L’indemnité DO doit être affectée à la réparation de l’ouvrage, son montant ne peut excéder le coût des réparations nécessaires (Cass. 3e. civ., 17 décembre 2003) — Karila

L’indemnité DO doit être affectée à la réparation de l’ouvrage, son montant ne peut excéder le coût des réparations nécessaires (Cass. 3e. civ., 17 décembre 2003)

Ancien ID : 120

Assurance dommages ouvrage

Jean-Pierre Karila

Indemnité d’assurance – destination : réparation de la chose assurée – principe indemnitaire.

L’assurance dommages ouvrage étant une assurance de chose, garantissant en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de nature décennale affectant l’ouvrage, la Cour d’appel qui a exactement relevé qu’en vertu du principe indemnitaire applicable aux assurances relatives aux biens, l’indemnité due par l’assureur dommages ouvrage ne peut excéder ce qui est nécessaire à la réparation des dommages et qui a fixé le coût des travaux de réparation à une somme inférieure au montant de cette indemnité, en a justement déduit que l’assureur dommages ouvrage était en droit d’obtenir la restitution de ce qu’il avait versé au-delà de ce que la victime avait dû payer pour faire réparer les dommages de nature décennale (première espèce).

Les dispositions relatives à l’assurance dommages ouvrage instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres de nature décennale d’un immeuble avant toute recherche de responsabilité, rendant de ce fait obligatoire l’affectation de l’indemnité à la reprise des désordres (deuxième espèce).

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)

17 décembre 2003

Ste HLM IMMOBILIERE 3F c/ Ste BREZILLON & autres

Pourvoi n° 01-17608, Bull. n° 234

La Cour.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 10 octobre 2001 et 21 novembre 2001), que la société Habitations à loyer modéré Immobilière 3 F (société 3 F), maître de l’ouvrage, assurée en police “dommages-ouvrage” par la compagnie Assurances générales de France IART (compagnie AGF), a fait édifier des bâtiments par divers constructeurs ; que des désordres étant apparus après réception, consistant en un décollement de l’enduit des façades, la société 3 F a déclaré le sinistre à la compagnie AGF qui, l’ayant indemnisée, a, après expertise, assigné les constructeurs et leurs assureurs en paiement de diverses sommes, et le maître de l’ouvrage, qui avait fait procéder aux travaux de remise en état pour un montant inférieur à l’indemnité versée, en répétition de l’indu ;

Attendu que la société 3 F fait grief à l’arrêt d’accueillir l’action en répétition de la partie d’indemnité versée indûment, alors, selon le moyen, que l’assurance dommages ouvrage est un contrat d’indemnité destiné à réparer le préjudice subi par le patrimoine de l’assuré en y faisant rentrer une valeur équivalente à celle qui en était sortie, peu important la destination finale qu’entend donner à cette indemnité l’assuré qui n’est pas tenu de l’employer à la remise en état de la chose endommagée, ni de fournir de justifications à cet égard si bien qu’en condamnant le bénéficiaire de l’assurance dommages ouvrage à restituer à l’assureur une partie de l’indemnité versée au regard du coût final des réparations, les juges du fond ont violé l’article 1376 du Code civil et les articles L. 121-1 et L. 242-1 du Code des assurances ;

Mais attendu que l’assurance de dommages obligatoire étant une assurance de chose garantissant, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de nature décennale affectant l’ouvrage, la cour d’appel qui a exactement relevé qu’en vertu du principe indemnitaire applicable aux assurances relatives aux biens, l’indemnité due par l’assureur dommages ouvrage ne peut excéder ce qui est nécessaire à la réparation des dommages et qui a fixé le coût des travaux de réparation à une somme inférieure au montant de cette indemnité, en a justement déduit que l’assureur dommages ouvrage était en droit d’obtenir la restitution de ce qu’il avait versé au-delà de ce que la victime avait dû payer pour réparer ses dommages de nature décennale ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)

17 décembre 2003

SMABTP c/ J. GOETGHELUCK & autres

La Cour.

