La RCD ne peut être engagée pour le dysfonctionnement d’un équipement industriel n’ayant aucun rôle dans la « fonction » construction de l’ouvrage ou le bâtiment abritant l’équipement industriel considéré (Cass. 3e. civ., 6 novembre 1996) — Karila

La RCD ne peut être engagée pour le dysfonctionnement d’un équipement industriel n’ayant aucun rôle dans la « fonction » construction de l’ouvrage ou le bâtiment abritant l’équipement industriel considéré (Cass. 3e. civ., 6 novembre 1996)

Ancien ID : 210

Micro-centrale électrique. Désordres. Indemnisation : non dès lors que les travaux de réparation et de reconstruction seraient inutilement engagés en raison d’un dysfonctionnement d’un équipement industriel.

Equipement industriel abrité par un bâtiment. Article 1792-2. Article 1792-3 (non). Non-conformité aux prévisions contractuelles. Garantie de l’assureur de responsabilité décennale (non).

Justifie légalement sa décision de mise hors de cause de l’assureur de responsabilité décennale, la Cour d’appel qui constate que les préjudices allégués constituent en des désordres affectant des ouvrages de génie civil extérieurs aux bâtiments abritant la salle des machines d’une part, ainsi que dans l’insuffisance de production de courant par rapport aux prévisions contractuelles d’autre part, et retient par ailleurs d’une part, que le maître d’ouvrage demandait seulement le remboursement des travaux de conservation du site, inutilement engagés selon l’Expert et la reconstruction de la centrale, ce que ne pouvait faire un assureur, et d’autre part que la non-conformité contractuelle de la production électrique ne relevait pas de la police « garantie décennale » en l’absence de vice de fonctionnement de l’installation.

Cour de cassation (3ème Ch. civ.) n° 95-11010, 6 novembre 1996

Société Moulin de Gargilesse c/ UAP et autres

La Cour,

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bourges, 8 novembre 1994) que la Société du Moulin de Gargilesse (MDG) ayant commandé la réalisation d’une micro-centrale hydroélectrique en 1985 à la Société Minergie, assurée par l’Union des Assurances de Paris (UAP), a assigné cette entreprise et son assureur en invoquant des désordres de construction et l’insuffisance de production de l’installation ;

Attendu que la Société MDG fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes contre l’UAP alors, selon le moyen, « 1° qu’aux termes de l’article 1792 du Code Civil « tout constructeur d’un ouvrage » est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages … qui compromettent sa solidité ou qui l’affectent dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendant impropre à sa destination » ; que la Cour d’appel relève que la centrale hydroélectrique est un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil, que les désordres affectant l’installation de production d’électricité sont dus à une faute de conception de la Société Minergie, que le bâtiment a pour destination de permettre l’exploitation d’une installation de production industrielle d’électricité ; que la Cour d’appel constate encore que, selon l’expert, la centrale est inutilisable, et sa fermeture définitive, inévitable ; que la Cour d’appel en conclut qu’il y a ruine totale de l’ouvrage ; qu’en l’état de ces énonciations et constatations dont il résulte que les désordres affectant l’installation de production d’électricité rendaient l’ouvrage impropre à sa destination et partant relevaient de la garantie décennale, la Cour d’appel, qui a décidé que les vices affectant cette installation ne peuvent mettre en jeu la présomption de responsabilité édictée à l’article 1792 du Code Civil, a violé cet article ;

2° que, dans ses conclusions, la Société MDG se référant au rapport de l’expert, faisait valoir que la centrale était inutilisable, que sa fermeture devait être envisagée, que les désordres étaient dus à une mauvaise conception de la centrale, que le défaut de conception rendait l’ouvrage incapable de remplir son office, que la distinction que l’UAP prétend faire entre l’immeuble et l’installation industrielle n’a pas de sens puisqu’il s’agit d’un ouvrage unique ; qu’en affirmant que la Société MDG se plaignait de dommages de deux ordres d’une part, les malfaçons affectant le bâtiment et les ouvrages périphériques et d’autre part, une insuffisance de production d’électricité et en statuant séparément sur les (soi-disant) deux ordres de dommages, la Cour d’appel a dénaturé les conclusions de la Société MDG et le rapport de l’expert auquel cette Société se référait, violant ainsi l’article 1134 du Code Civil ;

3° que, tout en constatant que le bâtiment avait pour destination de permettre l’exploitation d’une installation de production industrielle d’électricité, la Cour d’appel, qui a décidé que les machines turbines et alternateurs, feraient-elles indissociablement corps avec les ouvrages du bâtiment dans lequel elles sont situées, ne constituaient pas des éléments d’équipement au sens de l’article 1792 -2 du Code Civil, a violé cet article ;

