L’entreprise intervenant aux fins de reprise ne serait elle jamais garantie par son assurance de responsabilité civile décennale ? (Cass. 3e civ., 15 mai 2013) — Karila

L’entreprise intervenant aux fins de reprise ne serait elle jamais garantie par son assurance de responsabilité civile décennale ? (Cass. 3e civ., 15 mai 2013)

Voilà un arrêt intéressant à double titre.

  • Il retient la responsabilité de l’entreprise intervenant auxfins de reprise en sous-sol par l’insertion de 29 micro-pieux supplémentaires aux 70 premiers qui n’avaient pas suffi à assurer la stabilité de l’ouvrage, en retenant le défaut de conseil de l’entreprise sur le fondement de l’article 1147 du Code civil,

  • Il casse l’arrêt qui avait retenu la garantie de l’assureur de responsabilité civile décennale de la même entreprise en énonçant qule manquement de l’entreprise dans la réfection des désordres n’a pas d’incidence sur leur cause qui est imputable au constructeur d’origine, la cour d’appel a violé l’article 1792 du Code civil.

L’on comprend aisément que si la responsabilité civile décennale de l’entrepreneur n’a pas été retenue, il soit difficile de condamner l’assureur de cette responsabilité.

L’arrêt s’est cependant voulu plus général puisqu’il a cassé l’arrêt d’appel pour violation de l’article 1792 du code civil en énonçant, comme le ferait un arrêt de principe que « le manquement de l’entreprise dans la réfection des désordres n’a pas d’incidence sur leur cause qui est imputable au constructeur d’origine ».

Est ce à dire que le locateur d’ouvrage intervenant aux fins de reprise ne saurait être jamais tenu responsable sur le fondement de l’article 1792 du Code civil ? et qu’il ne pourrait pas être garanti contre cette responsabilité ?

 » Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Bordeaux, du 8 juin 2011 ), que les époux X… étaient propriétaires d’une maison d’habitation, implantée à proximité de deux arbres, et qui depuis sa réception, intervenue le 22 octobre 1980, n’a cessé de se fissurer ; qu’il a été procédé à plusieurs reprises à la pose de micro-pieux ; que courant 2000, à la suite d’un sinistre survenu en 1997 et pris en charge par la société GAN assurances IARD, au titre de la garantie  » catastrophes naturelles « , de nouveaux micro-pieux ont été posés par la société Temsol, assurée auprès de la société Sagena ; que M. Y…, assuré auprès de la MACIF, ayant acquis cette maison courant 2002 et constaté l’apparition de nouvelles fissures, a, après expertise, assigné la société Temsol et la société Sagena, ainsi que la société GAN assurances IARD qui a appelé la MACIF en garantie ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal, après avis donné aux parties, en application des dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile:


Attendu que la société Temsol fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec la société Sagena, à payer à M. Y… la somme de 16 637, 18 euros au titre des travaux confortatifs et de 3. 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, alors, selon le moyen, que l’entrepreneur qui exécute des travaux de réparation qui ne mettent pas fin à des désordres dus à une erreur de conception, n’engage pas sa responsabilité du fait de la persistance des désordres, faute de lien de causalité entre ceux-ci et son intervention ; qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que les désordres dans l’immeuble de M. Y… provenaient de l’action des racines de deux arbres, plantés trop près de la maison ; qu’en retenant la responsabilité de la société Temsol pour la seule raison que la réparation mise en oeuvre par ses soins avait été inefficace, quand les désordres provenaient de la présence des arbres qui n’était pas de son fait, la cour d’appel a violé l’article 1792 du code civil;


Mais attendu que l’arrêt retient que la société Temsol devait s’interroger sur le fait qu’après la pose de plus de soixante-dix micro-pieux l’immeuble persistait à bouger, avant d’établir un devis pour la pose de vingt-neuf nouveaux micro-pieux qui se sont avérés sans effet après leur installation, et que la société Temsol a commis une faute puisqu’elle n’a pas prévu de supprimer la cause des désordres qui provient de l’implantation d’arbres à proximité de la maison ; qu’il résulte de ces constatations que la société Temsol a commis un manquement à son devoir de conseil afférent à la nature des travaux à effectuer, engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1147 du code civil; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision attaquée se trouve légalement justifiée de ce chef ;


Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Sagena :


Vu l’article 1792 du code civil;


Attendu que pour condamner la Sagena, en sa qualité d’assureur garantissant la responsabilité décennale de la société Temsol, l’arrêt retient que la responsabilité de la société Temsol doit être retenue sur le fondement de l’
article 1792 du code civil;


Qu’en statuant ainsi, alors que le manquement de l’entreprise dans la réfection des désordres n’a pas d’incidence sur leur cause qui est imputable au constructeur d’origine, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Source : Cass. 3e civ., 15 mai 2013, n° 11-24274, 537 

A comparer : 

  • VERSAILLES, 4C, 9 septembre 2013, n° 12/00151, JD 2013-019914
  • PARIS, P4C6, 27 septembre 2013, 10/23176, JD 2013-02169

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