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 242-1 du Code des assurances ;

Attendu que l’indemnité versée par l’assureur dommages ouvrage doit être affectée au paiement des travaux de réparation des dommages ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 10 juin 2002), que M. X… a fait construire en qualité de maître d’ouvrage, une maison individuelle d’habitation à Warhem ; qu’il a souscrit une assurance dommages ouvrage auprès de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ;

qu’après un premier sinistre dû à une inondation, il a reçu une indemnisation destinée à réaliser un carrelage en sous-sol ; qu’à la suite d’un deuxième sinistre, il a perçu une indemnité de son assureur dommages ouvrage afin de procéder à la démolition du dallage et à la mise en place d’un radier apte à recevoir la pression de l’eau ; que, consécutivement à un troisième sinistre, la SMABTP a constaté que son assuré n’avait pas réalisé les travaux préconisés lors du précédent sinistre et n’avait pas utilisé la totalité de l’indemnité perçue ; qu’elle a assigné M. X… en restitution du trop-perçu ;

Attendu que, pour rejeter la demande, la cour d’appel retient que l’assurance dommages ouvrage était une assurance de chose bénéficiant au maître de l’ouvrage afin de lui procurer la réparation immédiate des désordres susceptibles d’affecter la construction pendant la période décennale sans avoir à attendre la détermination des responsabilités, soit une assurance de préfinancement des travaux de réparation des désordres ; qu’il résulte des dispositions de l’article L. 121-17 du Code des assurances, que les indemnités versées en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour sa remise en état ; qu’il ne s’agit pas pour l’assuré d’une obligation expresse de procéder aux travaux bien qu’aux termes des clauses contractuelles, l’assuré ait l’obligation d’exécuter des travaux de réparation des dommages ayant fait l’objet d’une indemnisation en cas de sinistre et qu’à défaut d’utilisation des indemnités à cet effet, l’aggravation éventuelle du coût des travaux lui sera imputable ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions du texte susvisé instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres de nature décennale d’un immeuble avant toute recherche de responsabilités, rendant obligatoire l’affectation de l’indemnité ainsi perçue à la reprise des désordres, la cour d’appel a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

Note. 1. Les deux arrêts rapportés rendus le même jour sur le rapport d’un Conseiller pour le premier et d’un Conseiller référendaire pour le second et destinés à une large diffusion, confirment de façon éclatante la solution déjà contenue dans un arrêt de principe du 21 novembre 2001 (Cass. 3ème civ. 21 novembre 2001, bull. civ. III n°132, JP KARILA « l’affectation de l’indemnité d’assurance dommages ouvrage », bull. d’actua. n°81 février 2002, Tribune de l’assurance mars 2002 n°55, cahier de juris.n°118 p.1, RGDA 2002, p. 412, note H. Périnet-Marquet), tranchant indirectement l’irritante question – discutée en doctrine – de la destination et/ou de l’emploi de l’indemnité réglée par l’assureur dommages ouvrage, en validant un arrêt de la Cour de VERSAILLES qui avait rejeté l’action en répétition de l’indu dudit assureur dirigée contre des acquéreurs de maisons individuelles et d’un syndicat de copropriétaires, qui avaient obtenu en référé puis au fond, des indemnités d’assurances mais qui n’étaient plus propriétaires des biens assurés puisqu’ils avaient revendiqué et obtenu la résolution de la vente desdits biens.

Etant rappelé que la validation de l’arrêt de la Cour de VERSAILLES l’a été au motif notamment que les indemnités d’assurance étaient destinées au préfinancement des reprises des désordres de nature décennale affectant les immeubles considérés

Pour être complet, on observera en outre que l’arrêt précité du 21 novembre 2001 est à rapprocher d’un précédent arrêt du 17 juillet 2001 (Cass. 1ère civ. 17 juillet 2001, bull. civ. I n° 232, RGDA 2001 p.982, note JP KARILA, RDI 2001, p. 490 obs. G. DURY) ainsi que d’un autre arrêt postérieur du 12 février 2002 (Cass. 1ère civ. I, 12 février 2002, bull. civ. I, n°52), arrêts rendus par la même première chambre civile et qui ont admis que dans certaines conditions le crédit preneur, pourtant non propriétaire de l’ouvrage assuré, avait qualité à réclamer l’indemnité d’assurance dès lors qu’il avait ou devait l’affecter à la réparation de la chose assurée (voir JP KARILA et J.KULLMANN LAMY ASSURANCES 2004, chapitre assurance dommages à l’ouvrage n°2900 et 2869 c).

2. On ne peut donc que se réjouir de l’existence des arrêts rapportés, déjà annoncés en quelque sorte par les arrêts précités, surtout par celui précité du 21 novembre 2001, dont la solution est reprise et affirmée en termes clairs et non équivoques.

