Les raisons du caractère résiduel de la garantie de l’article 1792-3 Jean-Pierre Karila, Docteur en droit, avocat à la cour de Paris
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RDI 2013 p. 236 L’essentiel Cinq raisons conduisent au caractère résiduel de l’application de la garantie biennale de bon fonctionnement au profit soit de la garantie décennale, soit de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Les deux premières résultent de la loi, les autres de la jurisprudence. S’agissant de la loi, l’éviction de l’article 1792-3 du Code civil est opérée au profit de la garantie décennale de l’article 1792 dudit Code ou au profit de la responsabilité de droit commun en application de l’article 1792-7 institué par l’ordonnance du 8 juin 2005. Les trois autres raisons tiennent au régime juridique de la réparation/indemnisation adopté par la jurisprudence depuis quelques années en ce qui concerne certains éléments d’équipement inertes ou encore des éléments d’équipement installés dans un ouvrage existant ou encore à l’occasion de la qualification de certains travaux de ravalement et/ou de peinture. Enfin, le droit positif en la matière résulte aussi, dans une certaine mesure de certains artifices, pour contourner l’obstacle de l’expiration de la garantie biennale et assurer ainsi l’indemnisation de la victime.
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L’arrêt Blambel du 4 janvier 1958 (1) préfigurait la garantie biennale des « menus ouvrages » instituée par la loi du 3 janvier 1967. À l’instar du législateur de 1804 qui n’avait pas défini la notion de « gros ouvrages », visée seulement dans l’article 2270 du code civil (l’article 1792 dudit code ne se référant qu’à la notion d’édifice qu’il ne définissait d’ailleurs pas), la loi précitée du 3 janvier 1967 ne comporte aucune définition de la notion de « menu ouvrage ». C’est le décret n° 67-1166 du 22 décembre 1967 qui définira la notion, mais seulement pour les bâtiments à usage d’habitation ou de caractéristiques similaires, et ce par opposition à celle de gros ouvrages dont la définition était alors donnée par la même occasion. Plus précisément l’article 11 du décret précité, devenu l’article R. 111-26 du code de la construction et de l’habitation (CCH), dresse une liste des gros ouvrages, tandis que l’article 12 dudit décret dresse celle des menus ouvrages définis comme « les éléments du bâtiment autres que les gros ouvrages façonnés, fabriqués ou installés par l’entrepreneur », les listes dont s’agit ayant été considérées par la doctrine comme ayant une vertu seulement « indicatrice », ou encore « énonciative ». On rappellera que le décret considéré comportait un article 13 qui énonçait que « ne sont pas considérés comme ouvrages les appareils mécaniques ou électriques que l’entrepreneur installe en l’état où ils lui sont livrés », tandis que, alors que le champ d’application du décret était relativement restreint, la jurisprudence en a appliqué les principes à l’occasion de litiges concernant la construction d’immeubles autres qu’à usage d’habitation ou de caractéristiques similaires. Le législateur de 1978 a adopté les recommandations de la commission Spinetta prônant la suppression de la distinction entre gros et menus ouvrages, l’appréciation des responsabilités et garanties devant être faite désormais au regard de deux fonctions fondamentales, savoir « la fonction construction » incluant l’infrastructure, la structure, le clos et le couvert d’une part et la « fonction équipement » incluant tous les aménagements intérieurs de l’espace défini par le clos et le couvert d’autre part ; cette dualité de fonctions renvoyant elle-même à une dualité de natures de responsabilité, en ce sens que tout ce qui relèverait de la fonction construction doit nécessairement ressortir au domaine de la garantie décennale, tandis que tout ce qui relèverait de la fonction équipement doit nécessairement ressortir de l’application du droit commun, sauf lorsqu’un élément de la fonction « équipement » se trouverait incorporé « de façon indissociable dans les ouvrages de la structure du clos et de couvert ». La délimitation dans le rapport Spinetta de l’espace à l’intérieur duquel sont aménagés/installés des éléments d’équipement, en l’occurrence l’espace défini par le clos et le couvert, ne constitue pas pour autant une définition de la notion elle-même d’élément d’équipement. Le législateur de 1978 n’a également pas défini la notion, alors même qu’il pourrait être estimé