale à cette décision au regard des dispositions de l’article 1792 du Code civil (3e branche).

4. Certes l’argumentation ci-dessus était périlleuse en ce sens qu’elle tendait à prétendre, qu’avant comme après la loi du 4 janvier 1978, la garantie décennale était susceptible d’application aux « vices affectant les éléments d’équipement d’ouvrage » alors que la dernière loi précitée ignore la notion de vice d’une part tandis que la loi qui l’a précédée, celle du 3 janvier 1967, ignore la notion d’élément d’équipement d’ouvrage d’autre part !…

Mais le contrat d’assurance dont l’objet était la couverture de la responsabilité engagée pour « la construction, les ventes d’installations frigorifiques » excluait formellement de la garantie « les dommages résultant de l’application des articles 1792 et 2270 du Code civil », en sorte qu’il était évident que la garantie d’assurance n’était pas mobilisable, s’agissant justement de dommages relevant de l’application de l’article 1792 du Code civil.

5. La Cour suprême valide néanmoins l’arrêt de la cour d’appel dans les conditions ci-dessus évoquées (1), au seul prétexte que faute d’avenant conclu en application des dispositions de la loi du 4 janvier 1978, qu’aurait introduit la notion d’élément d’équipement dans ladite clause d’éviction, la garantie devait s’appliquer !…, écartant ainsi, sans l’annuler et alors qu’elle n’était nullement sujette à interprétation, une clause d’exclusion de la couverture d’assurance de la garantie décennale.

6. Le moyen unique produit à l’appui du pourvoi incident de l’assuré était par ailleurs intéressant en ce qu’il renvoyait implicitement mais nécessairement à la jurisprudence de la 3e Chambre civile elle-même, relativement à la question de l’applicabilité de la garantie décennale aux désordres ou dysfonctionnement affectant des éléments d’équipement à usage strictement professionnel ou encore industriel, objet notamment de deux arrêts remarqués du 22 juillet 1998 (Cass. 3e civ., 22 juillet 1998, Bull. civ. III, no 170) et 4 novembre 1999 (Cass. 3e civ., 4 novembre 1999, Bull. civ. III, no 209, D. 2001, jur. p. 650, note J.-P. Karila).

Sur l’ensemble de la question voir J.-P. Karila, « Les équipements participant à un process industriel et/ou à fonction strictement professionnelle ne relèvent pas du champ d’application des articles 1792 et suivants du Code civil », Gaz. Pal. 19 et 20 mai 1999.

En cause d’appel, la société des Usines Quiri s’était déjà inspirée de la jurisprudence précitée au soutien de sa prétention d’inapplicabilité des articles 1792 et suivants dans leur rédaction issue de la loi du 4 janvier 1978, aux éléments d’équipement à usage strictement professionnel ou participant à un process industriel.

La cour d’appel avait rejeté cette argumentation au simple prétexte que les dysfonctionnements et désordres affectant les éléments d’équipement considérés rendaient l’ouvrage – en la circonstance l’abattoir – impropre à sa destination en son entier.

Le moyen unique du pourvoi incident de la société des Usines Quiri reprochait en conséquence à la cour d’appel, nous semble-t-il avec une certaine pertinence, de n’avoir pas caractérisé en quoi la réalisation de l’installation frigorifique atteinte de désordres avait constitué des travaux de construction, s’inspirant ici très nettement de la motivation de l’arrêt précité rendu par la 3e Chambre civile elle-même le 22 juillet 1998.

La Cour suprême rejette le moyen de façon relativement ambiguë puisqu’à la fois elle valide l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’elle « a pu retenir qu’une construction de cette nature, à savoir une installation frigorifique, comprenant une salle de machines qui alimente les réseaux desservant les autres locaux (abattoir) relevait de l’article 1792 du Code civil » d’une part, ajoutant que ladite cour d’appel avait en conséquence « légalement justifié sa décision de ce chef » d’autre part, sans que l’on sache d’ailleurs si la Cour suprême a raisonné par référence à la loi du 3 janvier 1967 ou plutôt – ce qui semble être le cas – par référence à la loi du 4 janvier 1978 alors que, dans le cadre du rejet du moyen unique du pourvoi principal, elle validait par ailleurs l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il avait appliqué, pour les motifs précités, de la loi du 3 janvier 1967…

7. L’arrêt rapporté ne remet néanmoins pas en cause les principes que la 3e Chambre civile a, elle-même, énoncé dans les arrêts précités des 22 juillet 1998 et 4 novembre 1999.

En effet, il n’est pas statué au regard de la notion d’élément d’équipement industriel ou professionnel, la Cour suprême validant l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il avait considéré que l’installation frigorifique, dans son ensemble (la Cour prenant le soin ici de préciser les différents éléments de cet ensemble) constituait « une construction » c’est-à-dire la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil.

L’arrêt rapporté n’est donc pas à opposer aux arrêts précités des 22 juillet 1998 et 4 novembre 1999 mais plutôt à rapprocher (comme d’ailleurs le lecteur du bulletin des arrêts des chambres civiles est invité, quant à ce Bull. civ. III, no 97) d’un arrêt rendu par la 3e Chambre civile qui avait validé un arrêt d’une cour d’appel qui avait retenu que l’installation réalisée (installation de chauffage) comportant une chaudière équipée d’un brûleur et une pompe à chaleur dont l’évaporateur était associé à une cuve de 20 m3, enterrée, constituait la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil (Cass. 3e civ. 18 novembre 1992, 18 novembre 1992, Bull. civ. III no 298).

RGDA 2001-4, p. 987

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