4° que la victime de désordres doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’ouvrage avait été construit sans vices ; que tout en constatant que les désordres affectant le bâtiment tant dans le gros œuvre que dans les ouvrages de génie civil périphériques relèvent de la présomption de responsabilité instituée par l’article 1792 du Code Civil, qu’à ce titre l’UAP doit sa garantie à la Société MDG et en relevant qu’il y a ruine totale de l’ouvrage, la Cour d’appel qui a débouté la Société MDG de ses demandes tendant à la réparation par l’UAP de son préjudice, a violé l’article 1792 du Code Civil, qu’à ce titre l’UAP doit sa garantie à la Société MDG et en relevant qu’il y a ruine totale de l’ouvrage la Cour d’appel qui a débouté la Société MDG de ses demandes tendant à la réparation par l’UAP de son préjudice, a violé l’article 1792 du Code Civil, ainsi que l’article L.242-1 du Code des Assurances ;

5° qu’aux termes des conditions particulières de la police souscrite auprès de l’UAP par la Société Minergie (art.1 du chap. II), les garanties portent sur l’ensemble des opérations de construction dont la déclaration d’ouverture de chantier est postérieure à la date d’effet de la présente police et (art. 1 du chap. II) la garantie est accordée automatiquement à concurrence de la valeur de chaque opération de construction dont le coût total est inférieur à 40 000 000 de francs ; que l’opération de construction désignée est la « construction d’une microcentrale hydroélectrique lieudit « Le Moulin » ; que tout en constatant que les désordres affectant le bâtiment tant dans le gros œuvre que dans les ouvrages de génie civil périphériques relevaient de la garantie décennale et qu’il y avait ruine totale de l’ouvrage, la Cour d’appel qui a débouté la Société MDG de toutes ses demandes en réparation, a violé l’article 1134 du Code Civil ;

6° qu’aux termes des Conditions Particulières de la police (art. 2 du chap. III) « Garantie des dommages immatériels après réception », la garantie est limitée à 10% de l’opération de construction sans pouvoir excéder pour toute la durée de cette garantie la somme de 500.000 francs et que selon l’article 4 des conditions générales la garantie du présent contrat porte sur les dommages immatériels subis par le propriétaire ou l’occupant de la construction et résultant directement d’un risque garanti en vertu des articles 2 et 3 (art. 2 : dommages matériels à la construction engageant la responsabilité de l’assuré au titre des articles 1792 et 1792-2 du Code Civil) ; qu’en déboutant la Société MDG de sa demande en réparation des dommages immatériels, savoir les loyers payés aux bailleurs de fonds et la perte d’exploitation, tout en relevant que les désordres affectant le bâtiment et les ouvrages périphériques de génie civil relevaient de la garantie décennale et qu’il y avait ruine totale de l’ouvrage, ce dont il résulte que les dommages immatériels invoqués résultaient directement d’un risque garanti en vertu de l’article 2 des Conditions Générales et que la garantie de l’UAP portait également sur des dommages immatériels, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code Civil ».

Mais attendu qu’ayant sans dénaturation, constaté que les préjudices allégués consistaient d’une part, en des désordres affectant des ouvrages de génie civil extérieurs et le bâtiment abritant la salle des machines d’autre part, dans l’insuffisance de la production de courant par rapport aux prévisions du contrat, et ayant retenu d’une part, que la Société MDG demandait seulement le remboursement des travaux de conservation du site, inutilement engagés selon l’expert et la reconstruction de la centrale, ce que ne pouvait faire un assureur d’autre part, que la non-conformité contractuelle de la production électrique ne relevait pas de la couverture de la police « garantie décennale » en l’absence de vice de fonctionnement de l’installation, la Cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs ;

Rejette le pourvoi …

Note. 1. L’arrêt rapporté, rendu par la 3ème chambre civile de la Cour Suprême, est à rapprocher de celui rendu le 26 mars 1996 par la 1ère chambre civile de la Haute Juridiction (RGDA 1997, p.190 avec notre note) en ce sens que tous deux sont relatifs notamment au dysfonctionnement d’un équipement industriel n’ayant aucun rôle dans la « fonction » construction de l’ouvrage ou bâtiment abritant l’équipement industriel considéré.

2. Pour apprécier la portée de l’arrêt rapporté, il convient de rappeler les faits et la motivation de la Cour de Bourges, objet d’un pourvoi que la Cour Suprême rejette.