qu’une définition indirecte en est donnée à l’occasion du critère d’indissociabilité de l’élément d’équipement visé à l’article 1972-2 du code civil. Ce qui est clair en tout état de cause, c’est que la notion ne peut être restreinte ou assimilée à la notion de menu ouvrage d’une part et qu’il est exclu qu’elle puisse renvoyer à la notion de gros ouvrage d’autre part, et qu’enfin elle inclut nécessairement les appareils mécaniques ou électriques installés par l’entrepreneur, que l’article 13 du décret précité avait exclus de la notion d’ouvrage et qui sont ainsi réintégrés dans le domaine des garanties légales pour devenir, selon leur méthode de pose, soit des éléments d’équipement indissociables au sens de l’article 1792-2 du code civil, soit des éléments d’équipement dissociables au sens de l’article 1792-3 dudit code. Mais le législateur de 1978 va complexifier le régime des responsabilités et garanties des constructeurs en adoptant le principe d’une garantie biennale pour les éléments d’équipement dissociables, ce qui conduira les praticiens à raisonner pour les défauts/dysfonctionnements desdits éléments d’équipement dissociables par référence à ce qui avait été admis et jugé concernant la garantie biennale des menus ouvrages, alors même que la notion d’élément d’équipement dissociable est infiniment plus large que la notion de menu ouvrage et relevait dans l’esprit de la commission Spinetta de l’application en principe du droit commun, idée que l’on retrouve de façon ambiguë dans le texte de l’article 1792-3 du code civil qui se réfère à une durée « minimale de deux ans », ce qui d’une certaine façon renvoie à la volonté des parties, au droit des contrats et donc à la responsabilité de droit commun. Si l’arrêt Blambel précité, du 4 janvier 1958, préfigurait la garantie biennale des menus ouvrages, l’arrêt Delcourt du 10 juillet 1978 (2) énonçant le principe de la mobilisation de la responsabilité contractuelle de droit commun pour des malfaçons des gros ouvrages ne portant pas atteinte à la solidité de l’immeuble et ne le rendant pas impropre à sa destination, suivi de son « frère jumeau », le fameux arrêt Maisons Enec du 22 mars 1995(3), transposant le principe énoncé par l’arrêt Delcourt sous l’empire de la loi du 4 janvier 1978, ont comblé des « vides juridiques » ou encore devrait-on dire « des vides législatifs ». Les arrêts Grobost et Maisons Bottemer du 16 octobre 2002 (4), complétés par un arrêt du 16 mars 2005(5) préfiguraient, quant à eux, l’avènement de l’article 1792-4-3 du code civil (créé par la loi du 17 juin 2008 sur la réforme de la prescription civile) et n’ont fait que légaliser une jurisprudence prétorienne qui avait retenu, en marge des garanties légales et hors application de celles-ci, la possibilité pendant une durée de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage de la mise en oeuvre des responsabilités de droit commun des constructeurs et de leurs sous-traitants. Dans ce contexte, toute réflexion sur le régime, l’avenir ou le déclin des éléments d’équipement dissociables au sens de l’article 1792-3 du code civil renvoie nécessairement à celle, plus vaste, de l’articulation des différentes garanties et responsabilités (6) pesant sur les constructeurs d’ouvrages immobiliers au sens de l’article 1792 du code civil d’une part et sur d’autres personnes qui, bien que non-constructeurs au sens de l’article 1792-1 dudit code, sont tenues, sous certaines conditions, aux mêmes garanties et responsabilités d’autre part. L’articulation ci-avant évoquée conduit soit à l’absorption de la responsabilité contractuelle de droit commun par les garanties légales, soit à la coexistence de ladite responsabilité contractuelle de droit commun et des responsabilités et garanties spécifiques instituées et organisées par les différents régimes légaux (code civil d’origine de 1804, loi du 3 janvier 1967, loi du 4 janvier 1978, ordonnance du 8 juin 2005). Or c’est précisément à l’occasion de désordres/défauts affectant des menus ouvrages, puis des éléments d’équipement dissociables, que sont entrés en conflit divers régimes de responsabilité ou de garantie susceptibles d’application, l’enjeu n’étant déterminant et ne s’étant d’ailleurs posé, dans la plupart des cas, qu’après l’expiration de la garantie légale d’une durée de 2 ans, donc d’une durée plus brève que celle de la responsabilité de droit commun. C’est à propos de la réparation/indemnisation du caractère dangereux d’une installation électrique relevant