Licéité de la clause limitant la garantie des dommages aux ouvrages en cours de construction à ceux survenant de façon fortuite et soudaine dans une police TRC (Cass. 1e. civ., 26 novembre 1996) — Karila

Licéité de la clause limitant la garantie des dommages aux ouvrages en cours de construction à ceux survenant de façon fortuite et soudaine dans une police TRC (Cass. 1e. civ., 26 novembre 1996)

Police Unique de Chantier (Police Unique de Chantier) comportant un volet Tous Risques Chantiers (TRC). Absence de caractère fortuit et soudain des dommages en cours de construction. Garantie (non).

La clause de la police Tous Risques Chantiers limitant la garantie des dommages aux ouvrages en cours de construction à ceux qui surviennent de façon fortuite et soudaine n’a pas pour effet de retirer son objet au contrat d’assurance, ni d’annuler en totalité la garantie stipulée en cas de faute de l’assuré.

Cour de cassation (1ère Ch. civ.)n° 95-10281, 26 novembre 1996

Société Pieux Ouest c/ Compagnie Albingia et autres

La Cour,

Sur le deuxième moyen,

VI. Le pourvoi reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la Compagnie Albingia n’était pas tenue à garantir son assurée, la Société Pieux Ouest ;

Aux motifs qu' »une police unique de chantier » avait été souscrite par la Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts et Consignations pour le compte des entreprises intervenantes ; qu’elle s’applique au présent chantier ; que le jugement a retenu que la Compagnie Albingia devait garantir la Société Pieux Ouest de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de la SAIEM ; (…) que l’article 2-4-1 de la police relatif aux dommages aux ouvrages en cours de construction stipule que le contrat a pour objet de garantir aux assurés tous dommages, quelle qu’en soit la cause, survenant de façon fortuite et soudaine ou encore consécutivement à un vol ou à une tentative de vol subis par les ouvrages et/ou éléments d’équipements incorporés à l’opération de construction, ainsi que par les ouvrages provisoires nécessaires à l’exécution des marchés ; que son notamment couverts les dommages matériels résultant de l’effondrement total ou partiel des ouvrages ainsi que les dépenses engagées par l’assuré pour effectuer les travaux nécessaires à une menace grave et imminente d’effondrement total ou partiel des ouvrages ; que par ailleurs, il résulte des articles 2-4-4 et 5-4-1 que sont seuls garantis les dommages immatériels consécutifs, après réception et que, postérieurement à celle-ci sont exclusivement garantis, pendant une durée d’un an, les dommages subis par les ouvrages assurés, survenus de façon fortuite et soudaine et qui proviendraient exclusivement de négligence, maladresse ou fausse manœuvre imputables aux réalisateurs, lorsqu’ils reviennent sur le chantier pour l’accomplissement de leurs seules obligations contractuelles (visite de contrôle, en entretien ou réparation) ; qu’il a été retenu plus haut que l’origine des dommages se trouve dans l’acceptation par la Société Pieux Ouest de livraisons de béton non-conformes au bon de commande et que celle-ci avait, sans effectuer les vérifications prescrites, acceptées de la Société BRN ; que si la police garantit ses assurés en cours de construction de tous dommages quelle qu’en soit la cause, encore aurait-il fallu qu’ils surviennent de façon « fortuite et soudaine » ; qu’en l’espèce ceux-ci résultent des carences de la Société Pieux Ouest ; qu’au surplus, ils ne présentent pas un caractère soudain ; qu’ainsi, et sans qu’il soit utile de rechercher s’ils s’apparentent en tout ou partie à des dommages immatériels, il convient d’infirmer le jugement dont appel et de dire que la Compagnie Albingia n’est pas tenue à garantie ».

« Alors que toute exclusion de garantie, qu’elle se présente de façon directe ou indirecte, fût-ce au travers de la définition du risque assuré, ne peut être que formelle et limitée et ne saurait aboutir, sans retirer son objet au contrat d’assurance, à annuler dans sa totalité la garantie stipulée en cas de faute de l’assuré ; que l’article 2-4-1 des Conditions Générales de la police unique de chantier prévoyait une garantie complémentaire couvrant tous dommages aux ouvrages en cours de construction, quelle qu’en soit la cause, survenant de façon fortuite et soudaine ; qu’en excluant la garantie de la Compagnie Albingia pour les dommages en cause aux seuls motifs qu’en l’espèce ceux-ci résultaient des carences de l’assuré et que dès lors ils ne présentaient ni un caractère fortuit ni un caractère soudain, la Cour d’appel a par là même considéré que cette garantie ne pouvait jamais être mise en œuvre en cas de faute de l’assuré, de sorte qu’elle a vidé la garantie complémentaire de sa substance et violé l’article L. 113-1 du Code des Assurances. »

Et attendu, ensuite, que la clause de la police « tous risques chantiers » limitant la garantie des dommages aux ouvrages en cours de construction à ceux qui surviennent de façon fortuite et soudaine, n’a pas pour effet de retirer son objet au contrat d’assurance, ni d’annuler en totalité la garantie stipulée en cas de faute de l’assuré ; que le second moyen n’est donc pas mieux fondé que le premier ;

Par ces motifs ;

Rejette le pourvoi …

Note. 1. Les contrats d’assurances Tous Risques Chantiers dénommés habituellement par abréviation T.R.C, stipulent toujours que la garantie pour les dommages en cours de construction est accordée, quelque soit la cause desdits dommages, dès lors que ceux-ci interviennent « de façon fortuite ou soudaine » ;

2. La Cour de Caen, constatant que les dommages considérés ne présentaient pas un « caractère soudain » mais provenaient de la carence d’un des constructeurs assurés qui avait accepté des livraisons de béton non-conformes au bon de commande, avait pour ce motif dit que l’assureur n’était pas tenu à garantie.

3. Il était reproché à la Cour de Caen d’avoir ainsi violé l’article L. 113-1 du Code des Assurances, dès lors qu’elle avait – en se référant notamment à la cause des dommages, à savoir la faute de l’assuré – considéré que la garantie ne pouvait jamais être mise en œuvre en cas de faute de l’assuré, vidant ainsi la garantie de sa substance.

4. Le rejet de pourvoi s’imposait et est à notre sens pleinement justifié.

Certes, la police T.R.C stipulait bien la garantie des dommages en cours de construction, quelque soit la cause, mais encore fallait-il que ceux-ci surviennent de façon « fortuite et soudaine ».

L’absence de prise en considération de la ou des causes des dommages – au nombre desquels peut évidemment se trouver la faute de l’assuré – ne peut avoir pour conséquence d’annihiler les conditions mêmes de la garantie, laquelle était subordonnée au caractère fortuit et soudain de la survenance desdits dommages.

En d’autres termes, la faute de l’assuré qui constituait en la circonstance la cause des dommages, ne pouvait, au prétexte que l’assureur garantissait les conséquences de ladite faute, annihiler les conditions mêmes de la garantie.

C’est donc de façon justifiée et particulièrement pertinente que le pourvoi est rejeté au motif que la stipulation contractuelle critiquée, n’a pas pour effet de retirer son objet au contrat d’assurance, ni d’annihiler en totalité la garantie stipulée en cas de faute de l’assuré.

Jean-Pierre Karila

RGDA 1997