Le gérant d’une entreprise de construction engage sa responsabilité personnelle pour défaut de souscription d’une assurance de responsabilité civile décennale (Cass. civ. 3, 10 mars 2016) — Karila

Le gérant d’une entreprise de construction engage sa responsabilité personnelle pour défaut de souscription d’une assurance de responsabilité civile décennale (Cass. civ. 3, 10 mars 2016)

La question était la suivante : Le gérant d’une entreprise de travaux a-t-il commis une faute intentionnelle (par ailleurs constitutive d’une infraction pénale), séparable de ses fonctions sociales pour ne pas avoir fait souscrire à ladite entreprise une police d’assurance de responsabilité civile décennale et engage t il par conséquent sa responsabilité personnelle ?

On rappellera que la responsabilité personnelle d’un dirigeant de société à l’égard des tiers pour défaut de souscription d’une assurance de sa responsabilité civile décennale ne peut être retenue que s’il a commis une faute détachable de ses fonctions (en vertu de l’article L. 223-22 du Code de commerce).

La Cour de cassation y répond par l’affirmative à l’occasion de cet arrêt publié du 10 mars 2016, après avoir pris une position différente en 2006 (Cass. civ. 3, 4 janvier 2006, n° 04-14731, Bull. n° 7) :  » Le défaut de souscription des assurances de dommage et de responsabilité constitutif d’une infraction pénale et caractérisant une abstention fautive imputable au dirigeant de la personne morale assujettie à cette obligation, n’est pas séparable des fonctions de dirigeant de cette personne morale. »

Ce faisant la troisième chambre civile se rapproche de la chambre commerciale (Cass. com., 28 septembre 2010, n° 09-66255, Bull. n° 146) : 

     » Le gérant d’une société à responsabilité limitée qui commet une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice.
    Viole dès lors l’article L. 223-22 du code de commerce, ensemble l’article L. 243-3 du code des assurances, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée à l’encontre de la gérante d’une société à responsabilité limitée, retient que, même constitutif du délit prévu et réprimé par les articles L. 111-34 du code de la construction et de l’habitation et L. 243-3 du code des assurances, et caractérisant une abstention fautive imputable à la gérante, le défaut de souscription des assurances obligatoires de dommages et de responsabilité n’était pas séparable des fonctions de dirigeant, alors qu’il résultait de ses constatations que la gérante avait sciemment accepté d’ouvrir un chantier sans que la société fût couverte par une assurance. » 

Reste toutefois à caractériser le lien de causalité avec les désordres constatés, comme y invitait la 3ème chambre civile de Cour de cassation le 18 décembre 2012 (Cass. 3e civ., 18 décembre 2012, n° 11-21300).


Source : Cass. civ. 3, 10 mars 2016, n° 14-15326, Bull. à venir

Extrait : 

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juillet 2013), que la société civile immobilière Z… (la SCI) et M. et Mme Z… ont confié à la société Clé du Sud, ayant pour gérant M. X…, la construction de cinq chalets ; que, se plaignant de désordres de construction, les maîtres de l’ouvrage ont, après avoir obtenu la désignation d’un expert et une provision, assigné en indemnisation la société Clé du Sud, depuis en liquidation judiciaire, et M. X… à titre personnel ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la SCI diverses sommes, alors, selon le moyen que le défaut de souscription des assurances de dommage et de responsabilité constitutives d’une infraction pénale et caractérisant une abstention fautive imputable au dirigeant de la personne morale n’est pas séparable des fonctions de dirigeant de cette personne morale ; qu’en déclarant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 223-22 du code de commerce, L. 241-1, L. 242-1 et L. 243.-3 du code des assurances ;

Mais attendu qu’ayant retenu que M. X…, gérant de la société Clé du Sud, qui n’avait pas souscrit d’assurance décennale, avait commis une faute intentionnelle, constitutive d’une infraction pénale, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il avait commis une faute séparable de ses fonctions sociales et engagé sa responsabilité personnelle ; »



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