Le partenariat entre Le Moniteur et Karila se poursuit.
Dans la présente chronique parue le , Laurent Karila dresse un panorama des arrêts marquants des Cours d’appel du second semestre 2012.
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Le contenu de l’article est reproduit ci-dessous.
MARCHES PRIVES
Six mois de droit de la construction
Cours d’appel – second semestre 2012
RESPONSABILITE CIVILE DECENNALE
LES FONDAMENTAUX DES GARANTIES LEGALES
Au commencement, il y eu un ouvrage…
La première condition de la mise en œuvre de la responsabilité décennale est l’existence d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil en sorte que les défenseurs à cette responsabilité tentent souvent de contester la qualification d’ouvrage et donnent l’occasion aux juges du fond de donner -le plus souvent- une interprétation extensive de la notion d’ouvrage.
C’est ainsi qu’il a été jugé que constituaient un ouvrage, les travaux consistant en une réfection importante du chauffage avec pose d’une chaudière et de radiateurs et de l’appareillage sanitaire avec création d’arrivées d’eau, de vidanges et raccordements, le tout avec mise en place de conduites enterrées (Paris, 17 octobre 2012, Jurisdata n° 2012-023381) ; comme le revêtement plastifié d’une piscine (Nîmes, 13 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-034675) ou encore le système de chauffage et de rafraîchissement (système thermique), faisant indissociablement corps avec le bâtiment pour assurer son chauffage et son rafraîchissement (Bordeaux, 31 août 2012, Jurisdata n° 2012-02491).
Plus classiquement, il a été rappelé que les travaux de chemisage du conduit d’une cheminée préexistante consistant à décaper le conduit, à y appliquer un enduit réfractaire de la prise de fumée à l’orifice supérieur de la souche, à poser un raccord boisseaux et des accessoires de souche béton, constituaient également un ouvrage dès lors qu’ils restituaient pleinement l’étanchéité aux produits de combustion d’un élément constitutif essentiel de la cheminée, améliorait sa résistance thermique et consolidait sa structure (Rennes, 6 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-020922) ; ou encore que des travaux confortatifs de génie civil comportant l’incorporation de matériaux dans le sol par mise en place d’un réseau de drainage et de renforcements à différents endroits par des empierrements ou bétonnage (Paris, 5 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-019502).
Puis une réception sans réserve
… sans laquelle le constructeur n’est pas tenu de la garantie décennale (Toulouse, 2 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-016137).
Ensuite, vient le dommage d’une certaine gravité…
La gravité du dommage est une autre des conditions nécessaires à l’application de la garantie décennale et provoque régulièrement de débats judiciaires.
C’est ainsi que ces derniers mois, ont été retenus comme suffisamment graves, des désordres affectant un réseau d’évacuation des eaux en ce qu’ils rendaient l’immeuble impropre à sa destination puisqu’il n’était pas possible d’en utiliser normalement les installations sanitaires (Paris, 17 octobre 2012, Jurisdata n° 2012-023381) ; le défaut de conformité du mur enterré, l’absence de réseau d’écoulement des eaux pluviales et le raccord des deux toitures non conforme aux règles de l’art (Bordeaux, 6 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-023492) ; la démolition ou la reconstruction même partielle de l’immeuble que rend nécessaire l’empiètement de ses fondations (même de 14 centimètres) sur le fonds voisin (Amiens, 6 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-019914) ; le phénomène évolutif de fissurations qui affecte la maison du fait du caractère inadapté des fondations par rapport à la nature du terrain constitué de remblais de très mauvaise qualité (Rennes, 27 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-022443) ; le risque de chute d’éléments d’un revêtement de marbre (Aix-en-Provence, 18 octobre 2012, Jurisdata n° 2012-02370) ; des dommages affectant les bouches à clés (dispositif permettant de manœuvrer un robinet ou une vanne sur une canalisation d’adduction d’eau souterraine) (Aix-en-Provence, 18 octobre 2012, Jurisdata n° 2012-023473) ; une non-conformité aux normes parasismiques (Colmar, 18 octobre 2012, n° 604/2012 11/03816 ; Nancy, 29 octobre 2012, n° 12/02545, 10/02048) ; la non-conformité des dimensions de la rampe d’accès à un parking aux normes en vigueur rendant l’accès était difficile pour les véhicules grand tourisme de modèles courants (Paris, 7 novembre 2012, Jurisdata n° 2012-025915) ; comme le risque d’effondrement du mur de soutènement situé à proximité de la piscine (Besançon, 27 juin 2012, Jurisdata n° 2012-019556).
… ou encore le dommage futur et certain…
Comme la non-conformité (même sans dommage) des fondations aux préconisations de l’étude de sol, rendu notamment au regard d’un précédent classement de l’ouvrage en état de catastrophe naturelle ensuite de mouvements différentiels de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, et d’un arrêté préfectoral approuvant un plan de prévention des risques naturels prévisibles dans ladite commune (Toulouse, 2 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-016600).
