La responsabilité décennale de l’architecte ne saurait être engagée lorsque les normes parasismiques n’avaient pas de caractère obligatoire à la date de la délivrance du permis de construire (Cass. 3e civ., 1er décembre 2010) — Karila

La responsabilité décennale de l’architecte ne saurait être engagée lorsque les normes parasismiques n’avaient pas de caractère obligatoire à la date de la délivrance du permis de construire (Cass. 3e civ., 1er décembre 2010)

Ancien ID : 810

Si la Cour de cassation a ainsi jugé que la responsabilité de l’architecte ne saurait être engagée sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, lorsque les normes parasismiques n’avaient pas de caractère obligatoire à la date de la délivrance du permis de construire au motif qu’elles n’entraient pas dans son domaine d’intervention, elle a cependant précisé que ladite responsabilité aurait pu être recherchée si l’architecte s’était obligé à respecter des contraintes non encore imposée par la norme alors applicable.

« Attendu que pour déclarer M. X… responsable, in solidum avec la SCI La Source, de la non-conformité de l’immeuble aux normes parasismiques, l’arrêt retient que le permis de construire a été déposé en 1990 et accordé le 2 janvier 1991, que le respect, auquel l’architecte est contractuellement tenu, des règles de l’art impliquait l’application, d’ailleurs envisagée dans le rapport préliminaire du contrôleur technique, des normes parasismiques référencées “PS69 modifiées en 1982” et qu’il est admis qu’une non-conformité aux stipulations du contrat d’architecte, non apparente à la réception, relève de l’article 1792 du code civil si elle provoque une atteinte à la destination ou à la solidité de l’immeuble ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que les normes parasismiques n’avaient pas, à la date de la délivrance du permis de construire de caractère obligatoire, ce dont il résultait qu’elles n’entraient pas, en l’absence de stipulations contractuelles particulières, dans le domaine d’intervention de l’architecte, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé » ;

Source : Cass. civ. 3e 1er décembre 2010 n°09-15282, Bull. à venir

Commentaire : RDI 2011, p 169, note Ph. Malinvaud

Cet arrêt nous donne l’occasion de rappeller quelques décisions « repères » sur la question.

La Cour de cassation a ainsi décidé :

1. que « La garantie décennale est applicable à des défauts de conformité aux règlements parasismiques portant sur des éléments essentiels de la construction et constituant d’ores et déjà un facteur avéré et certain de perte de l’ouvrage par séisme. » (Cass. Civ. 3e 25 mai 2005, n°03-20247, Bull civ. III, n°113) ; en sorte que l’exigence d’un désordre n’est pas nécessaire pour engager la responsabilité décennale. Cette solution avait déjà été retenue par la Cour de cassation à propos des non-conformités aux règlements de sécurité (Cass. Civ. 3e 30 juin 1998 n°96-20789) ou encore à propos de l’erreur d’implantation d’une construction entraînant un risque de perte de l’ouvrage quand celle-ci est construit en zone inondable (Cass. Civ. 3e, 8 avril 1998 n°96-12119).

2. que « Relèvent de la responsabilité décennale, les défauts de conformité d’une maison à la norme parasismique, même s’il n’est pas établi que la perte de l’ouvrage par séisme interviendra avec certitude dans le délai décennal, dès lors que ces défauts sont multiples, portent sur des éléments essentiels de la construction, peuvent avoir pour conséquence la perte de l’ouvrage, et font courir un danger important aux personnes » (Cass. civ. 3e 7 octobre 2009 n°08-17620, Bull. civ. III, n° 212) ; confirmant ainsi que le risque de perte de l’ouvrage suffit à engager la responsabilité sur le fondement de la garantie décennale prévue par l’article 1792 du Code civil.

3. que « Ne relève pas de la responsabilité décennale de plein droit des constructeurs, le défaut de conformité d’un ouvrage aux normes parasismiques, apparent et réservé à la réception des travaux » (Cass. civ. 3e 27 janvier 2010 n° 08-20938, Bull. III, n° 21).

Parmi les récents arrêts d’appel, on relèvera :

– celui de Cour d’appel de Lyon (ch. civile 8, 9 septembre 2008, n°06/07220, JurisData n°2008-002724) qui énonce que l’entreprise de maçonnerie qui a réalisé des travaux non conformes aux règles de l’art et ayant pour conséquence de rendre la maison non conforme aux règles applicables en zone sismique, a commis une faute, sa responsabilité étant retenue et un expert est désigné pour évaluer les travaux de réfection et les préjudices subis,

– celui de la Cour d’appel de Besançon (ch. civil 1, section A, 22 avril 2010), qui condamne l’entreprise de gros œuvre, au titre du non-respect des normes parasismiques, sur le fondement, non pas de la garantie décennale, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun

– celui de la Cour d’appel de Colmar, 3 mai 2010, RG n°08/00744 qui condamne l’architecte et de l’entrepreneur sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, faute d’avoir respecté les plans intégrant la norme parasismique.

On mentionnera enfin le Décret n°2010-1255 du 22 octobre 2010 portant délimitation des zones de sismicité du territoire français et dont le maître d’œuvre devra prendre en considération dans le cadre de sa mission au sein de l’opération de construction.

© Karila