L’erreur d’implantation dommageable d’une construction n’était pas due à un événement fortuit (Cass. 3e civ., 9?juillet 2013) — Karila

L’erreur d’implantation dommageable d’une construction n’était pas due à un événement fortuit (Cass. 3e civ., 9?juillet 2013)

Revue générale du droit des assurances, 1er octobre 2013 n° 2013-04, P. 923 

Assurance construction

Assurance de responsabilité civile

Garantie avant réception. Dommage survenant de façon fortuite et soudaine. Notion. Erreur d’implantation d’un ouvrage. Absence de vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur. Faute de négligence (oui). Événement fortuit, supposant l’intervention du hasard et soudain, donc inattendu et instantané (non).

L’erreur d’implantation dommageable d’une construction n’était pas due à un événement fortuit, supposant l’intervention du hasard, et soudain, donc inattendu et instantané,?mais à une faute de négligence de M.?Y, entrepreneur, qui n’avait pas effectué les vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur, en sorte que la garantie «?A?» relative aux dommages matériels à l’ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception contenue à l’assurance de choses souscrite par l’entrepreneur dite «?Risques professionnels?– Artisans du bâtiment?», qui prévoyait le remboursement du coût des réparations affectant les travaux réalisés par l’assuré en cas de dommages matériels à l’ouvrage dès lors que ces dommages surviennent de façon «?fortuite et soudaine?», n’a pas vocation à recevoir application.


Par Laurent Karila

avocat à la cour, barreau de Paris

chargé d’enseignement à l’école de droit de la Sorbonne (Paris 1)


Cour de cassation (3e Ch.?civ.) 9?juillet 2013 Pourvoi?12-20801

Non publié au Bulletin

La Cour,

Sur le premier moyen?;

[sans intérêt]

Sur le deuxième moyen?;

[sans intérêt]

Sur le troisième moyen?;

Attendu qu’ayant relevé que le contrat d’assurance souscrit par M.?Y… comportait une garantie A relative aux dommages matériels à l’ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception, prévoyant le remboursement du coût des réparations affectant les travaux réalisés par l’assuré en cas de dommages matériels à l’ouvrage, dès lors que ces dommages surviennent de façon fortuite et soudaine, la cour d’appel, qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que l’erreur d’implantation dommageable n’était pas due à un événement fortuit, supposant l’intervention du hasard, et soudain, donc inattendu et instantané,?mais à une faute de négligence de M.?Y… qui n’avait pas effectué les vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur, a légalement justifié sa décision de ce chef?;

Par ces motifs?:

Rejette le pourvoi…

Note

Dans l’espèce de l’arrêt rapporté, des maîtres d’ouvrage ont exercé une action directe à l’encontre d’un assureur de responsabilité qui avait délivré une police dite «?Risques professionnels?– Artisans du bâtiment?» stipulant une couverture d’assurance pour les dommages matériels à l’ouvrage et aux biens sur chantiers avant réception et prévoyant le remboursement du coût des réparations affectant les travaux réalisés par l’assuré, dès lors que ces dommages surviennent de façon «?fortuite et soudaine?».

La Cour de Toulouse jugea qu’en l’espèce, l’erreur d’implantation dommageable n’était «?pas due, ne serait-ce que partiellement à un événement fortuit, supposant l’intervention du hasard, et soudain, donc inattendu et instantané,?mais à une faute de négligence de Monsieur Y. qui n’a pas effectué les vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur?» d’une part et que la garantie des dommages matériels avant réception constituait «?une assurance de chose au bénéfice du seul entrepreneur assuré et non une assurance de responsabilité, de sorte que ni le tiers lésé, ni la partie subrogée dans ses droits par le paiement n’ont d’action directe contre l’assureur qui a délivré cette garantie?» d’autre part.

