Le Moniteur – Panorama de droit de la construction – Cour de cassation – Premier semestre 2023 — Karila

Le Moniteur – Panorama de droit de la construction – Cour de cassation – Premier semestre 2023

Marchés privés : six mois de droit de la construction (lemoniteur.fr)

Sélection des décisions les plus instructives rendues par la Cour de Cassation au premier semestre 2023. 

Par Laurent Karila
Avocat associé – Karila, Société d’avocats
Chargé d’enseignement à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne

L’OUVRAGE, l’ELEMENT D’EQUIPEMENT ET LA RECEPTION

Avant tout, un ouvrage ou un élément d’équipement

Le risque avéré, durant le délai d’épreuve décennal, d’un incendie de panneaux photovoltaïques intégrés à la toiture -et dont la fonction exclusive n’est pas de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage- et susceptible de se communiquer à l’entier bâtiment, engage la responsabilité décennale du constructeur, puisqu’il rend l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Cass.3e civ., 8 juin 2023, n°21-25960).

LES GARANTIES LEGALES

Bénéficiaire

En l’absence de convention réglant entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, le sort d’une construction nouvelle édifié par l’usufruitier, le nu-propriétaire ne peut exercer l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage puisqu’il n’en est pas propriétaire (Cass.3e civ., 13 avril 2023, 22-10487, Publié), seul l’usufruitier disposant -jusqu’à la fin de l’usufruit- de la qualité pour agir en responsabilité civile décennale à l’encontre des constructeurs et au titre de l’action directe contre l’assureur couvrant la mise en jeu de cette responsabilité (Cass.3e civ., 13 avril 2023, 22-10487, Publié).

Garantie de parfait achèvement

Dès lors que délai de garantie de parfait achèvement est un délai de forclusion insusceptible d’être suspendu mais seulement interrompu, le maître de l’ouvrage qui agit postérieurement à l’année écoulée depuis l’ordonnance désignat l’expert judiciaire est irrecevable (Cass.3e civ., 16 mars 2023, 21-24574)

Imputabilité

Si la présomption de responsabilité décennale ne s’exerce à l’encontre des locateurs d’ouvrage constructeurs qu’à la condition que le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3e, 30 mars 2023, n° 22-10299) prouve que le dommage décennal allégué leur soit imputable (Cass. 3e civ., 1er mars 2023, n° 21-21450), ce qui en pratique écarte l’entreprise dont le lot ne serait pas concerné par le dommage, ladite présomption s’applique également au détriment du constructeur non-réalisateur ou vendeur après achèvement d’un ouvrage immobilier dont l’imputabilité est difficilement contestable dès lors que les désordres portent nécessairement sur les ouvrages qu’il a fait réaliser, seule la cause étrangère, de l’article 1792, alinéa 2 pouvant pourra partiellement ou totalement l’exonérer à sa responsabilité décennale (Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-24109) ; la dite cause étrangère, est constituée  par la force majeure, la faute de la victime, ou encore le fait du tiers totalement étranger à la construction de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 8 juin 2023, n° 21-25822).

Gravité décennale

L’assistant à la maîtrise d’ouvrage engage sa responsabilité décennale lorsqu’il est investi d’une mission « HQE » de programmation, de conception et de suivi de réalisation des travaux d’une installation solaire pour la production d’électricité était inadapté à sa localisation de l’ouvrage (Cass.3e civ., 13 avril 2023, 22-11024).

Lorsqu’un carrelage du rez-de-chaussée d’un bâtiment présente, après l’expiration du délai d’épreuve, des phatologie identiques à celles du premier étage apparues antérieurement à l’expiration dudit délai (phénomène d’humidité affectant la chape et la pose du carrelage dans l’ensemble de la maison), les désordres affectant le carrelage du rez-de-chaussée trouvent ainsi leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique a été constaté avant l’expiration du délai de garantie décennale, sont des désordres évolutifs de caractère décennal (Civ. 3e, 25 mai 2023, 22-13410, Publié).