Désormais il ne saurait être sérieusement prétendu que le principe indemnitaire de toute assurance, y compris l’assurance de chose, qui est l’assurance dommages ouvrage, impliquerait que le bénéficiaire de l’indemnité en ait le libre usage, quitte, en cas de non affectation à la réparation de la chose à supporter personnellement le coût de la réparation dû à l’aggravation des dommages, comme l’avait d’ailleurs estimé la Cour de DOUAI dans le 2ème arrêt rapporté, lequel après avoir rappelé que l’assurance dommages ouvrage était une assurance de chose bénéficiant au maître de l’ouvrage « afin de lui procurer la réparation immédiate des désordres susceptibles d’affecter la construction pendant la période décennale sans avoir à attendre de détermination des responsabilités, soit une assurance de préfinancement des travaux de réparation des désordres » d’une part, et que les indemnités versées en réparation du dommage devaient être utilisées pour la remise en état de la chose assurée, d’autre part, avait ajouté néanmoins « qu’il ne s’agit pas pour l’assuré d’une obligation expresse de procéder aux travaux bien qu’aux termes des clauses contractuelles l’assuré ait l’obligation d’exécuter des travaux de réparation des dommages ayant fait l’objet d’une indemnisation en cas de sinistre… ».

3. On regrettera cependant la maladresse, au regard du droit applicable stricto sensu, du second arrêt rapporté (destiné justement à une plus large diffusion que le premier arrêt rapporté puisque, outre sa publication au bulletin, il devrait faire l’objet d’un commentaire au rapport annuel de la Cour de Cassation pour l’année 2003).

La Cassation est en effet prononcée au visa de l’article L 242.1 du Code des Assurances mais pour violation de l’article L 121.7 du Code des Assurances créé par l’article 90 de la Loi n°95.101 du 2 février 1995 dite Loi BARNIER, sur le renforcement de la protection de l’environnement, lequel article dispose que :

« Les indemnités versées en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti, peuvent être utilisées pour la remise en l’état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d’assiette, d’une manière compatible avec l’environnement dudit immeuble.

Toute clause contraire dans les contrats d’assurance est nulle d’ordre public.

Un arrêté du Maire prescrit les mesures de remise en état susmentionnées, dans un délai de deux mois suivant la notification du sinistre au Maire par l’assureur ou l’assuré ».

Or, outre le fait que l’application des dispositions de ce texte spécifique est discutée en doctrine et est discutable, la Cour Suprême entérine en quelque sorte l’omission de la Cour de DOUAI qui n’avait, dans son arrêt critiqué, reproduit qu’une partie du texte précité (occultant le fait que la destination des indemnités versées à la « la remise en l’état effective de cet immeuble » devait l’être « d’une manière compatible avec l’environnement dudit immeuble » exigence spécifique dans le cadre d’un texte justement destiné à la protection de l’environnement) et ajoute de façon surprenante que « les dispositions du texte susvisé instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres de nature décennale d’un immeuble avant toute recherche de responsabilités rendant obligatoire l’affectation de l’indemnité ainsi perçue à la reprise des désordres ».

Or, il est clair que l’article L 121.17 précité du Code des Assurances, de même d’ailleurs que l’article L 242-1 dudit Code, n’institue la procédure spécifique de préfinancement ci-dessus évoquée, laquelle n’est pas organisée par les deux textes précités, mais par les dispositions de l’annexe II à l’article A 243-1 du Code des Assurances pris pour l’application du titre IV du livre II dudit Code (comportant notamment l’article L 242-1 du Code des Assurances), c’est-à-dire par les clauses types réglementaires et d’ordre public plus précisément celles figurant entre autre à l’article B « obligations de l’assureur en cas de sinistre » ! …

Aussi, de deux choses l’une :

– ou il y a eu violation de l’article L 121-7 du Code des Assurances et dans cette hypothèse la violation ne peut être fondée sur l’absence de prise en considération de la procédure spécifique qui n’est nullement instituée par ce texte ;

– ou il n’y a pas eu violation de l’article L 121-7 du Code des Assurances, la Cour ayant pris en considération seulement et uniquement les clauses types et ou encore le contrat lui-même et alors, elle se devait de viser les clauses types dont s’agit et non l’article L 121-7 du Code des Assurances…

RGDA 2004-1 p. 100

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