La garantie de responsabilité civile est limitée aux stipulations contractuelles en l’espèce à la responsabilité contractuelle (Cass. 3e. civ., 16 septembre 2003) — Karila

La garantie de responsabilité civile est limitée aux stipulations contractuelles en l’espèce à la responsabilité contractuelle (Cass. 3e. civ., 16 septembre 2003)

Ancien ID : 130

Assurance construction. Assurance de responsabilité civile

Sous-traitant. Conditions et limites stipulées dans la police d’assurance. Absence de garantie lorsque l’action est engagée non par l’entrepreneur principal mais par la victime des dommages.

Viole l’article 1134 du Code civil, la cour d’appel qui accueille l’action de la victime / maître d’ouvrage, à l’encontre de l’assureur du sous-traitant alors que la garantie d’assurance n’avait été accordée que dans le cas où la responsabilité de celui-ci serait engagée contractuellement.

Cour de cassation (3e Ch. civ.) 16 septembre 2003

GAN Incendie Accident et a. c/ M. J.-P. Anthonioz-Blanc et a.

La Cour,

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 28 novembre 2000), qu’en 1991, M. Petitdemange et Mme Raginis ont chargé de la construction d’une maison la société Créaligne, ayant pour gérants M. Jean-Paul Anthonioz-Blanc et M. Régis Anthonioz-Blanc, assurée en responsabilité décennale par la compagnie GAN incendie accidents, qui a sous-traité les travaux de terrassement à M. Marcel Anthonioz-Blanc, assuré pour sa responsabilité civile par la compagnie GAN incendie accidents (compagnie GAN), et les travaux de gros oeuvre à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Régis Anthonioz-Blanc, elle-même également assurée en responsabilité décennale par la compagnie GAN incendie accidents ; que la réception est intervenue le 30 octobre 1992 ; qu’en 1993, des glissements de terrains en amont ayant endommagé la maison, les maîtres de l’ouvrage ont, après expertise, assigné en réparation les constructeurs, leurs assureurs et les gérants de la société Créaligne ;

Attendu que, pour condamner la compagnie GAN, en sa qualité d’assureur de l’EURL Régis Anthonioz-Blanc, in solidum avec son assuré, la société Créaligne, M. Marcel Anthonioz-Blanc et son assureur, la compagnie GAN, à payer à M. Petitdemange et Mme Raginis une certaine somme au titre des préjudices matériels et immatériels, l’arrêt retient que l’argument tiré par cet assureur de la nature quasi-délictuelle de la responsabilité encourue par l’EURL Régis Anthonioz-Blanc envers les maîtres de l’ouvrage n’est pas opérant dès lors que la faute commise par l’EURL dans l’exécution de sa prestation est d’abord contractuelle à l’égard du constructeur ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat d’assurance stipulait que la garantie de la compagnie GAN n’était acquise à l’EURL Régis Anthonioz-Blanc, titulaire d’un contrat de sous-traitance, que dans le cas où sa responsabilité serait engagée contractuellement, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi provoqué, qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission des pourvois.

Par ces motifs,

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il condamne la compagnie GAN…

Note

1. La lecture de l’arrêt rapporté laisse le commentateur perplexe dans la mesure où la solution retenue est, bien que non critiquable en droit, inopportune et permet à l’assureur de se dégager de son obligation de garantie dans des conditions critiquables en fait.

2. On sait en effet qu’outre la couverture d’assurance de la responsabilité décennale (garantie dite obligatoire), les polices d’assurance existant sur le marché stipulent également la couverture d’assurance de la responsabilité de l’assuré lorsque celui-ci intervient non pas en qualité de locateur d’ouvrage lié au maître de l’ouvrage, mais en qualité de sous-traitant ; dans cette dernière hypothèse, la responsabilité de l’assuré ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité de droit commun, responsabilité de nature contractuelle dans ses rapports avec l’entrepreneur principal, de nature extracontractuelle lorsque sa responsabilité est recherchée par la victime (maître d’ouvrage) des dommages affectant les travaux réalisés en sous-traitance.

On sait également que cette couverture d’assurance complémentaire / facultative est généralement accordée pour les dommages de la nature de ceux visés par les articles 1792 et 1792-2 du Code civil et pour une durée égale à celle prévue pour l’application des dispositions précitées dudit code, c’est-à-dire, en vertu de l’article 2270 du Code civil, dix ans à compter de la réception des travaux.

L’essentiel donc, est la nature physique du dommage d’une part, et la durée de la responsabilité d’autre part, l’assureur ne déniant pas sa garantie lorsque ces deux conditions sont réunies, sauf bien évidemment à pouvoir opposer légitimement, puisqu’il s’agit d’une garantie complémentaire, la limite du plafond de garantie d’une part, et de la franchise d’autre part (Cass. 3e civ., 12 mai 1997, RGDA 1997, p. 511, note J.-P. Karila ; Cass. 1re civ., 7 mai 2002, Bull. civ. I, no 120 ; CA Versailles, 4e ch., 30 septembre 1994, no 94.1022, Murat c/ Soaco, Bull. form. INF Cass. 1er février 1995 p. 44).

3. Ceci dit, il est vrai que les conditions de mise en oeuvre de l’assurance dont s’agit peuvent être contaminées soit par la référence que l’on trouve quelquefois à « l’obligation contractuelle » ou encore la « responsabilité contractuelle » auxquelles est tenu le sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal ; dans une telle hypothèse, il est clair que formellement l’assurance ne peut être mise en oeuvre lorsque l’action est engagée par la victime / maître d’ouvrage, dès lors que ladite action est nécessairement de nature extracontractuelle…

C’était le cas de l’espèce ; certes la cour d’appel n’avait pas méconnu la difficulté et a cru pouvoir la résoudre en énonçant que l’exception par l’assureur du caractère délictuel de la responsabilité de son assuré envers la victime / maître d’ouvrage était inopérante « dès lors que la faute commise » par l’assuré « dans l’exécution de sa prestation est d’abord contractuelle à l’égard du constructeur », c’est-à-dire de l’entrepreneur principal.

La Cour Suprême casse en conséquence naturellement et logiquement l’arrêt frappé de pourvoi, seule solution justifiée en droit, même si elle est inopportune et a permis à l’assureur de dénier dans des conditions critiquables sa garantie dès lors que le caractère physiquement décennal des désordres n’était pas contesté ni que l’action ait été engagée dans le délai de dix ans à compter de la réception avec ou sans réserve de l’ouvrage.

RGDA 2003-4, P. 745

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