Ledéfaut d’activité garantie s’infère des conditions particulières, même en l’absence d’attestation d’assurance.
L’absence de production aux débats d’une telle attestation ne prive pas l’assureur de responsabilité de l’entreprise d’exciper du bénéfice, dans ses rapports au tiers lésé qui exerce contre lui l’action directe, du défaut de garantie de l’activité litigieuse visé aux conditions particulières de la police d’assurance.
Cass. 3e civ., 30 juin 2016, n° 15-18.206, publié au Bulletin
Par Laurent Karila
Avocat à la cour, barreau de Paris
Chargé d’enseignement à l’Université de Paris I
La
Société Boulangeot à qui ont été confié des travaux de rénovation d’une piscine
comportant la pose d’un enduit hydraulique et d’une peinture membrane, se
voyant reproché par le maître d’ouvrage des dommages –avérés après expertise- consistant
en des traces de coulure et des multiples cloques sur le revêtement, appelle en
garantie son assureur, la Société SMA, en alléguant du bénéfice des conditions
particulières d’une police d’assurance émise à son bénéfice -mais non signées-
couvrant les activités de « maçonnerie béton armé, plâtrerie, carrelage
et revêtements matériaux durs, charpente bois, menuiseries bois ou PVC ou
métallique, couverture zinguerie ».
Le maître d’ouvrage exerce par ailleurs une action directe contre la SMA sur le fondement de l’article L. 124-3 du Code des assurances.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence déboutera le maître d’ouvrage de son action directe contre l’assureur de responsabilité de décennale de la Société Boulangeot et celle-ci de son appel en garantie contre son assureur, et la Cour de cassation rejettera les pourvois formés à titre principal par le maître d’ouvrage et à titre incident par l’entreprise, pour des motifs d’un intérêt inégal.
1. Le maître d’ouvrage fait grief à la Cour d’appel de l’avoir débouté de sa demande –en violant l’article 1165 du Code civil et L.241-1 du Code des assurances- au double motif que les conditions particulières susvisées qui, certes « excluaient de la garantie de l’assureur les travaux litigieux »[1], ne lui étaient pas opposables d’une part et que seule la production –qui n’eut pas lieu- d’une attestation d’assurance définissant précisément les secteurs d’activité professionnelle couverts aurait pu être de nature à justifier d’une absence de garantie à l’égard du maître d’ouvrage bénéficiaire de la garantie d’autre part.
La Cour de cassation rejette à juste raison le moyen et dit que la SMA était fondée à opposer une non-garantie au maître d’ouvrage au considérant que la photocopie des conditions particulières établissait que les activités garanties ne concernaient pas la pose de revêtements spéciaux et notamment de peinture « membrane » sur les parois de la piscine.
C’est l’occasion de rappeler que s’il est incontestable, comme le relevait légitimement le moyen unique du pourvoi principal, que l’assureur est tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son assuré à qui il délivre une attestation nécessairement destinée à l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, et donc de fournir dans son attestation d’assurance les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle déclarée, l’absence de production aux débats d’une telle attestation ne prive pas l’assureur de tirer avantage, dans ses rapports au tiers lésé qui exerce son action directe, des termes des conditions particulières de la police d’assurance.
La Cour de Cassation oblige d’ailleurs l’assureur à produire le contrat d’assurance aux débats lorsqu’il prétend s’opposer à une action directe ; comme il résulte notamment d’un arrêt du 22 février 1992 qui énonce : « lorsque le bénéficiaire d’un contrat souscrit auprès d’un assureur de responsabilité est invoqué, non par l’assuré, mais par la victime du dommage, il incombe à cet assureur de démontrer, en versant le contrat aux débats, qu’il ne doit pas sa garantie pour le sinistre objet du litige. » (Cass. 1re civ., 22 avr. 1992, n° 89-16034 : RGAT 1992, p. 594, note Ph. Rémy. – V. également Cass. Cass. 1re civ., 2 juill. 1991, n° 88-18486 : Bull. civ. I, n° 217 ; RGAT 1992, p. 161, note R. Bout – 1re civ., 9 mai 1996, n° 93-19807 : Bull. civ. 1996, I, n° 189 ; RGDA 1996, p. 596, note L. Mayaux – Cass. 3e civ., 8 juin 2010, n° 09-13482 :RGDA 2010, p. 1009, note J.-P. Karila).
Priver du droit à l’assureur d’exciper du contenu des conditions particulières régulièrement versées aux débats au motif de l’absence d’attestation d’assurance auraient fait prévaloir absence de preuve / preuve négative à un élément de preuve que le droit positif considère pouvoir être apporté par tous moyens ; ce qui aurait été pour le moins incongru.
2. La Société Boulangeot fait quant à elle grief à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 1134 du Code civil et les articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances en ne déduisant pas de ses propres constatations, à savoir que les conditions particulières visaient les activités de « maçonnerie béton armé » et « carrelage et revêtement matériaux durs », les conséquences légales qui s’en évinçaient, à savoir que l’assureur devait sa garantie au titre des dommages sus mentionnés de traces de coulure et des cloques sur le revêtement.
On aura observé que ce faisant la Cour d’appel compare certaines des activités garanties aux dommages constatés et non pas lesdites activités à la nature des travaux véritablement réalisés.
La Cour de cassation rejette ainsi sans surprise ledit moyen et dit l’assureur fondé à opposer une non garantie à son assuré, au considérant que les activités garanties ne concernaient pas la pose de revêtements spéciaux et notamment de peinture « membrane » sur les parois d’une piscine.
[1] On se bornera ici à relever que contrairement à l’allégation du moyen du pourvoi, l’activité litigieuse n’était pas exclue de la garantie d’assurance mais –comme la Cour de cassation le confirmera- non couverte par les activités garanties.