Les faits :

Le maître d’ouvrage confie à un locateur d’ouvrage la construction d’une microcentrale électrique. Un an environ après la mise en service de la centrale hydroélectrique, le maître d’ouvrage constate que la production d’électricité n’atteint que le quart de celle contractuelle prévue, tandis que par ailleurs le bâtiment abritant les machines subit des infiltrations d’une part, et que les ouvrages de génie civil périphériques (mur de soutènement, digue séparant le canal de fuite de la rivière etc…) sont eux-mêmes affectés de malfaçons d’autre part.

C’est dans ces circonstances que, sur le vu du rapport d’un expert dont il avait obtenu la désignation, et qui concluait au caractère inévitable de la fermeture définitive de la microcentrale, et en conséquence à l’inutilité de faire exécuter les travaux de reprise nécessités par les désordres affectant le bâtiment et les ouvrages de génie civil périphériques, le maître d’ouvrage obtenait du Tribunal de Commerce de Châteauroux la condamnation de l’assureur de responsabilité décennale du constructeur ; pour déterminer le préjudice subi par le maître de l’ouvrage, le Tribunal de Commerce de Châteauroux prenait en considération seulement, semble-t-il, le non respect par le constructeur, des capacités de production d’électricité contractuellement prévues, en sorte qu’en cause d’appel, sur l’initiative de l’assureur de responsabilité décennale, le maître d’ouvrage formait quant à lui un appel incident sur la question de la réparation des désordres précités affectant le bâtiment et les ouvrages de génie civil périphériques, ajoutant que pour le cas où la Cour devait estimer que la réparation de son préjudice « ne peut se faire par l’allocation de dommages et intérêts mais seulement par la réfection de l’immeuble et de ses équipements », il sollicitait « que lui soit livré (par l’assureur de responsabilité décennale ! …) une centrale électrique au même lieu, capable de produire 2 200 mwh par an ».

La motivation de la Cour de Bourges :

Pour faire droit à l’appel de l’assureur de responsabilité décennale et rejeter les demandes du maître de l’ouvrage, la Cour de Bourges énonçait et jugeait ce qui suit :

a) En ce qui concerne l’insuffisance de production électrique :

« Qu’il résulte du rapport d’expertise qu’elle est due à une inadéquation de la puissance des turbines et alternateurs, ce défaut étant la conséquence d’une faute de conception commise par la SA Minergie ;

Que ces désordres affectent donc non pas le bâtiment lui-même mais l’installation de production industrielle d’électricité qu’il abrite ;

Attendu que ces machines, quand bien même feraient-elles indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert du bâtiment dans lequel elles sont situées, n’en sont pas un élément d’équipement ;

Qu’elles ne sont en effet pas destinées à permettre l’usage du bâtiment comme peuvent l’être les dispositifs propres à assurer l’isolation thermique ou phonique, le réseau d’alimentation en eau potable ou le réseau d’évacuation des eaux usées, etc ; que c’est au contraire le bâtiment qui a pour destination de permettre l’exploitation d’une installation de production industrielle d’électricité ;

Qu’une telle installation ne peut donc être considérée comme un élément d’équipement du bâtiment dont s’agit au sens de l’article 1792-2 du Code Civil et que par conséquent les vices qui l’affectent ne peuvent mettre en jeu la présomption de responsabilité édictée par l’article 1792 du même Code pas plus que celle, limitée à deux années, prévue par l’article 1792-3 ;

Qu’il y a lieu en outre d’observer qu’il n’est pas allégué un défaut de fonctionnement quelconque des installations de production de courant électrique, mais un simple défaut de conformité de ces installations aux stipulations contractuelles, lequel n’entre pas dans le champ d’application des articles 1792 et suivant du Code Civil mais relève de la garantie contractuelle de droit commun ».

b) En ce qui concerne les malfaçons

« Attendu sur les malfaçons affectant le bâtiment, tant dans le gros œuvre que dans les ouvrages de génie civil périphériques, qu’il s’agit au contraire de désordres relevant de la présomption de responsabilité instituée par l’article 1792 du Code Civil et qu’à ce titre la Compagnie UAP doit sa garantie à la SARL MDG en vertu du contrat d’assurance qui la liait à la SA Minergie ;

Attendu que l’expert note dans son rapport que la centrale est inutilisable dans des conditions économiques normales et que la SARL MDG ne pouvant ainsi continuer à l’exploiter, sa fermeture définitive est inévitable ;

Qu’il conclut que la centrale n’étant pas réutilisable, il est inutile de faire exécuter les travaux de reprise nécessités par les désordres qui affectent le gros œuvre ou les ouvrages de génie civil périphériques ;

Que dans ces conditions, on doit donc considérer qu’il y a ruine totale de l’ouvrage.