L’absence de raccordement des évents qui provoquait des odeurs nauséabondes présentant un danger pour la santé des personnes, a pour conséquence un risque sanitaire qui rend, en lui-même, l’ouvrage impropre à sa destination durant le délai d’épreuve (Civ. 3e, 11 mai 2023, 21-15508, Publié)

Effet de la réception

Si le maître de l’ouvrage était certes en capacité de relever, lors de la réception, la non-conformité tenant à la faiblesse de volume des deux bassins au regard de celui contractuellement prévu, les désordres, apparus après la réception à l’occasion de fortes précipitations, ne lui étaient toutefois pas apparents, dès lors qu’ils avaient pour origine une conception défectueuse du dispositif de gestion des eaux pluviales tenant, non seulement à la non-conformité apparente, mais aussi à d’autres vices cachés de non-façons des drains et canalisation entre les deux bassins (Cass. 3e civ., 11 mai 2023, n° 22-13182).

Les désordres réservés à la réception mais ne se révélent que dans toute leur ampleur que postérieurement, sont l’objet de la garantie décennale (Civ. 3e, 25 mai 2023, 22-10734).

Prescriptions des actions en paiement

L’entreprise qui fait valoir sa créance lors d’une expertise judiciaire dont elle n’a pas été à l’initiative, n’est pas interruptive de prescription en sens des articles 2224 et 2240 du Code civil, seule étant interruptive, une reconnaissance du débiteur, une demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcée (Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 21-25244).

Hormis les cas où le contrat où la loi en disposent autrement, le point de départ de l’action en paiement de l’entrepreneur à l’encontre d’un consommateur se prescrit par deux ans à compter de l’achèvement de sa prestation de travaux, en application des articles 2224 du Code civil et  L. 218-2 du Code de la consommation , la règle s’appliquant à tout contrat portant sur la fourniture de biens ou de services, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles et portant sur l’exécution de contrat de prestations de service ou d’un contrat de vente souscrit par un professionnel au bénéfice d’un consommateur personne physique qui n’a pas pas commandé les travaux à des fins professionnelles (Cass., 3e civ., 1er mars 2023, 21-23176, Publié).

Recours entre constructeurs

Après avoir indemnisé le maître d’ouvrage du coût des travaux réparatoires du dommage dont il s’était rendu co-responsable, le constructeur qui exerce une action judiciaire à l’encontre d’un autre constructeur responsable, n‘exerce pas une action subrogatoire sur le fondement de l’article 1792 du Code civil,  mais un appel en garantie / une action en contribution à la dette, fondée sur l’article 1240 du Code civil (Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 22-10667).

 

RESPONSABILITE TOUS AZIMUTS

Troubles anormaux de voisinage

Le trouble anormal de voisinage tenant à la perte de vue n’est pas retenu lorsque la propriété est implantée en zone urbanisée et est entourée d’immeubles d’habitation (Civ. 3e, 25 mai 2023, 22-15453) ; mais est réparable le trouble anormal du voisinage constitué par le simple « risque » qu’en cas de tempête, les arbres risquent d’endommager gravement la maison du voisin et porte atteinte à la sécurité de ses occupants (Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 21-19716).

Le délai de prescription de l’action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage à raison des nuisances sonores court à compter de la connaissance desdites nuisances, savoir du démarrage de l’exploitation de l’usine en provenance des troubles, et non de la date à laquelle la victime a pu se convaincre de la réalité de la faute de l’usine du fait d’éléments circonstanciés sur le nombre de décibels, soit à la date du dépôt de l’expertise amiable (Cass. civ. 3, 6 avril 2023, n° 22-12928).

In solidum

Si le contrat a un rapport direct avec l’activité professionnelle du maître de l’ouvrage (en l’espèle, l’hostellerie), celui-ci ne peut être considéré comme un non professionnel dans ses rapports avec le maître d’oeuvre, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction, de sorte que les dispositions relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables, et l’exclusion contractuelle de l’obligation in solidum de l’architecte demeure applicable (Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 21-20643, Publié) lorsque la responsabilité de l’architecte est recherchée sur le fondement du droit commun de l’action en contribution à la dette exercée par les locateurs d’ouvrage les uns contre les autres.

