Le courtier et la prescription biennale (Cass. 2e civ., 24 octobre 2013) — Karila

Le courtier et la prescription biennale (Cass. 2e civ., 24 octobre 2013)

Tout est relatif… la responsabilité du courtier qui ne conseille pas à son client d’interrompre la prescription biennale du code des assurance sera fonction du degré de compétence dudit client d’une part, du fait de savoir s’il était assisté d’un conseil professionnel du droit (on remarquera ici qu’il y en avait deux car le mandataire judiciaire est bien déjà un professionnel du droit !) d’autre part et de l’ampleur de l’information relative à la prescription biennale contenue au conditions générales et particulières du contrat d’assurance enfin.

Cette information contenue ou non au contrat d’assurance nous parait être en effet une condition essentielle car comment sinon comprendre :

  • que l’on puisse retenir la responsabilité de l’assureur dans l’hypothèse d’un défaut d’information quant à la prescription et aux moyens extraordinaires et ordinaires de l’interrompre (voir nos derniers commentaires de jurisprudence) ;
  • et écarter celle du courtier dans une telle situation.


« Sur le second moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juin 2012), que le 12 octobre 2001, la société Electrolux a assigné Mme X… à l’effet de voir engager sa responsabilité professionnelle et en réparation de son préjudice ; que le 23 octobre 2001 Mme X… a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société de courtage SGAC Bellan, aux droits de laquelle est venue la société Diot (le courtier), qui l’a transmise à la société Assurances générales de France, devenue Allianz global corporate & specialty (l’assureur), assureur de responsabilité des administrateurs et mandataires judiciaires ; que se prévalant de l’acquisition de la prescription biennale l’assureur a refusé sa garantie ; que, le 2 août 2004, Mme X… a assigné l’assureur et le courtier aux fins de les voir condamnés à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée contre elle ;

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes formées à l’encontre du courtier tendant à le voir condamner à lui payer la somme de 25 215,51 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2010, outre la somme de 10 000 euros pour résistance abusive et injustifiée, alors, selon le moyen : 

1°/ que les compétences personnelles du client et la présence à ses côtés d’un professionnel ne sauraient dispenser le courtier, commerçant indépendant et professionnel de l’assurance, de son obligation de conseil et d’exacte information ; qu’en retenant qu’il n’appartenait pas au courtier d’attirer l’attention de son client sur l’existence de la prescription biennale au motif que Mme X… avait la qualité de mandataire judiciaire et qu’elle était assisté d’un conseil, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ que le courtier, commerçant indépendant et professionnel de l’assurance a, à l’égard de son client, une obligation de conseil et d’exacte information ; que Mme X… faisait valoir que le manquement du courtier à son devoir de conseil était d’autant plus flagrant que la lettre du 19 février 2002 que lui avait adressée le courtier et aux termes de laquelle « la compagnie accepte de prendre en charge, pour les déclarations et mises en cause antérieures au 31 décembre 2001, les honoraires des avocats personnels des mandataires et administrateurs judiciaires conformément aux modalités qui avaient été arrêtées précédemment » comportait expressément les références du dossier Electrolux qui étaient de nature à lui faire croire qu’il ne s’agissait pas d’un courrier circulaire d’information, mais bien d’un courrier s’appliquant spécifiquement au dossier dont le courtier avait la charge, et que le courtier, en n’attirant pas son attention sur l’ambiguïté de la position prise par l’assureur et en ne l’alertant pas sur le risque de prescription biennale en l’absence de prise de position claire de l’assureur sur la direction du procès, avait incontestablement manqué à son obligation de conseil ; qu’en se fondant, pour débouter Mme X… de ses demandes à l’encontre du courtier, sur la circonstance que Mme X… avait la qualité de mandataire judiciaire et qu’elle était assisté d’un conseil, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le courtier n’avait pas manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention de Mme X… sur le risque de la prescription de l’action, compte tenu de l’ambiguïté de la position prise par l’assureur, la cour d’appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à écarter le manquement du courtier à son obligation de conseil, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le courtier d’assurances, mandataire de l’assuré, est tenu à l’égard de ce dernier d’un devoir d’information et de conseil ; qu’en l’espèce, il est constant que le courtier a transmis dans les délais à l’assureur la déclaration de sinistre qui lui avait été adressée par Mme X… le 23 octobre 2001 ; qu’il ne saurait être reproché au courtier d’avoir manqué de diligence en n’avisant pas son client de l’existence de la prescription biennale et des procédés à mettre en oeuvre pour l’interrompre, dès lors que Mme X…, mandataire judiciaire, dispose des compétences nécessaires pour connaître de cette prescription spéciale, rappelée expressément aux conditions générales du contrat d’assurances, et qu’elle était assistée d’un conseil professionnel du droit ; « 

Source : Cass. 2e civ., 24 octobre 2013, 12-27000,  1632

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