Attendu que subsidiairement, la SARL MDG a demandé la condamnation de la Compagnie UAP à lui livrer une nouvelle centrale conforme aux stipulations contractuelles ;

Que cette requête ne peut également qu’être rejetée d’une part parce que la Compagnie d’assurance n’est pas un constructeur et qu’elle ne peut être tenue de livrer un bâtiment quelconque, et d’autre part parce que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, son obligation se limite à la garantie des travaux de bâtiment et ne s’étend pas à celle de la conformité des installations industrielles que peuvent abriter les bâtiments qui font l’objet du contrat ».

3. Il était reproché, aux termes de la première branche du premier moyen de cassation, à la Cour de Bourges, d’avoir violé l’article 1792 et 1792-3 du Code Civil, il était vain de lui reprocher une violation de l’article 1792 dudit Code.

Certes, ce dernier texte vise la notion d’éléments d’équipement de l’ouvrage – qu’il s’agisse ou non d’un bâtiment – mais la Cour de Bourges n’en avait dit mot, pas plus d’ailleurs que le moyen de cassation …

4. Il était ensuite notamment reproché, aux termes de la troisième branche du premier moyen de cassation, à la Cour de Bourges d’avoir violé cette fois l’article 1792-2 du Code Civil, en décidant que l’installation n’était pas un élément d’équipement du bâtiment alors qu’elle avait constaté que le bâtiment avait pour destination de permettre l’exploitation d’une installation de production industrielle d’électricité.

C’est ici, selon nous, qu’il faut distinguer, chaque fois qu’est en cause un élément d’équipement d’un ouvrage quelconque, fût-il un bâtiment, si l’on est en présence d’un élément d’équipement à la fonction purement industrielle ou commerciale ou un élément d’équipement jouant un rôle au regard de la fonction construction (voir notre note précitée sous Cass. Civ. 1ère, 26 mars 1996, cette revue 1997, p.190).

S’il est clair en effet qu’un bâtiment à usage d’habitation ou commercial, ou encore à usage industriel et commercial, peut être rendu impropre à sa destination par la défaillance ou le dysfonctionnement d’un équipement qui doit assurer son chauffage ou son éclairage, ou encore sa climatisation, ou encore son utilisation même (ascenseur), en revanche, la défaillance d’une installation de production industrielle d’électricité, abritée par un bâtiment, est insusceptible de compromettre la destination du bâtiment lui-même.

En ce sens, on ne pouvait reprocher à la Cour de Bourges d’avoir considéré que l’installation de production industrielle d’électricité n’était pas un élément d’équipement du bâtiment l’abritant, et ne pouvait, en conséquence, concourir à la destination dudit bâtiment dont la seule fonction était en définitive seulement d’abriter ladite installation.

5. La première branche du second moyen de cassation reprochait à la Cour de Bourges d’avoir violé les articles 1792 du Code Civil et L. 242-1 du Code des Assurances en déboutant le maître de l’ouvrage de sa demande du chef des désordres affectant le bâtiment et les ouvrages périphériques de génie civil, tout en relevant qu’il y avait ruine totale de ces derniers, et alors que la victime de dommages doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée, si l’ouvrage avait été construit sans vices.

Or, les Juges du fond constatent et apprécient souverainement l’existence du préjudice (v. par ex. Civ. 2ème, 8 décembre 1993, Bull II n°362 ; Civ. 2ème, 20 janvier 1993, Bull I n°249), son montant (v. par ex. Civ. 2ème 3 février 1993, Bull II n°47 ; Civ. 3ème 10 janvier 1990, Bull III n°6).

Au surplus, dans les circonstances de l’espèce, il ne pouvait être valablement reproché à la Cour de Bourges d’avoir rejeté la demande de reprise des désordres affectant la construction elle-même, dès lors que cela ne présentait aucun intérêt pour le maître de l’ouvrage, puisqu’aussi bien la construction dont s’agit était insusceptible de réutilisation, l’expert concluant à l’abandon de ladite centrale.

L’existence des désordres affectant la construction était d’autant plus indifférente, que le préjudice du maître de l’ouvrage ne résultait pas des dommages affectant les constructions elles-mêmes, mais des non conformités de l’installation de production d’électricité au regard de la promesse contractuelle.

La Cour de Bourges avait donc souverainement écarté la demande non justifiée de réfection des désordres affectant la construction.

