Les omissions de l’attestation d’assurance ne sont pas opposables au tiers lésé (Cass. 3e. civ., 3 mars 2004) — Karila

Les omissions de l’attestation d’assurance ne sont pas opposables au tiers lésé (Cass. 3e. civ., 3 mars 2004)

Ancien ID : 198

Assurance de responsabilité décennale / Assurance de responsabilité civile

Attestation d’assurance. Absence de mention des activités déclarées. Restriction inopposable à la victime. Obligation de garantie de l’assureur non sérieusement contestable (article 809 alinéa 2 du NCPC).

Jean-Pierre Karila

L’assureur qui fournit à son assuré, une attestation destinée à être présentée au maître de l’ouvrage, ne mentionnant aucune restriction quant aux activités déclarées n’est plus recevable à opposer au tiers lésé les exceptions opposables à son assuré, de sorte que l’obligation à garantie de l’assureur n’est pas sérieusement contestable au sens de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.)n° 02-19122, Bull. n°46

3 mars 2004

Cie d’assurance GROUPAMA ALPES MEDITERRANNEE c/ Mr JC CAUVIN & autres.

La Cour.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix- en-Provence, 13 juin 2002), rendu en matière de référé, que Mme X…, propriétaire d’une villa, a fait procéder à son agrandissement ; que les ouvrages de terrassement, maçonnerie et enduit ont été effectués par M. Y…, assuré auprès de la MAAF tandis que ceux d’étanchéité et d’isolation étaient réalisés par M. Z…, assuré auprès de la Compagnie Groupama Alpes-Méditerranée (Groupama) ; que des infiltrations étant apparues après l’achèvement des travaux et la prise de possession, Mme X…, a sollicité une provision sur la réparation de son préjudice ;

Attendu que la compagnie Groupama fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1 / que le droit de la victime contre l’assureur du dommage puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d’assurance; qu’en retenant la garantie de l’assureur de l’entrepreneur à l’égard du maître de l’ouvrage sur l’action directe exercée par ce dernier tout en constatant que l’obligation de l’assureur était sérieusement contestable compte tenu du secteur d’activités professionnelles déclaré par l’assuré, la cour d’appel a violé les articles L. 112-6 et L. 124-3 du Code des assurances ainsi que 809 alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction; qu’en se fondant sur une attestation d’assurance pour retenir la garantie de l’assureur de l’entrepreneur à l’égard du maître de l’ouvrage, quand il ne résulte ni des conclusions des parties, ni des bordereaux de communication, ni des énonciations de l’arrêt que ce document aurait été régulièrement versé aux débats, la cour d’appel a violé les articles 16 et 132 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que l’attestation d’assurance constitue uniquement une présomption de conclusion d’un contrat sans préjuger de l’étendue ou de l’efficacité de la garantie préalablement souscrite ; qu’en retenant que l’obligation de l’assureur de l’entrepreneur à l’égard du maître de l’ouvrage n’était pas sérieusement contestable au prétexte que l’attestation ne comportait aucune restriction quant aux activités professionnelles de l’assuré, la cour d’appel a violé ensemble les articles 1134 et 1315 du Code civil, L. 112-1, L. 241-1 et L. 243-1 du Code des assurances ainsi que l’article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu’en toute hypothèse, le document qualifié d’attestation avait été établi le 23 septembre 1997, c’est-à-dire postérieurement à l’achèvement des travaux en sorte qu’il n’avait pu tromper le maître de l’ouvrage sur l’étendue de la garantie dont l’entrepreneur était en mesure de se prévaloir au moment de la conclusion du marché ; qu’en déclarant l’assureur néanmoins tenu à réparation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, que l’assureur qui fournit à son assuré, une attestation destinée à être présentée au maître de l’ouvrage, ne mentionnant aucune restriction quant aux activités déclarées n’est plus recevable à opposer au tiers lésé les exceptions opposables à son assuré, qu’ayant constaté que l’attestation fournie par la compagnie d’assurance à M. Z… et présentée au maître de l’ouvrage ne comportait aucune restriction quant aux activités professionnelles exercées par ce dernier, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il n’existait aucune contestation sérieuse relative à la garantie de l’assureur ;

Attendu, d’autre part, que la compagnie Groupama n’ayant pas soutenu devant les juges du fond que l’attestation était postérieure à l’achèvement des travaux, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

D’où il suit que pour partie irrecevable, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Note. 1. L’arrêt rapporté s’inscrit dans le droit fil de celui rendu, quelques semaines auparavant par la 3ème chambre civile, arrêt que nous avons commenté (Cass. 3ème civ. 17 décembre 2003 1ère espèce, RGDA 2004 p.113, note JP KARILA), sauf qu’il ne comporte pas le visa express de l’article 1382 du Code Civil, qui divise, comme l’avait fait à tort le précédent arrêt, l’obligation de renseignements de l’assureur à l’égard de son assuré, lequel bien évidemment est informé des activités qu’il a lui-même déclarées …

L’arrêt rapporté se contente en effet de constater que l’attestation est destinée à être présentée au maître d’ouvrage et qu’elle ne mentionnait aucune restriction quant aux activités déclarées et en tire la conséquence que l’assureur « n’est plus recevable à opposer au tiers lésé, les exceptions opposables à son assuré » et en tire la conséquence qu’il n’existait aucune contestation sérieuse relative à la garantie de l’assureur dont l’obligation était par conséquent non sérieusement contestable au sens de l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

2. On ne peut qu’approuver la solution énoncée qui rejette, à juste titre, un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de référé de la Cour d’Aix-en-Provence, laquelle avait accueilli une demande de provision de la victime de dommages de nature décennale et condamné en conséquence un assureur in solidum avec son assuré en responsabilité décennale au motif que l’attestation d’assurance ne comportait aucune restriction quant aux activités professionnelles dudit assuré.

La décision de la Cour d’Aix-en-Provence était fondée implicitement mais nécessairement sur l’inexécution de l’obligation de renseignements de l’assureur à l’égard des tiers quant à la portée précise de la garantie accordée.

Le rejet du pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de référé de la Cour d’Aix en Provence est implicitement fondé sur les dispositions de l’article 1382 du Code Civil d’une part, et l’article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile d’autre part.

RGDA 2004 N°1 p. 460

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