…lequel n’était pas apparent à la réception…
Comme celui affectant un réseau d’assainissement enterré manifestement non décelable à la réception (Bordeaux, 6 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-017760), ou encore comme le défaut d’isolation phonique qui ne s’est révélé au propriétaire qu’à l’occasion de l’installation de son voisin dans l’appartement mitoyen, les conversations étant alors audibles distinctement d’un appartement à l’autre… (Toulouse, 23 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-017777) ou enfin comme le caractère défectueux du raccordement de la toiture (Bordeaux, 6 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-023492).
…ou qui, bien qu’apparent, ne l’était pas dans son ampleur et ses conséquences …
La réserve émise à la réception ne prive pas forcément le maître d’ouvrage de son droit à mettre en œuvre la garantie décennale dès lors que ladite réserve ne caractérisait/révélait pas le dommage survenu postérieurement, dans toute son ampleur et ses conséquences.
La Cour de Toulouse refuse de faire application de cette théorie lorsque le dommage n’est pas techniquement évolutif, comme un désordre acoustique qui a fait l’objet d’une réserve expresse à la réception, peu important alors que la cause de ce vice ne soit pas connue avec précision dès lors que son existence, son ampleur et ses conséquences dommageables étaient manifestes dès cette date (Toulouse, 23 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-017777). En revanche, si l’absence de tuyau d’évacuation des descentes d’eaux pluviales était apparente, ses conséquences à long terme ne l’étaient pas pour des acquéreurs qui ignoraient les malfaçons affectant la partie enterrée du mur de l’extension (Bordeaux, 6 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-023492).
Le principe de réparation intégrale
Souvent méconnu, le principe de réparation intégrale (applicable en marchés privés) permet au maître d’ouvrage d’obtenir le montant utile à la réparation du dommage affectant l’ouvrage sans déduction d’une quelconque vétusté ou d’une quelconque absence d’ouvrage. Le fait que la réparation des dommages occasionnés par la reprise des réseaux défaillants nécessite actuellement des travaux d’ensemble importants pour mettre les réseaux conformes à ces normes ne constitue pas un enrichissement sans cause (Paris, 17 octobre 2012, Jurisdata n° 2012-023381).
Après et pendant la GPA, il y a la « contractuelle »…
L’expiration de la garantie de parfait achèvement ne prive pas le maître d’ouvrage d’engager une action sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (Bordeaux, 6 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-017760 ; Metz, 25 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-022837 ; Paris, 14 novembre 2012, Jurisdata n° 2012-026053).
…Et Il y a aussi la GBF
La dite garantie ayant vocation à garantir certes les dysfonctionnements du système de chauffage et d’eau chaude sanitaire (Versailles, 18 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-020847) mais encore les désordres affectant notamment le parquet posé sur un support trop humide (Lyon, 24 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-023678).
Le Maître d’œuvre
Le maître d’œuvre est exposé à une large responsabilité, surtout si sa mission est complète. Par exemple lorsqu’il n’a pas établi les documents qui devaient permettre de vérifier et ajuster les décomptes présentés par les entreprises et n’a pas pris à leur égard les mesures coercitives utiles pour obtenir l’achèvement des travaux (Bordeaux, 5 juillet 2012, Jurisdata n° 2012-017759), ou encore lorsqu’intervenant sur les fondations, il n’aura pas vérifier les calculs et les plans de l’entreprise et l’adaptation de ses propositions aux difficultés existantes dont il avait connaissance à la lecture du rapport du bureau d’études (Aix-en-Provence, 5 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-020920) ou enfin lorsqu’il ne démontre pas avoir attiré l’attention personnelle du maître d’ouvrage profane en matière de bâtiment, sur la nécessité d’une insonorisation et les risques de nuisance acoustiques venant de la pompe à chaleur (Paris, 5 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-019499) ; faute qui en la circonstance n’a pas exonérée celle de l’entrepreneur dès lors qu’il lui incombait d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur la contradiction entre les dossier de consultation des entreprises et son devis et de l’alerter, au vu de l’appareil prévu par le maître d’œuvre et de l’emplacement choisi, sur les risques de nuisances sonores.
Le lotisseur
Le lotisseur qui n’informe pas son acquéreur de la présence d’un sol hétérogène constitué de terrains sédimentaires cause un préjudice à l’entrepreneur, qui n’y étant pas obligé, n’a pas réalisé d’étude de sol antérieurement à la conclusion d’un marché à forfait, et s’est trouvé dans l’obligation de supporter seul le supplément de coût consécutif à l’hétérogénéité du sol. L’entrepreneur est ainsi fondé à engager la responsabilité délictuelle du lotisseur constituée par la propre faute contractuelle de ce dernier vis-à-vis de son acquéreur et sollicité une indemnité égale au coût des travaux supplémentaires qu’il a dû assumer (Rennes, 27 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-022441).
L’arme fatale de l’assuré
Assurés, allez lire vos conditions générales ; elles pourraient valoir de l’or. L’absence de reproduction au contrat d’assurance du contenu des articles L.114-1 et L.114-2 du Code des assurances, respectivement relatif à la prescription biennale et à ses causes interruptives, rend en effet l’assureur irrecevable à opposer à son assuré l’expiration de ladite prescription (Aix-en-Provence, 13 septembre 2012, Jurisdata n° 2012-020914).