La notion d’ouverture du chantier doit s’apprécier conformément aux stipulations du contrat d’assurance, en l’espèce le commencement effectif des travaux par l’assuré (Cass. 3e. civ., 18 février 2004) — Karila

La notion d’ouverture du chantier doit s’apprécier conformément aux stipulations du contrat d’assurance, en l’espèce le commencement effectif des travaux par l’assuré (Cass. 3e. civ., 18 février 2004)

Ancien ID : 127

Assurance de responsabilité décennale

Jean-Pierre Karila

Effet de la garantie : date effective du commencement des travaux (oui). Date de la DROC (non).

« Dès lors que les conditions générales de la police de la responsabilité décennale stipulaient que le contrat couvrait les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières, la Cour d’appel a retenu à bon droit que cette notion d’ouverture de chantier devait s’entendre comme désignant le commencement effectif des travaux confiés à l’assuré ».

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)

18 février 2004

Sté SUISSE D’ACCIDENT c/ Mr. BRICE ET AUTRES

Pourvoi n° 02-18414, Bull. n°30

La Cour,

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 juin 2002), que la société civile immobilière Les Tamaris (la SCI) a chargé notamment M. X…, entrepreneur, assuré par la compagnie La Baloise, devenue la société Suisse d’accident (Suisse d’accident) de réaliser un groupe d’immeubles, sous la maîtrise d’oeuvre de M. Y…, architecte, que des désordres ayant été constatés, le maître de l’ouvrage a sollicité la réparation de son préjudice ;

Attendu que la société Suisse d’accident fait grief à l’arrêt de la condamner à payer des sommes à la SCI, alors, selon le moyen, que le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire pour les travaux de bâtiment ne couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l’assuré, que les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité du contrat fixée aux conditions particulières ; que dès lors en retenant, pour déclarer la compagnie La Baloise tenue de garantir l’entreprise José X… et la condamner en conséquence à indemniser la SCI Les Tamaris, qu’elle ne pouvait tirer argument de ce que la déclaration d’ouverture de chantier avait été déposée le 9 septembre 1990 lorsqu’il n’était pas établi que l’entreprise assurée avait effectivement commencé ses travaux avant le 1er janvier 1991 date contractuelle d’effet de sa police d’assurance décennale, la cour d’appel a violé les articles L. 241-1 et A 243-1 annexe 1 du Code des assurances ;

Mais attendu qu’ayant relevé que les conditions générales de la police souscrite par l’entrepreneur X… stipulaient que le contrat couvrait les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières, la cour d’appel a retenu à bon droit que cette notion d’ouverture de chantier devait s’entendre comme désignant le commencement effectif des travaux confiés à l’assuré ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Note. 1. Dans les circonstances de l’espèce, la date d’effet du contrat d’assurance avait été fixée contractuellement au 1er janvier 1991.

Plus précisément, les conditions générales stipulaient que le contrat d’assurance couvrait les travaux « ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité définie aux conditions particulières » lesquelles donnaient effet au contrat à compter du 1er janvier 1991 sans définir semble-t-il la notion d’ouverture de chantier, ni envisager celle de la déclaration d’ouverture de chantier (DROC).

La Cour de BORDEAUX avait estimé que l’assureur ne pouvait pas dénier sa garantie, la notion d’ouverture de chantier devant s’entendre comme désignant le commencement effectif des travaux confiés à l’assuré, l’assureur ne pouvant dès lors tirer argument de la date de la déclaration réglementaire d’ouverture du chantier pris dans son ensemble (DROC) soit antérieurement à la date contractuelle d’effet de la police d’assurances, aucun élément de fait ne permettant de prétendre que l’assuré avait effectivement commencé ses travaux avant la date contractuelle précitée d’effet de la police.

2. Il était reproché à la Cour de BORDEAUX d’avoir ainsi violé les articles L. 241-1 et A. 243-1 annexe I du Code des Assurances pour n’avoir pas tenu compte du fait que la DROC était intervenue antérieurement à la date d’effet et donc de validité du contrat d’assurance.

La Cour Suprême rejette le pourvoi en énonçant :

« Mais attendu qu’ayant relevé que les conditions générales de la police souscrite par l’entrepreneur X. stipulaient que le contrat couvrait les travaux n’ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières, la Cour d’appel a retenu à bon droit que cette notion d’ouverture de chantier devait s’entendre comme désignant le commencement effectif des travaux confiés à l’assuré ».

C’est donc par référence spécifique au texte même des conditions générales du contrat d’assurance que la Cour Suprême valide l’arrêt de la Cour de BORDEAUX, alors que quelques jours auparavant, soit le 3 février 2004, dans un arrêt inédit (Pourvoi n°01-17825), elle cassait, sans renvoi, pour violation de l’article 1134 du Code Civil un autre arrêt de la Cour de BORDEAUX qui avait retenu la garantie de l’assureur, alors que le chantier avait fait l’objet d’une déclaration réglementaire d’ouverture antérieurement à la prise d’effet du contrat d’assurance, au motif que la Cour d’appel avait « dénaturé les termes clairs et précis du contrat d’assurance » dont l’article 8 b des Conditions Générales énonçait que l’assureur « assurait dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité des présentes conventions et que l’article 1 de ces mêmes conditions définissait l’ouverture de chantier comme étant la déclaration faite auprès de l’administration au commencement des travaux ».

3. Il semble donc que la solution retenue dans un arrêt du 16 septembre 2003 (RGDA 2003 p.750 note JP.KARILA) et surtout dans un arrêt du 13 novembre 2003 (Cass. 3ème civ. 13 novembre 2003, bull. civ. III n°193) auquel la note précitée se réfère d’ailleurs, ne soit donc pas impérative mais supplétive et que l’on se dirigerait, au cas par cas, selon les stipulations de la police, pour décider de ce qu’il faut entendre par « ouverture de chantier ».

Ainsi, soit les parties ont prévu contractuellement ce qu’il fallait entendre par notion d’ouverture de chantier auquel cas la définition contractuelle s’impose. Dès lors, si les parties ont entendu définir l’ouverture de chantier comme étant la DROC, alors le juge doit respecter cette volonté sous peine de dénaturation (arrêt du 3 février 2004) solution conduisant à subordonner l’existence de l’assurance à une date de DROC postérieure ou concomitante à la date d’effet du contrat ; soit les parties sont restées silencieuses sur la définition de l’ouverture de chantier auquel cas, à titre supplétif, c’est le commencement effectif des travaux confiés à l’entrepreneur dont s’agit qu’il faut considérer, solution affirmée par le présent arrêt et conforme à la logique de l’arrêt du 13 novembre 2003.

RGDA 2004-2 p.471

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