C’est également à juste titre, qu’elle avait rejeté l’argumentation subsidiaire du maître de l’ouvrage tendant à la livraison et à la construction par l’assureur de responsabilité décennale d’une nouvelle centrale électrique au même lieu capable d’assurer une production industrielle d’électricité conforme à la production industrielle.

6. La troisième branche du second moyen de cassation reprochait à la Cour de Bourges, d’avoir violé l’article 1134 du Code Civil, en déboutant le maître de l’ouvrage de sa demande formulée au titre de la garantie d’assurance des dommages immatériels, lesquels étaient constitués par les loyers payés inutilement au bailleur de fonds et la perte d’exploitation, tout en relevant que les désordres affectant le bâtiment et les ouvrages périphériques de génie civil relevaient de la garantie décennale et qu’il y avait ruine totale de l’ouvrage, ce dont il résultait, selon le moyen, que lesdits dommages immatériels résultaient directement d’un risque garanti, en vertu des Conditions Générales du contrat d’assurance couvrant les dommages immatériels, dès lors qu’ils sont les conséquences des dommages matériels garantis.

Le moyen ne pouvait à l’évidence prospérer puisqu’aussi bien la Cour de Bourges avait souverainement estimé, et d’ailleurs conformément semble-t-il à l’argumentation du maître de l’ouvrage lui-même, que lesdits dommages immatériels avaient été « causés par l’insuffisance de production » industrielle d’électricité.

7. Aux termes de l’arrêt rapporté, la Cour Suprême statuant sur les « deux moyens réunis » rejette le pourvoi aux motifs ci-dessus rapportés, mettant en relief que le maître d’ouvrage demandait « seulement le remboursement des travaux de conservation du site inutilement engagés selon l’expert et la reconstruction de la centrale » d’une part, ainsi que la réparation du préjudice résultant de l’insuffisance de la production de courant par rapport aux prévisions du contrat d’autre part ; elle valide en conséquence la décision de la Cour de Bourges notamment au motif décisoire que celle-ci avait légalement justifié sa décision en décidant notamment que « la non-conformité contractuelle de la production électrique ne relevait pas de la couverture de la police « garantie décennale » en l’absence des vices de fonctionnement de l’installation ».

Incidemment, on relèvera que la Cour Suprême souligne l’extériorité des ouvrages périphériques de génie civil sans que l’on sache si elle a attaché une importance quelconque à cet égard, étant rappelé que l’assureur de responsabilité décennale ne garantissait que les travaux de bâtiment stricto sensu.

L’arrêt rapporté rendu par la 3ème Chambre civile s’oppose-t-il à celui précité rendu par la 1ère Chambre civile le 26 mars 1996

Il serait peut être excessif de l’affirmer, dès lors que dans l’arrêt Société Letierce et Fils c/ UAP rendu par la 1ère Chambre civile, le vice de l’équipement industriel considéré (ventilation et désilage d’un silo à grain) était avéré tandis que dans l’arrêt rapporté, il ne s’agissait que d’une défaillance au regard de la promesse contractuelle, et alors surtout que dans un cas (1ère Ch. Civ) il s’agissait de l’élément d’équipement de l’ouvrage lui-même, considéré par ailleurs comme relevant de l’assurance obligatoire au prétexte que si le silo avait été construit selon des techniques de travaux de bâtiment, tandis que dans le cas de l’arrêt rapporté par la Cour de Bourges avait souverainement décidé que l’installation de production industrielle d’électricité n’était pas un élément d’équipement du bâtiment lui-même dont la seule fonction était en définitive d’abriter l’installation dont s’agit.

Il reste cependant que la 3ème Chambre civile dans l’arrêt rapporté n’est pas tombée dans le piège de l’impropriété à destination de l’ouvrage dans sa globalité, marquant selon nous, une certaine résistance par rapport à la solution retenue par la 1ère Chambre civile.

Ce faisant, elle ne peut qu’être approuvée pour les raisons que nous avons développées dans notre note sous l’arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation, car comme l’a pertinemment observé Monsieur Ph. Malinvaud (RDI 1996.380) « dès l’instant qu’on ne limite pas les articles 1792 et suivants aux éléments d’équipement à vocation de construction, on ouvre la boîte de Pandore » ! …

La Cour de Bourges, à juste titre, sans le dire expressément, a fait justement cette distinction entre un équipement à usage purement industriel et celui « à vocation de construction » et toujours pour reprendre une heureuse expression de Monsieur Ph. Malinvaud a en conséquence « séparé le bon grain de l’ivraie »…

On ne peut qu’approuver en conséquence l’arrêt rapporté.

Jean-Pierre Karila

RGDA 1997 – 1 –

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