L’imprécision d’une attestation d’assurance ne préjudicie qu’au maître d’ouvrage (Cass.3e civ., 25 février 2009) — Karila

L’imprécision d’une attestation d’assurance ne préjudicie qu’au maître d’ouvrage (Cass.3e civ., 25 février 2009)

Ancien ID : 629

La MAF, assureur de responsabilité qui paie le montant totale de la condamnation prononcée in solidum à l’encontre de son assuré locateur d’ouvrage dit Monsieur X et d’un autre locateur d’ouvrage dénommé Costa, assuré auprès d’une autre compagnie, la CAMB, n’est pas subrogé dans les droits du maître d’ouvrage victime, le département des Vosges, mais dans ceux de son assuré responsable, Monsieur X ; en sorte que la MAF qui cherche à se voir couvrir par la CAMB de la quote-part de responsabilité judiciairement mise à la charge de Costa ne peut exciper dans son assignation contre ladite CAMB, de l’imprécision de l’attestation d’assurance garantie décennale délivrée par cette compagnie à la société Costa quant aux activités garanties.

On sait que l’assureur de responsabilité d’une entreprise qui émet une attestation d’assurance imprécise engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis du maître d’ouvrage puisque celui-ci a cru, au vu de l’attestation considérée, que l’entreprise de travaux qu’elle avait choisie était convenablement assurée (Cass. 3e civ., 17 décembre 2003, pourvoi n° 02-11539 ; Cass. 3e civ., 3 mars 2004, n° 02-19122, Bull. civ. III, n° 46; Cass. 3e civ., 22 septembre 2004, n° 02-13847, Bull. civ. III, n° 139 , Jean-Pierre Karila , Tribune de l’assurance 2005 n° 87, cahier de jurisprudence page 1 ; Cass. 3e civ., 11 mai 2006, n° 04-20250, Bull. civ., III n° 116 ; Cass. 3e civ., 29 mars 2006, n° 05-13119, Bull. civ. III, n°84

On apprécie moins bien les conditions de la mise en œuvre de cette responsabilité de l’assureur d’un co-locateur d’ouvrage par un autre co-locateur d’ouvrage et/ou son assureur.

En l’occurrence, la question se posait de savoir si Monsieur X ou son assureur la MAF, pouvait exciper des imprécisions de l’attestation d’assurance de la CAMB pour engager sa responsabilité alors que l’imprécision de ladite attestation ne pouvait a priori préjudicier qu’au maître d’ouvrage qui au vu de l’attestation n’avait pas pris la juste mesure du défaut de couverture d’assurance de la Société COSTA.

La Cour de cassation répond par la négative ; et ce faisant apporte des précisions sur le périmètre de la subrogation opérée par le paiement par la MAF des sommes dues par son assuré Monsieur X.

La question se posait en effet de savoir si le paiement effectué par la MAF la subrogeait dans les droits du bénéficiaire dudit paiement, le maître d’ouvrage, ou dans les droits de son assuré, Monsieur X.

La Cour de cassation répond que la MAF était subrogée dans les droits de son assuré, Monsieur X, et qu’elle ne pouvait par conséquent exciper du préjudice causé au maître d’ouvrage par l’imprécision de l’indemnité.

La Cour de cassation dit ainsi :

« Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que la MAF se trouvait, par l’effet du paiement effectué, subrogée dans les droits de son assuré mais non dans ceux du département des Vosges maître de l’ouvrage au titre de la garantie décennale, la cour d’appel, qui n’a pas dit que M. X…, architecte, avait commis une faute, en a exactement déduit qu’elle n’était pas fondée à se prévaloir de l’imprécision de l’attestation d’assurance délivrée par la CAMB à son assuré dans le seul intérêt du maître de l’ouvrage ou de ses ayants droits ; »

– Si l’on se réfère à l’article L.121-12 du Code des assurances relatif à la subrogation légale de plein droit du droit des assurances, les choses apparaissent ainsi clairement :

« L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur. »

– Si l’on se réfère à la subrogation légale de droit commun visée à l’article 1251-3° du Code civil qui énonce que « La subrogation a lieu de plein droit : … 3° Au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt de l’acquitter ; », il n’est pas précisé clairement que le paiement de celui qui est tenu (l’assureur) pour d’autre (l’assuré) opère la subrogation de l’assureur dans les droits de l’assuré et non pas dans les droits du bénéficiaire de la dette de l’assuré pris en charge par l’assureur.

– Si l’on se réfère encore à la subrogation conventionnelle visée à l’article 1250 du Code civil, il apparaît ici que cette subrogation s’opère dans les droits du bénéficiaire de l’indemnité et non pas dans les droits de l’assuré tenu de la dette, puisque ledit article dispose « Cette subrogation est conventionnelle : 1° Lorsque le créancier recevant son paiement d’une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; … ».

C’est au regard de ces trois articles, qu’on ne peut que regretter pour la MAF qu’elle n’ait pas opéré une subrogation conventionnelle avec le département des Vosges en exigeant de lui une quittance subrogative… ce qui lui aurait ainsi permis d’être à tout le moins recevable à agir contre la CAMB du fait des imprécision de l’attestation d’assurance qu’elle avait délivrée à la Société COSTA.

Source : Cass.3e civ., 25 février 2009 n°08-11249, RGDA 2009, p.511, note J.-P. Karila

A rapprocher : Cass. 3e civ., 18 juin 2008, n° 07-12977, RDI 2008, p.448, note Ph. Malinvaud – RGDA 2008 p. 963 note J.-P. Karila.

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