Illustration de l’obligation de l’assureur DO de communiquer préalablement à sa décision quant au principe de la mise en oeuvre de sa garantie le rapport préliminaire d’expertise (Cass. 3e. civ., 18 févier 2004) — Karila

Illustration de l’obligation de l’assureur DO de communiquer préalablement à sa décision quant au principe de la mise en oeuvre de sa garantie le rapport préliminaire d’expertise (Cass. 3e. civ., 18 févier 2004)

Ancien ID : 126

Assurance dommages ouvrage

Règlement du sinistre. Rapport préliminaire de l’expert. Communication, dans le délai de 60 jours. Notification en même temps par l’assureur de sa position sur le principe de la garantie. Sanction (oui). Nécessité de communication préalable. Référé (article 809 alinéa 2 du NCPC). Obligation de l’assureur non sérieusement contestable.

L’arrêt qui retient que l’assureur ayant notifié son refus de garantie dans le délai de 60 jours a donc respecté ledit délai d’une part, mais qu’il n’appartient pas au Juge des référés d’apprécier si la notification du refus de garantie est régulière ou non au motif que le rapport de l’expert dommages ouvrage aurait dû être communiqué préalablement et non concomitamment à celle-ci retenant ainsi l’existence d’une contestation sérieuse sur l’obligation à garantie de l’assureur, viole les articles L 242.1 et A. 243.1 du Code des Assurances et de l’annexe II de ce dernier article dès lors qu’il en résulte que l’assureur ne peut valablement notifier à son assuré dans un délai qui lui est imparti, sa décision sur le principe de la garantie, sans avoir préalablement communiqué à son assuré le rapport préliminaire en sa possession établi par l’expert.

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)

18 février 2004

Epoux AGOSTINI c/ Ste d’assurances AM PRUDENCE

Pourvoi n° 0117053

La Cour.

Sur le premier moyen :

Vu l’article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juin 2001) rendu en matière de référé, que les époux X…, dont la maison réceptionnée le 22 septembre 1988 était atteinte de désordres, ont déclaré le sinistre à la société AM Prudence, en vue de la mise en jeu de la garantie prévue au contrat d’assurance dommages-ouvrage ; que l’assureur ayant refusé le principe de sa garantie, les époux X… l’ont assigné en paiement d’une provision ;

Attendu que pour rejeter la demande, l’arrêt retient qu’il est incontestable que la société AM Prudence, qui a reçu la déclaration de sinistre le 16 septembre 1998 et notifié son refus de garantie le 13 novembre 1998, a respecté le délai de soixante jours, mais qu’il n’appartient pas au juge des référés d’apprécier si la notification du refus de garantie est régulière ou non au motif que le rapport de l’expert dommages-ouvrage aurait dû être communiqué préalablement, et non concomitamment, à celle-ci ;

Qu’en statuant ainsi, en retenant l’existence d’une contestation sérieuse sur l’obligation à garantie de la société AM Prudence alors qu’il résulte des articles L. 242-1 et A. 243-1 du Code des assurances et de l’annexe II à ce dernier article que l’assureur ne peut valablement notifier à son assuré dans le délai qui lui est imparti sa décision sur le principe de sa garantie sans avoir préalablement communiqué à son assuré le rapport préliminaire en sa possession établi par l’expert, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE

Note. 1. L’arrêt rapporté n’est pas destiné à être publié au bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de Cassation mais la Haute Juridiction a rendu le même jour dans une autre affaire, un arrêt n°181 (Pourvoi n°F.02.17 976) qui sera quant à lui publié au bulletin et qui a déjà fait l’objet d’une étude que nous avons déjà fait publier (« communication du rapport préliminaire et mise en jeu de la garantie dommages ouvrage » par JP.KARILA in Lamy Assurances, Bulletin d’actualité H n°106, mai 2004, p.1, et in La Tribune de l’Assurance n°80 juin 2004, Cahiers de juris. n°143, p.1).

La présente note sera donc brève, le lecteur étant prié de bien vouloir se reporter, s’il l’estime utile, à l’étude ci-dessus évoquée.

2. La solution retenue dans l’arrêt rapporté, comme dans celui ci-dessus évoqué, fait une appréciation rigoureuse, mais, selon nous, juridiquement peu pertinente de l’obligation de l’assureur dommages ouvrage de communiquer le rapport préliminaire de l’expert « préalablement à la notification de sa décision, quant au principe de la mise en jeu des garanties du contrat ».

3. Dans les circonstances de l’espèce, l’assureur avait, dans une lettre unique, communiqué à l’assuré le rapport préliminaire de l’expert d’une part, et notifié audit assuré un refus de garantie d’autre part.

L’assuré avait estimé que la notification du refus de garantie était irrégulière au prétexte qu’elle n’avait pas été précédée de la communication nécessairement préalable du rapport préliminaire de l’expert, au vu duquel l’assureur lui avait notifié son refus de garantie, et avait en conséquence saisi le Juge des référés d’une demande de condamnation à provision de l’assureur sur le fondement des dispositions de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile qui autorise le Président du Tribunal, statuant en référé, à allouer au créancier d’une obligation « non sérieusement contestable » justement une provision.

