Le devoir d’information de l’assureur au regard de la prescription biennale (Cass. 2e civ., 17 mars 2011) — Karila

Le devoir d’information de l’assureur au regard de la prescription biennale (Cass. 2e civ., 17 mars 2011)

Ancien ID : 850

Revue de droit immobilier 2011 p. 347 Le devoir d’information de l’assureur au regard de la prescription biennale Cour de cassation, 2e civ., 17 mars 2011, Aviva vie c/ Mouret, n° 10-15.267, 10-15.864  Laurent Karila, Avocat à la cour

Que par ces constatations et énonciations, dont il se déduit que l’inobservation des dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances, prescrivant le rappel des dispositions légales concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance, est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code et que cette interprétation de la modification de la loi du 4 janvier 1994 n’est pas contraire aux dispositions de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni au principe de sécurité juridique, dès lors que cette obligation d’information s’inscrit dans le devoir général d’information de l’assureur qui lui impose de porter à la connaissance des assurés une disposition qui est commune à tous les contrats d’assurance, la cour d’appel, par une décision motivée, a exactement décidé que la prescription biennale était inopposable à l’assuré. 

Observations 

L’arrêt du 17 mars 2011 n’apporte pas tant au droit positif qu’il donne l’occasion de retracer l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation au regard de l’interprétation qu’elle a fait et fait aujourd’hui de l’article R. 112-1 du code des assurances qui énonce que les polices d’assurance de certains risques (1) doivent notamment « rappeler […] la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance », la question se posant en effet d’emblée à la lecture dudit article, de ce qu’il faut entendre par le « rappel » « de la 

prescription des actions ».

L’assureur peut-il se contenter de rappeler sommairement les termes du premier alinéa de l’article L. 114-1 du code des assurances (« Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance »), ou doit-il encore rappeler les différents points de départ dudit délai visés au même article et/ou doit-il en outre rappeler les causes extraordinaires d’interruption de ladite prescription visées à l’article L.114-2 du même code ? 

La loi et le règlement n’en disent rien, de sorte que la jurisprudence a régulièrement (2) eu, ces dernières années, l’occasion de s’y pencher ; l’arrêt commenté n’apportant – selon nous – rien de neuf sur le sujet, sauf l’énonciation de la conformité à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et au principe de sécurité juridique. 

Après avoir estimé que le défaut de mention dans le contrat d’assurance des dispositions relatives à la prescription n’entraînait aucune sanction, la Cour de cassation a décidé, par un arrêt du 2 juin 2005, analysé comme opérant un revirement de jurisprudence (3), de censurer une décision d’une cour d’appel qui avait énoncé que le délai de prescription de l’article L. 114-1 ne devait pas obligatoirement figurer dans la police d’assurance au regard des exigences de l’article L. 112-4 du code des assurances et R. 112-1 dudit code, pour violation de ce dernier texte. 

La Cour de cassation obligeait ainsi l’assureur à rappeler non plus seulement « la prescription » mais « les dispositions de la loi concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance », ce qui devait ainsi le conduire à reproduire dans sa police, à tout le moins les termes de l’article L. 114-1 du code des assurances, l’inobservation de ladite obligation étant  sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code.  La Haute juridiction est notamment revenue sur cette solution, au grand dam de certains :

– par un arrêt du 10 novembre 2005 (4) en validant un arrêt d’une cour d’appel qui avait considéré que l’indication dans la police d’assurance selon laquelle « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances » était suffisante au regard de l’obligation d’information de l’assureur au motif, selon la Cour de cassation, que « la cour d’appel avait exactement déduit que les dispositions relatives à la prescription biennale avaient été rappelées dans la police, de sorte que les dispositions de l’article R. 112-1 alinéa 2 du même code […] avaient été respectées et que l’assureur était fondé à opposer la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale » ; 

– puis par un arrêt précisant le 25 juin 2009 (5) que le fait que l’assuré « ait été informé de l’existence de la prescription biennale dans le cadre de sa profession, ne saurait permettre à l’assureur d’échapper à l’obligation pesant sur lui » en application de l’article R. 112-1 du code des assurances. 

Ce n’est que par un arrêt du 3 septembre 2009 (6) que la Cour de cassation est revenue vers une obligation de retranscription plutôt que d’un simple « renvoi » à la prescription biennale, tout en la renforçant fortement d’ailleurs. 

La Cour de cassation avait en effet censuré une décision de la cour d’Aix-en-Provence qui, pour déclarer prescrite l’action de l’assuré à l’encontre de l’assureur, s’était contentée de retenir que la définition de la prescription, la durée, le point de départ, et même la possibilité d’interrompre ce délai par l’expédition d’une lettre recommandée avec accusé de réception étaient expressément mentionnés dans un chapitre V intitulé « Quelques précisions indispensables » faisant partie intégrante du document constituant les conditions générales du contrat multirisque habitation liant les parties. 

La cassation a été prononcée pour violation de l’article R. 112-1 du code des assurances après que la haute Juridiction ait rappelé dans un chapeau notamment que « l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurances, les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l’article L. 114-2 du même code ». 

Ce faisant, la deuxième chambre civile rejoignait la lecture que la première chambre civile avait faite en 2002 de l’article R. 112-1 du code des assurances (7) lorsqu’elle énonçait que « les modes d’interruption de la prescription biennale [se devaient d’être] nécessairement mentionnés dans la police, en application de l’article R. 112-1, alinéa 2, du code des assurances ». 

Il n’est pas impossible que la Cour de cassation maintienne cette position de fermeté (8), la lecture du rapport de ses rapports annuels (celui de l’année 2009 ne faisant pas exception) laissant peu d’ambigüité sur le regard critique que la Cour de cassation porte sur l’absence d’effet interruptif ou encore suspensif de prescription des pourparlers. 

Mots clés : ASSURANCE * Prescription biennale * Opposabilité * Information de l’assuré * Rappel (1) V. C. assur., art. R.321-1. (2) Dans d’autres matières que la nôtre, mais la portée des solutions a vocation à s’y appliquer.  (3) Civ. 2e, 2 juin 2005, n° 03-11.871 : Bull. civ. II, n° 141 ; D. 2006. 1784 , obs. H. Groutel ; RDI 2005. 413, obs. L. Grynbaum ; RGDA 2005. 619, note J. Kullmann ; H. Groutel, L’information de l’assurée : de nouvelles avancées ?, RCA 2005, chron. n° 11.  (4) Civ. 2e, 10 nov. 2005, n° 04-15.041 : Bull. civ. II, n° 283 ; RDI 2006. 31, obs. G. Leguay ; RGDA 2006. 81, note J. Kullmann.  (5) Civ. 2e, 25 juin 2009, n° 08-14.254.  (6) Civ. 2e, 3 sept. 2009, n° 08-13.094 : Bull. civ. II, n° 201 ; D. 2009. 2165, obs. S. Lavric ; ibid. 2010. 1740, obs. H. Groutel ; RDI 2009. 652, obs. D. Noguéro ; RGDA 2009. 1155 note J Kullmann.  (7) Civ. 1re, 2 juill. 2002, n° 00-14.115. (8) La décision rendue le 14 janvier 2010 (Civ. 2e, 14 janv. 2010, n° 09-12.590) n’ayant pas donné à la Haute juridiction l’occasion de se prononcer à nouveau en ce sens.  Revue de droit immobilier © Editions Dalloz 2011 Source : Cass. 2e civ., 17 mars 2011, n° 10-15267, 10-15864

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