Le troisième moyen du pourvoi critiquait le raisonnement de la Cour au motif que «?ne saurait être appliquée la clause d’exclusion de garantie stipulée dans un contrat d’assurances, si elle est de nature à priver le contrat d’une partie essentielle de son objet même?» et qu’elle n’aurait pas recherché, comme elle y était invitée, «?si l’exigence du caractère fortuit et soudain des dommages susceptibles de relever de la garantie de l’assurance n’était pas de nature à priver celle-ci de sa substance, en ne lui faisant couvrir que des situations s’apparentant à la force majeure?» et qu’elle aurait ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles?1134 du Code civil et L.?113-1 du Code des assurances dont on rappellera qu’il énonce?:

«?Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

La troisième chambre civile a jugé que la Cour avait légalement justifié sa décision en énonçant que «?l’erreur d’implantation dommageable n’était pas due à un événement fortuit, supposant l’intervention du hasard, et soudain, donc inattendu et instantané,?mais à une faute de négligence de Monsieur?Y… qui n’a pas effectué les vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur?».

Cette solution met, à juste titre, en relief le fait que le caractère fortuit d’un événement dommageable est exclusif de toute négligence ou imprudence (Cass. 1re?civ., 1er?décembre 1976, no?75-11934) ou encore de la prévisibilité des dommages (consécutif à l’effondrement d’un ouvrage) au regard de la nature des travaux (démolition) (Cass. 1re?civ., 4?mars 1997, no?95-10565) ou encore d’une absence d’ouvrage et d’un abandon de chantier (Toulouse, Chambre?1, section?1, 17?juin 2013, no?259, 11/03494)?; étant rappelé que la soudaineté d’un événement dommageable est en outre exclusive de toute répétitivité (Cass. 3e?civ., 20?janvier 1999, no?97-12924).

Il n’était pas à notre avis, pertinent de prétendre à un défaut de base légale au regard notamment de l’article L.?113-1 du Code des assurances, au motif que la Cour d’Appel n’avait pas recherché si l’exigence du caractère fortuit et soudain des dommages susceptibles de relever de la garantie de l’assurance n’était pas de nature à priver celle-ci de sa substance en ne lui faisant couvrir que des situations s’apparentant à la force majeure, le pourvoi présentant d’ailleurs à cette occasion la définition de l’objet de l’assurance comme étant une clause d’exclusion de garantie.

La Cour de cassation a négligé cette prétention en jugeant que la Cour de Toulouse – qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation – avait légalement justifié sa décision en retenant que l’erreur d’implantation dommageable n’était pas due à un événement fortuit, supposant l’intervention du hasard, et soudain, donc inattendu et instantané,?mais à une faute de négligence de l’entreprise qui n’avait pas effectué les vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur.

Si l’on comprend en somme que l’événement fortuit est un événement extérieur à l’activité de l’assuré, comme par exemple un accident de chantier (Rennes, Chambre?4, 14?mars 2013, no?138, 10-01450), la question demeure de savoir si pour être qualifié de fortuit, l’événement doit être totalement extérieur à l’activité de l’assuré, c’est-à-dire dépendant du seul hasard ou de la faute exclusive d’un tiers ou s’il peut résulter aussi partiellement de la faute de l’assuré.

La Cour d’appel de Toulouse avait jugé que l’erreur d’implantation dommageable n’était «?pas due, ne serait-ce que partiellement à un événement fortuit, supposant l’intervention du hasard, et soudain, donc inattendu et instantané,?mais à une faute de négligence de Monsieur Y. qui n’a pas effectué les vérifications élémentaires de nature à permettre d’éviter cette erreur?», ce qui peut laisser penser qu’elle aurait jugé différemment et donc fait droit à la demande de condamnation de l’assureur – sous réserve qu’elle ait par ailleurs admis la recevabilité de l’action directe à l’encontre d’une assurance de chose (ce qui paraît peu probable) –, si l’implantation dommageable avait été partiellement due à un événement fortuit.



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