Garantie des vices cachés

La réparation par un tiers du vice caché affectant la chose vendue, en l’occurrence le syndic qui a pris à sa charge « la remise en état de la structure bois de l’immeuble », n’a pas d’incidence sur les rapports contractuels entre vendeur et acquéreur, et ne supprime pas l’action estimatoire de l’acquéreur (Civ. 3e, 8 février 2023, 22-10743, Publié).

Le vendeur qui a connaissance d’un vice préalablement à la vente est tenu de la garantie des vices cachés même lorsque l’acte de vente stipule une clause de non garantie (Civ. 3e, 1er février 2023, 21-23977).

Lorsque le vice, en l’espèce une infestation parasitaire, est qualifié de vice caché de la chose vendue en sens de la loi, les demandes formées par l’acquéreur sur le fondement du manquement à l’obligation de délivrance et sur celui du manquement au devoir d’information ne peuvent pas être accueillies (3e civ., 18 janvier 2023, 21-22543, publié).

Pour les ventes conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, il est jugé que les vices affectant les matériaux ou les éléments d’équipement mis en oeuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l’exonérer de la responsabilité qu’il encourt à l’égard du maître de l’ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité et que, sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en oeuvre pour la réalisation de l’ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale. Il s’ensuit que, l’entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le maître de l’ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l’article 1648, alinéa 1, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L. 110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage (3e Civ., 16 février 2022, pourvoi n° 20-19047, publié au Bulletin). Dès lors que le vendeur peut voir, ainsi, sa garantie recherchée par le constructeur et qu’il ne peut, non plus, agir avant d’avoir été assigné, le recours contre son propre vendeur ne peut, pas plus, être enfermé dans le délai de prescription de droit commun courant à compter de la vente initiale. La prescription de ce recours est elle-même suspendue jusqu’à ce que la responsabilité de son auteur soit recherchée Civ. 3e, 8 février 2023, 21-20271, Publié).

Réparation

Les travaux qui réparaient intégralement les désordres affectaient la couverture, l’étanchéité, la zinguerie, l’absence de traitement des murs contre l’humidité ainsi que la hauteur non conforme au permis de construire de la couverture ont pu être retenus par les premiers juge sur la solution de démolition et reconstruction des ouvrages, proposé finalement par l’expert judiciaire, dès lors que les motifs avancés par ledit expert pour justifier cette solution étaient généraux et imprécis et que le refus de deux architectes d’intervenir pour reprendre le chantier ne préjugeait pas de la position d’autres maîtres d’œuvre (Cass. 3e civ., 18 janvier 2023, 21-20027).

Il résulte des articles L. 480-13 du code de l’urbanisme et 1240 du code civil que toute méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique peut servir de fondement à une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ultérieurement annulé, dès lors que le demandeur à l’action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec cette violation. Par suite, viole ces textes la cour d’appel qui, pour rejeter une demande en démolition d’un parc éolien formée par des associations de protection de la nature, retient que l’annulation du permis de construire par le juge administratif était motivée par une insuffisance de l’étude d’impact relative à la présence d’un couple d’aigles royaux et non par la méconnaissance de règles de fond en matière d’utilisation des espaces (Civ. 3e, 11 janvier 2023, 21-19778 publié).

Exonération

Le choix par un maître d’ouvrage techniquement incompétent d’un devis de travaux d’installation d’un système de traitement d’air neuf et de climatisation dans une usine, à raison de son caractère moins-disant économiquement par rapport à d’autres devis qui lui étaient soumis ne constitue pas une faute de nature à exonérer l’entreprise retenue de sa faute, d’autant que l’entrepreneur n’a émis aucune réserve sur ce choix auprès de son client (Cass.3e civ., 1er mars 2023, 21-25487).

