L’inopposabilité ne remplace pas la nullité (Cass. Chambre mixte, 28 septembre 2012, n° 11-11381). — Karila

L’inopposabilité ne remplace pas la nullité (Cass. Chambre mixte, 28 septembre 2012, n° 11-11381).

Lorsqu’on est partie à l’instance le rapport est par définition opposable et ses irrégularités ne peuvent être invoquées qu’aux fins de sa nullité.

« Les parties à une instance au cours de laquelle une expertise judiciaire a été ordonnée ne peuvent invoquer l’inopposabilité du rapport d’expertise en raison d’irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise, lesquelles sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure. Dès lors, ayant constaté que la nullité d’un rapport d’expertise dont le contenu clair et précis avait été débattu contradictoirement devant elle n’était pas soulevée, une cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a pu tenir compte des appréciations de l’expert pour fixer l’indemnisation. »

Voila ce qu’en dit le rapport 2012 de la Cour de cassation :

« Mesures d’instruction – Expertise – Irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise – Sanction – Portée

Ch. mixte, 28 septembre 2012, pourvoi n° 11-11.381, Bull. 2012, Ch. mixte, n° 1, rapport de Mme Vallée et avis de M. Mucchielli
Les parties à une instance au cours de laquelle une expertise judiciaire a été ordonnée ne peuvent invoquer l’inopposabilité du rapport d’expertise en raison d’irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise, lesquelles sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure.
Dès lors, ayant constaté que la nullité d’un rapport d’expertise dont le contenu clair et précis avait été débattu contradictoirement devant elle n’était pas soulevée, une cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a pu tenir compte des appréciations de l’expert pour fixer l’indemnisation.

Par cet arrêt, la chambre mixte se prononce sur les effets du non-respect par l’expert du principe de la contradiction au détriment d’une partie au litige. Il tend à mettre fin aux divergences constatées entre les chambres civiles de la Cour de cassation, la deuxième chambre et la chambre commerciale admettant qu’une expertise diligentée dans ces conditions pouvait être prise en considération si elle était confortée par d’autres éléments de preuve, les autres chambres appliquant rigoureusement le principe en cassant les décisions qui l’auraient méconnu.

En l’espèce, un artisan avait souscrit un contrat d’assurance auprès d’une société, garantissant notamment un risque « invalidité totale ou partielle ». Victime d’un accident, il avait saisi la juridiction civile pour demander la condamnation de la société à lui payer une rente au titre de cette garantie.
Après avoir ordonné une expertise pour déterminer les taux d’invalidité et d’incapacité de l’assuré, la cour d’appel, statuant au fond, a constaté que la société, qui avait seulement fait état dans ses écritures de l’omission par l’expert de la convoquer, ne demandait pas la nullité du rapport d’expertise, et que celui-ci, clair, détaillé et précis, avait été débattu contradictoirement devant elle. Elle a donc alloué à l’artisan une somme au titre de la rente.

La société a formé un pourvoi contre cette décision, lui faisant grief de s’être fondée uniquement sur le rapport d’expertise pour fixer les taux d incapacité et d’invalidité de l’assuré, en violation des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile qui impose au juge, en toutes circonstances, de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction.

Pour rejeter ce pourvoi, la Cour de cassation, d’abord, décide que les parties à une instance au cours de laquelle une expertise judiciaire a été ordonnée ne peuvent invoquer l’inopposabilité du rapport d’expertise en raison d’irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise.
Elle juge, ensuite, que ces irrégularités sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure.
Cette décision peut être lue à la lumière de l’arrêt de la chambre mixte du 7 juillet 2006 qui a déjà posé pour principe que « quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile » (Ch. mixte, 7 juillet 2006, pourvoi n° 03-20.026, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 6). »

Source : Cass. Mixte, 28 septembre 2012, n° 11-11381

A comparer :

  • Cass. Mixte, 28 septembre 2012, n° 11-18710, Bull. à venir : « Si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties. »
  • Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 89-16592, Bull. n° 83 : « Selon l’article 175 du nouveau Code de procédure civile, la nullité des actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction sont soumises aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. Dès lors, une cour d’appel retient à bon droit que l’exception de nullité d’un complément d’expertise est irrecevable pour avoir été soulevée après que les parties aient conclu au fond. «