Recevabilité de l’intervention volontaire pendant la durée de l’instance mais postérieurement à l’expiration de la garantie décennale (Cass. 3ème. civ., 8 juin 1994) — Karila

Recevabilité de l’intervention volontaire pendant la durée de l’instance mais postérieurement à l’expiration de la garantie décennale (Cass. 3ème. civ., 8 juin 1994)

Ancien ID : 214

Délai décennal -Interruption. Intervention volontaire pendant la durée de l’instance mais postérieure à la durée de la garantie (oui) (Cass. 3e civ., 8 juin 1994)


L’effet interruptif de l’assignation se prolongeant pendant la durée de l’instance, doit être cassé l’arrêt qui déclare irrecevable l’intervention des acquéreurs des pavillons, postérieurement à l’expiration de la garantie décennale, dès lors que l’instance initiée par le maître d’ouvrage aux droits duquel il succédait, était en cours.

Cour de cassation, (3ème Ch. Civ.), 8 juin 1994, n° 92-18055

Havard c/ Société Coopérative d’H.L.M. « Le Home Familial » et autres

La Cour,

Sur le moyen unique :

Vu les articles 2244 et 2270 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 mars 1992), que la société coopérative d’habitations à loyer modéré Le Home familial et la Maisonnette (la Socofam) ayant fait construire un ensemble pavillonnaire par l’entreprise société Fougerolle, avec la participation du Bureau d’Etudes O.T.H. infrastructure, sous la maîtrise d’œuvre de MM. Delaage et Tsaropoulos, architectes, a assigné ces constructeurs en réparation des désordres apparus après les réceptions prononcées en 1972 et 1973 dans un certain nombre de pavillons ; que les époux Havard, acquéreurs de l’un de ces pavillons, sont intervenus en cause d’appel ;

Attendu que, pour déclarer cette intervention irrecevable, l’arrêt retient que les époux Havard, attributaires de la garantie décennale transmise par l’acte d’acquisition, et venant aux droits de la Socofam, maître de l’ouvrage, ne sont intervenus à l’encontre des constructeurs, en invoquant l’aggravation des fissurations de leur pavillon malgré l’exécution des réfections préconisées par l’expert, que par conclusions du 26 septembre 1990, plus de dix ans après l’expiration du nouveau délai décennal ayant couru depuis l’assignation interruptive délivrée par la Socofam les 16 et 17 mai 1979 ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’effet interruptif de l’assignation se prolonge pendant la durée de l’instance tant que le litige n’a pas trouvé sa solution définitive, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs,

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable comme forclose la demande en intervention des époux Havard, l’arrêt rendu le 18 mars 1992, entre les parties, par la Cour d’Appel de Paris…

Note. 1. A la suite de l’apparition de désordres affectant un certain nombre de pavillons d’un ensemble pavillonnaire, qu’une Société Coopérative d’H.L.M. avait fait construire, celle-ci assigne en garantie décennale les constructeurs/

2. Postérieurement à l’expiration du délai d’action en garantie décennale, et seulement d’ailleurs en cause d’appel, interviennent volontairement à l’instance les acquéreurs de l’un des pavillons, entrant dans le champ d’application du litige initié par la Société Coopérative d’H.L.M. ; ceux-ci se plaignent de l’aggravation des désordres affectant leur pavillon et sollicitent en conséquence une expertise complémentaire.

3. La Cour de Paris déclare cette action prescrite au motif que plus de 10 ans s’étaient écoulés entre la date de l’assignation introductive d’instance de la Société Coopérative d’H.L.M. et la date des conclusions d’intervention volontaire des acquéreurs.

4. La Cour Suprême casse l’arrêt de la Cour de Paris pour violation des articles 2244 et 2270 (loi du 3 janvier 1967) du Code civil, au motif que l’effet interruptif de l’assignation se prolonge pendant la durée de l’instance tant que le litige n’a pas trouvé sa solution définitive.

5. L’arrêt rapporté illustre une règle de procédure s’appliquant en tous domaines et notamment aux litiges relevant de la garantie décennale.

La cassation était donc certaine dans le droit fil d’une jurisprudence bien établie (Cass. civ. 3è, 10 juillet 1969, Bull. Civ. III, n° 573 ; Cass. civ. 1re, 8 décembre 1976, Bull. Civ. II, n° 392 ; Cass. civ. 3e, 21 juin 1978, Bull. Civ. III, n° 260 ; Cass. Soc. 16 juillet 1987, Bull. Civ. V, n° 513 ; Cass. Comm. Bull. Civ. IV, 15 octobre 1991, n° 295), la 2e Chambre civile ayant en outre précisé que l’effet interruptif de l’assignation se poursuit jusqu’après le jugement tant que celui-ci n’est pas devenu définitif (Cass. civ. 2e, 29 juin 1992, Bull. Civ. II, n° 40).

Cette règle de procédure de portée générale est applicable à toute instance, fut-elle de référé, du moins depuis la loi Badinter du 5 juillet 1985 modifiant l’article 2244 du Code civil, aux fins de désignation d’un expert judiciaire, comme d’ailleurs rappelé quelques jours auparavant par cette même 3e Chambre civile de la Cour de cassation, laquelle a précisé à cette occasion que l’interruption en cette matière, se poursuit jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance de référé, comme l’avait d’ailleurs déjà estimé la 2e Chambre civile (Cass. Civ. 2e, 6 mars 1991, Bull. Civ. II, n°77) (V. sur cette question, obs. de Ph. Malinvaud et B. Boubli in R.D.I 1994 p. 458 et suivantes ; v. également Jean-Pierre Karila « Les Responsabilités des Constructeurs » Ed. Delmas 2e édition 1991, chapitre J, p. 259 et 260).

6. On ajoutera qu’alors même que le jugement dans l’instance opposant la coopérative d’H.L.M. aux constructeurs, aurait été définitif, les acquéreurs concernés auraient pu, postérieurement à l’expiration du délai de la garantie décennale, mettre en œuvre sur ce fondement la responsabilité des constructeurs, dès lors qu’il se serait agi non pas de nouveaux désordres, mais, comme cela était d’ailleurs le cas en la circonstance, de l’aggravation des désordres d’origine, étant rappelé à cet égard qu’une telle action implique que les désordres d’origine aient été eux-mêmes de nature décennale (sur la question voir Jean-Pierre Karila « Les Responsabilités des Constructeurs, Ed. Delmas 2e édition 1991, chapitre J, p. 257 et 258).

Jean- Pierre Karila – RGAT 1994-04, p. 1186

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