Sauf à démontrer qu’elles revêtent les caractéristiques de la force majeure, des conditions climatiques défavorables ne constituent pas une cause étrangère de nature à exonérer le construteur de sa responsabilité, au titre des désordres (intermédiaires) affectant ses travaux d’isolation extérieure sous enduit d’une maison d’habitation (Cass. 3e civ., 18 janv. 2023, n° 21-23426)

LA SOUS TRAITANCE

L’existence d’une clause de résiliation au contrat de sous traitance prévoyant des modalités de mise en œuvre, ne prive pas l’entreprise envers laquelle l’obligation n’a pas été exécutée de résilier le contrat, dès lors qu’il prouve la gravité du comportement dudit sous-traitant, en l’espèce des retards dans l’exécution des travaux de forage, dont l’appréciation est une question de fait qui relève du libre pouvoir d’appréciation des juges du fond (Cass. civ. 3, 8 juin 2023, n° 22-13469).

Le maître d’ouvrage qui a connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier, doit mettre en demeure l’entrepreneur de premier rang de s’acquitter des obligations qui lui incombent est tenu d’indemniser le sous-traitant de son entier préjudice consistant dans le non-règlement des travaux effectués, à concurrence des sommes dont il était redevable envers l’entrepreneur principal au moment où il a eu connaissance de l’intervention du sous-traitant (Cass. civ. 3, 16 mars 2023, n° 21-25724) ; le préjudice subi par le sous-traitant en lien de causalité avec la faute du maître de l’ouvrage étant constitué par la perte de l’action directe qu’elle aurait pu mettre en oeuvre plus rapidement si cette mise en demeure avait été faite en temps utile et que la perte de cette action ne portait pas sur une assiette plus large que celle dont le maître de l’ouvrage était redevable au moment de l’exercice de cette action (Civ. 3e, 16 mars 2023, 21-25726).

Le maître d’œuvre chargé de suivre le chantier qui a connaissance de la présence d’un sous-traitant, engage sa responsabilité lorsqu’il n’alerte pas le maître d’ouvrage de sa présence et ne lui demande pas à vérifier qu’il a bien été agréé (Cass. civ. 3, 11 mai 2023, n° 22-11509).

Le sous-traitant dont le contrat a été reconnu nul, doit être payé au coût réel des travaux réalisés, s’entendant comme les sommes réellement déboursées pour réaliser les travaux, à l’exclusion de ceux qu’il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l’auteur (Cass. civ. 3, 8 juin 2023, n° 22-13330, Publié)

Une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à un entrepreneur, non assortie d’une demande de reconnaissance d’un droit, fût- ce par provision, ne fait pas courir le délai de prescription de l’action en garantie de ce constructeur contre d’autres intervenants à l’acte de construire qui en vertu de l’article 2224 du Code civil, se prescrit par cinq ans à compter du jour où lesdits constructeurs ont connu ou auraient dû connaître le fait qui leur est reproché, ce qui n’est pas constitué par une simple action en référé expertise (Cass. civ. 3, 11 mai 2023, n° 21-24967).

L’intervention volontaire d’un sous-traitant à une instance de référé expertise introduite par le maître d’ouvrage à l’encontre de son locateur d’ouvrage n’est pas interruptive de prescription de son action contractuelle en paiement de factures de travaux, dès lors qu’elle ne poursuit pas le même but que l’action en référé destinée à la désignation d’un expert dans le cadre d’une opération de construction (Cass. civ. 3e, 11 mai 2023, n° 22-15705).

L’entrepreneur ne répond pas, à l’égard du maître de l’ouvrage, des dommages causés par les prestataires qu’il fait intervenir à l’occasion de l’exécution de son marché et avec qui il n’est pas dans une relation de sous-traitance, en l’espère un loueur d’une grue dont la manœuvre a endommagé un bâtiment situé à l’entrée du chantier, nécessitant selon expert la destruction et la reconstruction de ce bâtiment (Cass. 3e civ., 13 avr. 2023, n° 21-24985, Publié).

