Indemnisation : HT ou TTC – principe et charge de la preuve (Civ. 3, 6 novembre 2007) — Karila

Indemnisation : HT ou TTC – principe et charge de la preuve (Civ. 3, 6 novembre 2007)

Ancien ID : 411

Principe relatif à l’inclusion ou l’exclusion de la TVA

Le principe de la réparation intégrale du préjudice a conduit à s’interroger sur l’incidence des règles relatives à la TVA sur la réparation du préjudice subi.

La Cour de cassation a admis que la TVA pouvait avoir une incidence sur l’indemnisation dès lors qu’en vertu de l’article 1382 du Code civil, « si la réparation d’un dommage doit être intégrale, elle ne saurait, en tout cas, excéder le montant du préjudice » (Cass. com., 18 juin 1991, n° 89-16967, Bull. civ. 1991, IV, n° 227) tandis qu’un arrêt du 4 janvier (Cass. com., 4 janvier 1994, n° 92-13162, Bull. civ. 1994, IV, n° 9) ajoutait « que, pour inclure la TVA dans ce préjudice, il faut qu’elle reste définitivement à la charge de son débiteur légal en vertu des règles fiscales, ou tout au moins que la victime du dommage ne puisse se remettre dans l’état antérieur sans la payer ; ».

Conséquence du principe : difficultés de la question de la charge de la preuve

Ce principe acquis se posait la question de la charge de la preuve de la faculté du demandeur de récupérer ou non la TVA.

La jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question a évolué, le présent arrêt semblant dessiner une nouvelle règle relative à la charge de la preuve.

1. Principes applicables à la charge de la preuve de la récupération de la TVA avant cet arrêt

1.1 Principe

Il résultait de la jurisprudence que :

Première règle : c’est à celui qui prétend que la victime récupère la TVA de l’établir.

Le sommaire publié au bulletin de l’arrêt rendu par la troisième chambre le 25 juillet 1997 (Cass. 3ème civ., 25 juin 1997, n° 95-20840, Bull. civ. 1997, III, n° 151) énonçait ainsi que : « Tenus d’évaluer le préjudice à la date à laquelle ils statuent, et d’allouer des indemnités permettant de faire exécuter les travaux ou de rembourser ceux qui ont été réalisés pour remédier aux désordres, les juges du fond qui relèvent souverainement que l’architecte n’établit pas que le maître de l’ouvrage peut récupérer la taxe sur la valeur ajoutée, en déduisent exactement, sans inverser la charge de la preuve, que les indemnités accordées comprenaient le montant de cette taxe à payer aux entreprises » (à rapprocher de Cass. 3ème civ., 7 avr. 2004 : n° 03-10676: « Vu l’article 1315 du Code civil ; (…) Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombe à celui qui s’en prévaut de prouver que son adversaire a la possibilité de récupérer sur un tiers le montant de la taxe à la valeur ajoutée, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ; »).

Seconde règle : le responsable peut cependant renverser la charge de la preuve en avançant les règles fiscales qui pourraient conduire le maître de l’ouvrage à récupérer la TVA.

Il appartient alors au juge de répondre à ces arguments.

En ce sens :

Cass. 3e civ., 10 janv. 2001, n° 99-13103, Bull. civ. 2001, III, n° 2 : Viole les articles 1147 et 1315 du Code civil, en inversant la charge de la preuve, une cour d’appel qui accueille la demande du maître de l’ouvrage au titre de la réparation de désordres en incluant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au motif que les constructeurs ne rapportent pas la preuve que celui-ci remplit les conditions pour pouvoir récupérer la TVA, alors que les architectes soutenaient que l’activité d’enseignement exercée par le maître de l’ouvrage ne bénéficiait pas de l’exonération de paiement de la TVA et qu’il avait la possibilité de la récupérer en facturant cette taxe à ses clients ;

Cass. 1ère civ., 15 janv. 2002, n° 98-20945, Bull. civ. 2002, I, n° 9: N’inverse pas la charge de la preuve la cour d’appel qui, après avoir relevé que la société civile immobilière assurée, malgré la demande faite par l’assureur, lequel soutenait qu’elle était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par application de l’article 261 D.4° du Code général des impôts, s’était  » bien gardée de verser aux débats ses pièces comptables « , qui auraient levé toute ambiguïté, estime qu’en l’absence de certitude et faute pour l’assurée de justifier de ses prétentions, le montant des travaux de reconstruction de l’immeuble incendié doit être fixé hors TVA.

1.2 Conséquences

Dès lors que le responsable invoque la qualité de société commerciale de la victime, c’est alors au maître de l’ouvrage de démontrer qu’il se trouve dans une situation où elle ne peut pas obtenir restitution de cette taxe.

En ce sens:

Cass. 3ème civ., 23 juin 2004, n° 03-10342: « Mais attendu qu’ayant relevé que la société Halpades n’apportait pas de réponse à ses adversaires qui affirmaient qu’en sa qualité de société commerciale elle était assujettie à la TVA avec la possibilité de la récupérer après exécution des travaux, la cour d’appel, qui a constaté que cette société n’alléguait pas se trouver dans une situation où elle ne pourrait pas obtenir restitution de cette taxe, a légalement justifié sa décision, de ce chef ; »

Cass. 3ème civ., 6 déc. 2006, n° 05-17553 ; Bull. civ. 2006, III, n° 240 : « L’indemnité allouée à une société commerciale l’est hors taxes dès lors que celle-ci ne démontre pas que ses activités bénéficient de l’exonération de paiement de la taxe à la valeur ajoutée.« 

2. Principes applicables à la charge de la preuve de la récupération de la TVA par cet arrêt

Le présent arrêt opère semble-t-il un revirement par rapport aux principes ci-dessus énoncés.

La Cour d’Aix-en-Provence avait condamné l’architecte et son assureur à indemniser le maître de l’ouvrage, en l’occurrence une société d’économie mixte, au paiement d’une indemnité majorée de la TVA « faute par les architectes et l’assureur] de justifier du non-assujettissement [du maître de l’ouvrage] à la TVA, les condamnations au titre des travaux de reprise sont donc prononcées TTC ».

Le pourvoi reprochait à l’arrêt la violation des articles 1315 et 1147 du Code civil avançant comme principe « qu’il appartient au maître de l’ouvrage qui entend obtenir une indemnisation TTC de rapporter la preuve qu’il n’est pas assujetti au paiement de la TVA », principe manifestement contraire à la jurisprudence ci-dessus rapportée.

La Cour de cassation reçoit cependant ce principe en cassant l’arrêt d’appel pour violation des dispositions susvisées au motif que « qu’il appartient au maître de l’ouvrage victime qui demande le paiement des travaux de réparation taxe à la valeur ajoutée incluse, de démontrer que ses activités professionnelles ne sont pas soumises à cette taxe et qu’il ne peut pas récupérer celle payée en amont ».

Source : Cass. 3e civ., 6 novembre 2007, n° 06-17275, Bull. n° 190

 © – Karila – Cyrille Charbonneau

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