Durée de la garantie du sous-traitant (Cass. 3e. civ., 16 septembre 2003) — Karila

Durée de la garantie du sous-traitant (Cass. 3e. civ., 16 septembre 2003)

Ancien ID : 131

Assurance construction. Assurance de responsabilité civile

Sous-traitant. Conditions et limites stipulées dans la police d’assurance. Action délictuelle de l’assureur dommages ouvrage subrogé dans les droits et actions du maître de l’ouvrage, postérieurement à la prescription décennale. Garantie (oui).

Le moyen tiré de la violation des termes d’une clause du contrat est un moyen nouveau mélangé de fait et de droit puisqu’il n’a pas été soutenu expressément dans les écritures d’appel.

Dès lors que le sous-traitant était recherché sur le fondement délictuel par une action soumise à la prescription décennale à compter de la survenance du sinistre intervenu pendant la période de garantie d’une durée de dix ans à compter de la réception, la garantie de l’assureur est acquise et ce alors même que les citations de justice ont été délivrées postérieurement à l’expiration du délai de dix ans à compter de la réception.

Cour de cassation (3e Ch. civ.) 16 septembre 2003

Compagnie Continent Iard c/ Compagnie Colonie et a.

La Cour,

Sur le moyen unique :

Attendu, d’une part, que la compagnie Le Continent n’ayant pas, dans ses conclusions d’appel, soutenu qu’aux termes de l’article II-2 des conditions générales du contrat d’assurance celui-ci ne pouvait produire ses effets que durant dix ans à compter de la date de réception des ouvrages, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant relevé que M. Gomez, sous-traitant, garanti en cette qualité par la police souscrite auprès de la compagnie Le Continent, était recherché sur le fondement délictuel par une action soumise à la prescription décennale non à compter de la date de la réception mais de celle de la survenance du sinistre, la cour d’appel, qui n’a pas assigné à cette survenance un effet interruptif de la prescription, a pu retenir, sans dénaturer les termes du contrat d’assurance, que, le sinistre étant intervenu en 1992 pendant la période de garantie d’une durée de dix ans à compter de la réception du 21 décembre 1993, et les assignations en référé ayant été délivrées en 1994, la garantie de l’assureur était acquise ;

D’où il suit que pour partie irrecevable le moyen n’est pas fondé pour le surplus.

Note

1. L’arrêt rapporté constitue en quelque sorte « l’autre face » de celui rendu le même jour par la 3e Chambre civile dans une autre espèce, arrêt publié dans les présentes colonnes avec notre note (arrêt Gan Incendie).

2. Ici encore, la solution adoptée est juridiquement fondée mais est inopportune pour des raisons diamétralement opposées à celles évoquées dans l’arrêt précité, en ce sens que cette fois les stipulations de la police, comme également la maladresse des écritures d’appel, ont permis à la Cour Suprême de valider un arrêt d’une Cour qui avait retenu, de facto à tort, la garantie de l’assureur, garantissant à titre complémentaire la responsabilité civile du sous-traitant, alors que celui-ci n’avait été attrait en justice que postérieurement à l’expiration du délai de dix ans à compter de la réception des travaux.

3. L’arrêt ne reproduisant pas le moyen unique de cassation, il convient pour en apprécier la portée, de rappeler brièvement les circonstances de l’espèce : les travaux objet du litige avaient donné lieu à une réception prononcée le 21 décembre 1983 ; les dommages apparaissent en 1992 et font l’objet d’une déclaration de sinistre du bénéficiaire de l’assurance dommages ouvrage, lequel indemnise son assuré et exerce ensuite une action contre le sous traitant (dont les travaux avaient été affectés des dommages indemnisés par l’assureur) et l’assureur de responsabilité civile de celui-ci.

Dans le cadre de la procédure au fond, l’assureur de responsabilité civile du sous traitant excipe de la prescription de l’action de l’assureur dommages ouvrage subrogé dans les droits de la victime dès lors que ladite action avait été introduite plus de dix ans après la réception des travaux.