MARCHES DE TRAVAUX

Garantie de livraison

Sauf clause contraire contenue dans le contrat de garantie, le garant de livraison n’est pas tenu de prendre à sa charge, au titre de l’article L. 231-6, a), du code de la construction et de l’habitation, les dommages-intérêts dus par le constructeur en réparation de préjudices distincts du coût d’achèvement de l’ouvrage. Viole, dès lors, l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation, la cour d’appel qui, condamne le garant à prendre en charge des frais de déménagement et de location d’un logement de substitution, qui ne sont pas couverts par la garantie prévue par ce texte. Et ne donne pas de base légale à sa décision la même cour d’appel qui condamne le garant à payer une somme au titre du coût de travaux de finition réservés par les maîtres de l’ouvrage et de travaux connexes qui ont été réalisés en pure perte, sans préciser en quoi ces coûts correspondaient à un dépassement du prix convenu nécessaire à l’achèvement de la construction (Civ. 2e, 13 avril 2023, 21-21106, Publié).

Forfait

Justifie sa décision une cour d’appel qui retient que la notification par le maître de l’ouvrage des décomptes définitifs à l’entreprise incluant le coût de certains travaux supplémentaires est sans équivoque, faisant ainsi ressortir que celle-ci valait acceptation expresse et non équivoque desdits travaux, réalisés hors forfait (Cass. 3e civ., 11 mai 2023, n° 21-24884 et 21-25619, Pubilé).

Dès lors qu’il n’y a ni erreur de métré, ni exécution de mauvaise foi du marché à forfait, le caractère intagible et forfaitaire du marché interdit au maître de l’ouvrage de demander une réduction du prix en invoquant une moindre quantité de matériaux mis en oeuvre et que sa demande en remboursement devait être rejetée (Cass. civ. 3, 11 mai 2023, n° 22-11130).

Retenue de garantie

Il résulte de l’article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, qui ne distingue pas entre réception amiable, tacite ou judiciaire des travaux réalisés, que le délai à l’expiration duquel est libérée la caution qui se substitue à la retenue de garantie ne peut commencer à courir avant la date de la réception. Une cour d’appel, qui constate que l’opposition à mainlevée a été notifiée à la caution par le maître de l’ouvrage moins d’un an après la date à laquelle a été fixée la réception judiciaire de l’ouvrage, en déduit exactement que, les conditions d’application de l’engagement de caution au bénéfice du maître de l’ouvrage étant réunies à la date à laquelle elle statue, la demande en paiement est recevable (Civ. 3e, 11 janvier 2023, 22-13696 publié).

Vefa

La prescription de l’action en paiement du prix de vente court, à l’égard de chacune des fractions du prix, à compter de la date d’exigibilité prévue au contrat et non à compter du jour où le vendeur décidait d’exiger un paiement, savoir en l’espèce à la date de la mise à disposition du logement pour le total cumulé des appels de fonds non réglés (Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 21-23488).

Le garant d’achèvement d’une construction vendue en l’état futur d’achèvement prévu à l’article R. 261-21 du code de la construction et de l’habitation, qui achève ou fait achever en les payant, les travaux abandonnés par le constructeur défaillant, est seul fondé à exiger de l’acquéreur le solde du paiement du prix de vente. La créance du garant sur le prix de vente encore détenu par les acquéreurs étant la contrepartie de la mise en oeuvre de la garantie, elle est limitée à la part du prix correspondant aux ouvrages financés par le garant. Conformément à l’article 1315, devenu 1353 du code civil, il appartient, dès lors, au garant qui réclame à l’acquéreur le paiement du solde du prix de vente, de prouver que ce solde est la contrepartie de travaux qu’il a financés pour parvenir à l’achèvement de l’ouvrage (Civ. 3e, 11 mai 2023, 22-13696 publié)

ASSURANCES

 Exclusion

Lorsqu’une clause des conditions particulières d’une police d’assurance de responsabilité stipule que l’activité garantie comprend l’intégration de panneaux photovoltaïques, les branchements électriques et le raccordement au réseau public tout en limitant les installations concernées à des surfaces maximum de 60 m², ladite clause ne constitue pas une clause d’exclusion, mais une précision de la définition de l’objet du risque assuré ce qui fait échapper la stipulation aux conditions de validité, de fond et de forme, imposées par le Code des assurances aux exclusions de garantie (Cass. 3e civ., 1er mars 2023, n° 21-23375).

