Le commencement effectif des travaux marque le point de départ de la garantie décennale (Cass. 3e civ., 13 septembre 2005) — Karila

Le commencement effectif des travaux marque le point de départ de la garantie décennale (Cass. 3e civ., 13 septembre 2005)

Ancien ID : 84

Assurance de responsabilité décennale – Effet de la garantie : date effective du commencement des travaux (oui). Peu important celle de la DROC.

Cour de Cassation (3ème Ch. Civ.), 13 septembre 2005, n° 04-16852

M. Carn c/ M. David, ès qualités et a.

La Cour,

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, (Poitiers, 22 avril 2004) que les époux X… ont fait procéder à l’édification d’une maison à usage d’habitation dont la Déclaration réglementaire d’ouverture du chantier (DROC ) est du 19 juin 1996 ; qu’un marché séparé, concernant l’installation de chauffage, est intervenu le 25 avril 1996 avec la société Syrec, depuis lors en liquidation judiciaire ; que cette société a souscrit auprès de la compagnie d’assurances MAAF une police garantissant sa responsabilité décennale de constructeur, avec prise d’effet le 16 juillet 1996 ; qu’à la suite de désordres affectant cette installation, les maîtres de l’ouvrage ont assigné la MAAF en garantie ;

Attendu que pour débouter les époux X… de leur demande, l’arrêt retient que la DROC ayant été émise le 19 juin 1996, et la police d’assurance ayant pris effet le 16 juillet 1996, la société Syrec n’était pas assurée ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher la date à laquelle l’entreprise avait commencé effectivement ses travaux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

Note.

1. La présente espèce porte sur une question désormais connue et clarifiée savoir l’application dans le temps d’une police d’assurance couvrant la responsabilité décennale de l’entrepreneur.

2. Dans un premier temps, la 1ère chambre de la Cour avait exigé, dans un arrêt du 7 mai 2002 (Cass. 1re Civ., 7 mai 2002, Resp. civ. et ass. 2002, comm. 267), que la souscription du contrat d’assurance soit antérieure à la déclaration réglementaire d’ouverture du chantier (DROC) de sorte que la police ne pouvait couvrir les dommages nés de l’exécution d’un contrat d’entreprise alors que la DROC était intervenue le 5 janvier 1993 tandis que le contrat avait été souscrit à compter du 30 janvier 1993.

La même première chambre civile avait ensuite, dans un arrêt inédit du 29 avril 2003 (Cass. 1re civ., 29 avril 2003, n° 00-12631), estimé que c’était « la date du début des travaux de l’assuré » que l’on devait considérer et non la DROC.

3. Par arrêts du 16 septembre 2003 (RGDA 2003 p.750 note JP.KARILA) et du 13 novembre 2003 (Cass. 3ème civ. 13 novembre 2003, Bull. civ. III n°193), la troisième chambre de la Cour de cassation reprenait cette position estimant qu’il suffisait que l’assuré soit intervenu sur le chantier postérieurement à l’entrée en vigueur de son contrat pour que la garantie soit due peu important que la DROC soit antérieure à cette date d’entrée en vigueur.

4. Par arrêt du 18 février 2004 (Cass. 3è Civ., 18 février 2004, RGDA 2004, p. 471, note J.-P. Karila), la troisième chambre civile de la Cour de cassation décidait cependant que cette solution n’était pas impérative mais supplétive de sorte que les parties pouvait prévoir expressément que la date de référence serait non pas le commencement effectif des travaux, mais la DROC, stipulation contractuelle que le juge devait respecter à peine de dénaturation.

5. En l’espèce, le marché de travaux était intervenu le 25 avril 1996, la police la police était entrée en vigueur le 16 juillet 1996 et la DROC avait été « émise » le 19 juin 1996.

6. La Cour de Poitiers, avait déduit de ces constatations que, la DROC étant antérieure à l’entrée en vigueur de la police d’assurance, la société n’était pas assurée au jour de la DROC.

7. Le pourvoi reprochait à la Cour de Poitiers, s’inspirant des arrêts des 29 avril 2003, 16 septembre 2003 et 13 novembre 2003, d’avoir privé sa décision de bases légales au regard des articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances dès lors que, dans leurs conclusions d’appel, les maîtres de l’ouvrage avaient souligné que le commencement effectif des travaux était intervenu en décembre 1996 soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la police.

8. L’arrêt d’appel est logiquement censuré sous le visa des articles L. 241-1 et A.243-1 du Code des assurances dans les termes suivants : « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher la date à laquelle l’entreprise avait commencé effectivement ses travaux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; ».

La troisième chambre de la Cour de cassation fait là application du principe dégagé par les arrêts précités du 29 avril 2003, 16 septembre 2003 et 13 novembre 2003 ce qui explique l’absence de publication du présent arrêt.

9. Si la Cour de renvoi constate que la date de commencement effectif des travaux est antérieure au 16 juillet 1996 la police ne pourra pas jouer. En revanche, si elle constate que l’entreprise n’est intervenue qu’à compter de cette date, la police devra trouver application. À supposer que la date du commencement effectif des travaux soit décembre 1996, comme le prétendait les conclusions d’appel, la Cour de renvoi devra donc condamner l’assureur de responsabilité décennale à garantir les dommages subis par les maîtres de l’ouvrage.

RGDA 2005-4 p.956

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