L’assureur DO est subrogé dans les droits de son assuré dès lors qu’il a réglé l’indemnité à ce dernier avant que le juge du fond n’est statué (Cass. 3e. civ., 21 janvier 2004) — Karila

L’assureur DO est subrogé dans les droits de son assuré dès lors qu’il a réglé l’indemnité à ce dernier avant que le juge du fond n’est statué (Cass. 3e. civ., 21 janvier 2004)

Ancien ID : 123

Assurance dommages ouvrage

Jean-Pierre Karila

Action de l’assureur dommages ouvrage avant paiement de l’indemnité. Recevabilité (oui).

Viole les dispositions de l’article L 121.12 du Code des Assurances, ensemble celles de l’article 126 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile, l’arrêt qui, pour déclarer la demande irrecevable, retient que l’assureur peut exercer un recours lorsqu’il a indemnisé son assuré par l’effet de la subrogation et qu’en l’espèce, l’assureur ne justifie pas avoir versé une quelconque indemnisation à son assuré alors que la Cour n’était pas saisie au fond de l’affaire « recevable l’action engagée avant l’expiration du délai de forclusion décennale, par un assureur contre les responsables des dommages dont il doit garantie, bien qu’il n’ait eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé de son assuré faute de l’avoir indemnisé, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à celui-ci avant que le Juge du fond n’ait statué ».

Cour de Cassation (3èmeCh. Civ.)

21 janvier 2004

SMABTP c/ Mr. J. IMBERT et autres

Pourvoi n° 02-14391

La Cour.

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 121-12 du Code des assurances, ensemble l’article 126, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l’assureur, qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 18 février 2002), que la société coopérative CLARM, assurée auprès de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), a fait procéder à l’édification d’un immeuble sous la maîtrise d’oeuvre de M. X…, architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF), en confiant les travaux, notamment, à la société BAT PE SOL, actuellement en liquidation judiciaire ayant M. Y… de Dalmassy comme mandataire ad hoc, et à la société SMAC Acieroïd, le contrôle technique ayant été confié à la société Contrôle et prévention (CEP) aux droits de laquelle se trouve la société Bureau Véritas ; que la réception de l’ouvrage a eu lieu le 17 octobre 1989 ; qu’ayant été appelée à participer aux opérations d’une expertise ordonnée à la suite de l’apparition de désordres, la SMABTP a, par acte du 15 octobre 1999 assigné les divers constructeurs aux fins de condamnation, demandant qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du dépôt, par l’expert, de son rapport ;

Attendu que, pour déclarer la demande irrecevable, l’arrêt retient que l’assureur peut exercer un recours lorsqu’il a indemnisé son assuré par l’effet de la subrogation et qu’en l’espèce la SMABTP ne justifie pas avoir versé une quelconque indemnisation à son assuré ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle n’était pas saisie du fond de l’affaire et qu’est recevable l’action engagée, avant l’expiration du délai de forclusion décennale, par un assureur contre les responsables des dommages dont il doit garantie, bien qu’il n’ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité du subrogé de son assuré faute de l’avoir indemnisé, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à celui-ci avant que le juge du fond n’ait statué, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions

Note. 1. L’arrêt rapporté rappelle une fois de plus que l’action récursoire de l’assureur dommages ouvrage est recevable dès lors qu’elle est engagée avant l’expiration du délai de forclusion décennale, alors même que ledit assureur n’a pas encore la qualité de subrogé de l’assuré, faute de l’avoir indemnisé, la recevabilité d’une telle action et de son accueil au fond exigeant seulement que l’assureur ait payé l’indemnité avant que le Juge du Fond n’ait statué.

La solution est constante depuis un arrêt de principe du 29 mars 2000 (Cass. 3ème civ. 29 mars 2000, bull. civ. III n°67, RGDA 2002 p.157 note J.BAUCHARD) réitéré depuis par deux arrêts postérieurs avant celui rapporté (Cass. 1ère ch. civ. 9 octobre 2001, bull. civ. I n°245, RGDA 2001 p. 976, note JP.KARILA, RDI 2002 p.31 obs. G.DURY ; Cass. 3ème civ. 10 décembre 2003, bull. civ. III n°225).

2. La cassation de l’arrêt de la Cour de VERSAILLES était donc inévitable. La seule particularité de l’affaire réside dans le fait que l’action engagée par l’assureur dommages ouvrage dans le délai de la forclusion décennale, même si elle tendait formellement à la condamnation des constructeurs, avait, de facto et de jure, essentiellement pour but d’interrompre le délai de ladite forclusion, et de voir ordonner le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert désigné par ordonnance de référé, de sorte qu’au moment où le Juge a eu à statuer, il était clair que l’assureur dommages ouvrage n’avait pas encore payé l’indemnité à son assuré et ne pouvait prétendre être subrogé dans les droits de ce dernier.

La déclaration d’irrecevabilité de l’action de l’assureur ne pouvait être néanmoins tolérée et acceptée dès lors qu’il était impératif pour l’assureur de saisir le Juge du fond avant la forclusion de ladite action par suite de la prescription de l’action en garantie décennale, appartenant il est vrai encore à l’assuré.

La Cour de cassation contourne judicieusement la difficulté en relevant que le Juge du fond « n’était » pas encore « saisi du fond de l’affaire » puisqu’aussi bien (implicite), l’action tendait à interrompre l’action d’une part, et à surseoir à statuer d’autre part.

La cassation est donc en outre pleinement justifiée pour violation de l’article L. 121.12 du Code des Assurances d’une part, et de l’article L. 126 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile qui énonce que « dans le cas où la situation donnant lieu à la fin de non recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si la cause a disparu au moment où le Juge statue ».

RGDA 2004-2 p.454

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