Dommages ouvrage

Lorsqu’un immeuble vendu est ensuite soumis au statut de la copropriété, le maître de l’ouvrage d’origine n’est pas bénéficiaire de la garantie dommages ouvrage, seul l’étant le syndicat des copropriétaires. Il ne peut donc pas être accueilli dans son ’appel en garantie dirigé contre l’assureur dommages-ouvrage (Cass. 3e civ., 11 janv. 2023, n° 21-20418)

Un désordre constaté postérieurement à une déclaration de sinistre doit être déclaré, même si une expertise judiciaire est en cours (Civ. 3e, 8 février 2023, 21-18494).

Lorsqu’un carrelage du rez-de-chaussée d’un bâtiment présente, après l’expiration du délai d’épreuven, des phatologie apparues identiques à celles du premier étage apparues antérieurement, les désordres affectant le carrelage du rez-de-chaussée sont réputés trouver leur siège dans un même ouvrage où un désordre identique a été constaté avant l’expiration du délai de garantie décennale, et la garantie de l’assureur de dommages-ouvrage au titre des désordres du carrelage du rez-de-chaussée est due (Civ. 3e, 25 mai 2023, 22-13410, Publié).

L’acquéreur qui s’est vu consentir une réduction du prix de vente au moins équivalente à l’indemnité versée aux vendeurs par l’assureur de dommages-ouvrage et qui a accepté expressément en contre partie d’exécuter lui-même les travaux, est réputé avoir lui-même reçu l’indemnité d’assurance de dommages-ouvrage, et s’oblige à la restituer lorsqu’il ne l’a pas affectée à la réparation de l’ouvrage (Civ. 3e, 13 avril 2023, 19-24060, Publié).

L’absence de souscription par un constructeur d’une police d’assurance couvrant sa responsabilité civile décennale obligatoire peut causer un préjudice direct légitime et certain au maître d’ouvrage qui se trouve ainsi privé, dès l’ouverture du chantier, de la sécurité qu’aurait du lui procurer ladite assurance (Cass. civ. 3, 11 mai 2023, n° 22-14749).

L’assureur de dommages-ouvrage qui reçoit de son assuré une déclaration de sinistre deux mois et demi avant l’expiration du délai décennal ne démontre pas avoir, du fait de l’assuré, été privé de son recours subrogatoire, l’impossibilité du recours subrogatoire étant due aux seuls délais d’instruction de la déclaration de sinistre prévus à l’article L. 242-1 du code des assurances (Civ. 3e, 25mai 2023, 22-13410, Publié)

La faute dolosive de l’assuré, dont l’assureur ne répond pas des pertes et dommages, s’entend d’un acte délibéré de l’assuré, commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, mais n’implique pas la volonté de son auteur de créer le dommage, à la différence de la faute intentionnelle (Civ. 3e, 30 mars 2023, n° 21-21084, Publié).

Garantie dans le temps

Ayant souverainement estimé que l’assureur établissait que l’assuré avait eu connaissance du fait dommageable dès son assignation, par la société en charge du site exploité par l’usine AZF, tendant à ce qu’il soit déclaré responsable, à l’égard de son cocontractant, des conséquences dommageables de la cessation d’activité de production de phosgène subie par ce dernier, soit antérieurement à la date de souscription du contrat garantissant sa responsabilité civile, la cour d’appel en a exactement déduit que l’assureur ne devait pas sa garantie, déclenchée par la réclamation, sur le fondement de l’article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances, peu important que la réclamation fût encore incertaine (Cass. 2e civ., 19 janv. 2023, n° 21-17221, Publié).

Prescription biennale

Pour déterminer si les déclarations de sinistres adressées part l’assuré à son courtier par voie recommandée avait interrompu la prescription biennale, il convenait de caractériser l’existence d’un mandat entre ledit courtier et l’assureur (Cass. 2e civ., 30 mars 2023, n° 21-17641).