Pour ce faire, la cour d’appel retient que la responsabilité du sous traitant ne pouvait être recherchée sur le fondement de l’article 1792 du Code civil dès lors qu’il n’avait pas la qualité de constructeur à l’égard du maître de l’ouvrage et de son assureur subrogé, mais seulement sur le fondement délictuel de l’article 1382 dudit code, action soumise certes à la prescription décennale non à compter de la date de la réception mais de celle de la survenance du sinistre dont il était constant qu’il s’était produit en 1992, c’est-à-dire pendant la période de garantie du contrat d’une durée de dix ans à compter de la réception du 21 décembre 1983.

4. Le demandeur au pourvoi excipait d’un moyen unique de cassation comportant trois branches :

– la première au titre de la violation de l’article 1134 du Code civil pour avoir méconnu le contrat formant la loi des parties, en accueillant une action intentée plus de dix ans après la réception alors, que le contrat stipulait la garantie de l’assureur pour les dommages de nature décennale qui résulteraient de l’intervention de l’assuré en qualité de sous-traitant, garantie identique à la garantie obligatoire des locateurs d’ouvrage dont l’assuré bénéficiait également et qui précisait que le contrat produirait ses effets pendant dix ans à compter de la réception pour tous les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat ;

– la seconde également au titre de la violation de l’article 1134 précité du Code civil, pour avoir dénaturé les termes clairs et précis de la clause stipulant la durée de la garantie prévue en énonçant pour estimer que l’assureur devait garantir son assuré, bien que l’action ait été introduite plus de dix ans à compter de la réception des travaux défectueux, que ledit assureur avait entendu assurer la responsabilité du sous traitant « qu’elle soit de nature contractuelle ou délictuelle » ;

– la troisième au titre de la violation de l’article 2244 du Code civil pour avoir énoncé, par adoption des motifs des premiers juges que le sinistre s’étant produit en 1992, était donc « bien intervenu dans les dix ans qui avaient suivi la réception des travaux datée du 21 décembre 1983 et en assignant ainsi à la survenance du sinistre un effet interruptif, au lieu de prendre en compte la date de la citation en justice délivrée le 5 janvier 1994 ».

5. La Cour Suprême rejette le pourvoi en raison de son irrecevabilité pour partie et de son absence de fondement pour le surplus.

Pour ce faire, elle constate simplement et seulement :

– que l’assureur n’avait pas excipé expressément dans ses écritures d’appel que la clause contractuelle ci-dessus évoquée ne pouvait produire ses effets que durant dix ans à compter de la réception des travaux, le moyen étant en conséquence nouveau mélangé de fait et de droit, d’une part,

– et que d’autre part, l’entrepreneur / sous-traitant garanti en cette dernière qualité par l’assureur, était recherché sur le fondement délictuel par une action soumise à la prescription décennale non pas à compter de la date de la réception mais de celle de la survenance du sinistre à laquelle elle n’avait pas assigné un effet interruptif, la cour ayant « pu » ainsi « retenir » que le sinistre était intervenu en 1992 pendant la période de garantie d’une durée de dix ans à compter de la réception du 21 décembre 1983, les assignations en référé ayant été délivrées en 1994…

6. On voit ici que la validation est opérée dans le cadre de ce qui est convenu de dénommer – à tort ou à raison – « un contrôle léger ».

La solution n’est pas critiquable en droit mais est regrettable comme dit ci-dessus puisqu’elle aboutit à retenir la garantie d’un assureur qui ne la devait à l’évidence pas.

Mais il est vrai que ce « résultat » est dû en partie sinon en totalité à la maladresse des écritures d’appel.

L’arrêt rapporté constitue donc une invitation aux avocats et avoués à la cour de rédiger leurs conclusions avec soin et précision, c’est-à-dire en d’autres termes, de ne pas procéder par affirmations d’ordre général sans se référer à un texte précis ou encore dans le cas de l’espèce, à une clause précise du contrat d’assurance et d’en exploiter alors le contenu exact.

RGDA 2003-4, p.747

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