La Cour d’Aix en Provence, statuant en référé, après avoir retenu que l’assureur avait bien respecté le délai de 60 jours courant à compter de la réception de la déclaration de sinistre du bénéficiaire de l’assurance, pour notifier à ce dernier sa position quant au principe de la mise en jeu des garanties stipulées dans le contrat, avait rejeté la demande de l’assuré au motif « qu’il n’appartient pas au Juge des référés d’apprécier si la notification du refus de garantie par l’assureur est régulière ou pas au motif que le rapport de l’expert dommages – ouvrage aurait dû être communiqué préalablement et non concomitamment à celle-ci ».

La cassation est prononcée au considérant selon lequel « en statuant ainsi, en retenant l’existence d’une contestation sérieuse sur l’obligation à garantie de la Société AM PRUDENCE alors qu’il résulte des articles L. 242.1 et A. 243.1 du Code des Assurances et de l’annexe II à ce dernier article que l’assureur ne peut valablement notifier à son assuré dans le délai qui lui est imparti sa décision sur le principe de sa garantie sans avoir préalablement communiqué à son assuré le rapport préliminaire en sa possession établi par l’expert, la Cour a violé le texte susvisé ».

4. La solution énoncée est à notre avis inopportune puisqu’elle peut, en application de l’article L. 114.1 du Code des Assurances, conduire à une remise en cause systématique des refus de garantie des assureurs qui auraient dans une même lettre, comme cela était déjà et semble l’être encore, communiqué au bénéficiaire de l’assurance le rapport préliminaire et notifié sur le vu dudit rapport leur décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

5. La solution est en outre, à notre avis, peu pertinente juridiquement pour deux motifs essentiels :

– d’abord en raison de ce qu’elle est contraire à l’esprit (voir en partie à la lettre) de la clause type dont la lecture combinée des trois alinéas qu’elle comporte (a, b et c) révèle que ce qui est essentiel, c’est que l’assureur communique à l’assuré le rapport préliminaire au plus tard dans le délai de 60 jours, toute communication ultérieure ou toute absence de communication du rapport préliminaire dont s’agit, postérieurement au délai précité, privant de toute efficacité la notification par l’assureur, même dans le délai de 60 jours, de sa décision quant à la mise en jeu des garanties prévues au contrat ;

L’assureur doit d’ailleurs notifier sa décision quant à ce « sur le vu du rapport préliminaire établi par l’expert », certes « préalablement communiqué à l’assuré », mais cela n’interdit pas, selon nous, que la communication et la notification ci-dessus évoquées doivent soit être effectuées concomitamment aux termes d’une unique correspondance comme l’a admis à plusieurs reprises la jurisprudence, du moins implicitement, les sanctions jusqu’ici prononcées concernant l’absence de toute communication du rapport préliminaire soit sa communication tardive.

– ensuite, qu’à supposer fondée la lecture rigoureuse qu’a faite la Cour Suprême de la clause type dont s’agit, cette dernière devait être nécessairement réputée non écrite en ce qu’elle aurait édicté une sanction, dès lors que depuis la Loi du 31 janvier 1989, entrée en vigueur le 1er juillet 1990, les sanctions, auparavant autonomes pour chacun des deux délais ci-dessus évoqués dont le deuxième était à l’époque de 105 jours pour être réduit à 90 jours depuis ladite Loi, ont été transférées des clauses types à la Loi elle-même (nouvel article L 242.1 du Code des Assurances), laquelle ne se réfère pas au rapport préliminaire de l’expert ni à sa communication préalable et n’édicte en conséquence pas de sanction relativement aux conditions de ladite communication, la sanction n’étant attachée qu’au non respect du délai de 60 jours qu’à l’assureur à partir de la réception de la déclaration de sinistre pour notifier à l’assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties du contrat, de sorte qu’en cas de conflit entre la clause type et la Loi elle-même, primauté devait nécessairement être donnée à la Loi comme d’ailleurs la Cour Suprême l’avait elle-même admis, il est vrai à l’occasion d’une autre question et d’un conflit portant sur un autre point (Cass. 1ère civ. 10 janvier 1995, bull. civ. I n°22, RGAT 1995 p.105, note JP. KARILA ; rapport Cour de Cass. 1er novembre 1995, La Documentation Française 1996, p. 323 et suivantes) dans une espèce où d’ailleurs la communication du rapport préliminaire par l’assureur par le biais d’une lettre unique comportant son refus de garantie, au vu dudit rapport préliminaire, n’avait entraîné aucune sanction des Juges du fond ou de la Cour Suprême, la sanction ayant été encourue au seul motif que le refus de garantie n’était pas suffisamment expressément motivé.

RGDA 2004-2 p. 438

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