S’il résulte de l’article R. 112-1 du code des assurances que l’assureur doit rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription biennale édicté par l’article L. 114-1, les différentes causes d’interruption de prescription mentionnées à l’article L. 114-2 et le point de départ de la prescription, il n’est pas tenu de préciser qu’en application de l’article 2243 du code civil, l’interruption de la prescription est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande, laisse périmer l’instance ou si sa demande est définitivement rejetée (Cass. 2e civ., 9 févr. 2023, no 21-19498, Publié).

Responsabilité gérant défaut souscription

L’entrepreneur qui n’a pas respecté son obligation de souscrire la police obligatoire est condamné à verser des dommages et intérêts au maître d’ouvrage (Cass.3e civ., 11 mai 2023, 22-14743).

Subrogation

L’assureur de responsabilité d’une entreprise de travaux de chauffage d’un entrepôt qui a indemnisé le maître d’ouvrage des préjudices consécutifs au dysfonctionnement du système de chauffage est subrogé dans les droits de ce tiers jusqu’à concurrence de cette indemnité, et peut exercer l’action directe à l’encontre de l’assureur du sous-traitant (Cass. civ. 3, 11 mai 2023, n° 22-13634).

La production de quittances subrogatives du syndic au titre des arriérés de charges dues par les copropriétaires, accompagnées des décomptes des sommes dues sur les périodes visées ainsi qu’un décompte actualisé attestant que les sommes débattues avaient bien été réglées par application du contrat d’assurance, satisfait à la démonstration de la preuve du paiement de l’indenmité par l’assureur justifiant l’exercice de son action subrogatoir (Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 22-13669).

Plafond

Lorsque le titulaire d’une mission d’assistance économique à la maîtrise d’ouvrage établit qu’il avait été investi de cinq missions commandées par des ordres de services différents et conclu des contrats distincts avec chacun des syndicats des copropriétaires d’un ensemble immobilier, le plafond limitant la garantie de son contrat d’assurance pour l’ensemble des conséquences dommageables d’un même fait générateur ou d’une même cause technique s’applique pour chacun des chantiers déclarés (3e civ., 18 janvier 2023, n° 21-20365).

EXPERTISE

Clause de conciliation

Le contrat qui impose aux parties de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant toute procédure judiciaire s’applique aux demandes tendant au paiement des charges supportées en raison du retard du chantier, du manquement au devoir de conseil et des frais de procédure et honoraires liés à l’achèvement du chantier avaient pour fondement le non-respect par les intimés de leurs obligations contractuelles, en sorte que faute de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes, ces demandes sont irrecevables (Cass. 2e civ., 2 mars 2023, n° 21-16650).

Opposabilité du rapport d’expertise

Lors que les pièces produites aux débats ne permettent pas de constater l’existence de désordres actuels ni de faire craindre des désordres futurs, l’utilité de la mesure d’expertise sollicité n’est pas démontrée ni le caractère plausible d’un éventuel procès, en sorte que le juge est fondé à débouter le demandeur qui ne justifiait pas d’un motif légitime à l’obtention de la mesure d’expertise sollicitée (Cass. civ. 3, 30 mars 2023, n° 21-25114)

Une demande d’expertise judiciaire peut être rejetée lorsqu’elle n’apporte rien d’un point de vue probatoire ; notamment eu regard à la teneur du rapport d’expertise amiable, dès lors que la mesure sollicitée ne permettrait pas d’améliorer sa situation au regard des exigences de preuve et que le litige pouvait être tranché en l’état par le juge du fond (Cass. civ. 3, 8 février 2023, n° 21-22403).

Si le juge ne peut exclusivement se fonder sur un rapport d’expertise amiable pour statuer, il se doit d’examiner le dit rapport, surtout s’il est corroboré par d’autres pièces convergentes (Cass. civ. 1, 14 juin 2023, n° 21-24996).

SourceMarchés privés : six mois de droit de la construction (lemoniteur.fr)