de la garantie biennale des menus ouvrages puis de désordres affectant des garde-corps démontables relevant de ladite garantie biennale des menus ouvrages que la question de la délimitation des domaines respectifs de la garantie biennale des menus ouvrages et de la responsabilité contractuelle de droit commun s’est d’abord posée. Par arrêt du 12 octobre 1994(7) la Cour de cassation a ainsi rejeté un pourvoi à l’encontre d’une décision de la cour de Paris du 7 avril 1992 qui avait déclaré forclose l’action exercée par un syndicat des copropriétaires, plus de deux ans après la réception de l’ouvrage, à l’encontre d’un architecte auquel il était reproché d’avoir manqué à son obligation de conseil lors de la réception pour n’avoir pas signalé le caractère dangereux de l’installation électrique des salles de bains ; pour ce faire la Haute juridiction énonce que « si lourde que soit la faute, la responsabilité contractuelle de droit commun des architectes, entrepreneurs et autres locateurs d’ouvrages ne peut être invoquée, sauf dol ou faute extérieure au contrat au-delà des délais prévus à l’article 2270 du code civil » et que justifiait « dès lors légalement sa décision, déclarant forclose l’action exercée par un syndicat des copropriétaires, la cour d’appel qui, ayant constaté que la demande a été formulée plus de 2 ans après la réception et que le désordre affectait des menus ouvrages, retient que la responsabilité contractuelle de l’architecte qui avait manqué à son obligation de conseil lors de la réception, ne pouvait plus être invoquée ». Moins d’un mois après, la Cour de cassation rendait le 9 novembre 1994(8), un arrêt plus net quant à l’impossibilité de tout cumul ou droit d’option quelconque entre garantie biennale des menus ouvrages et la responsabilité contractuelle de droit commun à propos de désordres affectant un menu ouvrage. La Cour de cassation censure ici un arrêt de la cour de Grenoble qui avait retenu la responsabilité contractuelle de droit commun d’un constructeur pour des désordres affectant des garde-corps, au motif que les désordres dont s’agit n’affectaient pas la solidité de l’ouvrage et ne compromettaient pas sa destination et que par voie de conséquence il s’agissait d’un dommage dit intermédiaire relevant d’une responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée. La cassation est prononcée pour violation des articles 1792 et 2270 du code civil dans leur rédaction résultant de la loi du 3 janvier 1967, au motif que les désordres dont la réparation avait été demandée ne pouvaient relever que de la garantie biennale. La question s’est ensuite posée, à propos de la cassation le 11 mars 1992 (9) d’un arrêt de la cour de Lyon qui avait accueilli la demande d’un syndicat des copropriétaires, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, à l’occasion d’une réclamation relative à la consommation excessive de combustible due au mauvais fonctionnement d’une chaudière de chauffage central. La Haute juridiction casse pour défaut de base légale au regard des articles 1147, 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil l’arrêt de la cour de Lyon à laquelle elle a reproché d’avoir ainsi statué : « Alors que les désordres qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ». Ce faisant, la Cour de cassation appliquait ici pour la première fois, en marge de la loi du 4 janvier 1978, le principe qu’elle avait énoncé le 13 avril 1988 (10) rendu sous l’empire du code civil d’origine de 1804, et réitéré sous l’empire de la loi du 3 janvier 1967, le 25 janvier 1989 (11), puis le 4 octobre 1989 (12), selon lequel, « même s’ils ont comme origine des non-conformités aux stipulations contractuelles, les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ». Aucun cumul ou droit d’option quelconque ne peut donc exister entre la garantie légale de bon fonctionnement et la responsabilité contractuelle de droit commun, comme l’avait déjà énoncé la Cour de cassation à propos de la garantie biennale des menus ouvrages dans les deux arrêts précités du 12 octobre (note 7, préc.) et 9 novembre 1994 (note 8, préc.), et plus particulièrement dans le second, et comme elle l’a à nouveau affirmé, en ce qui concerne la garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d’équipement dissociables, dans des arrêts postérieurs à celui du 11 mars 1992 (13). La question s’est enfin posée à l’occasion du fameux arrêt Maisons Enec (note 3, préc.) du 22 mars 1995 validant un arrêt de la cour de Rouen qui avait « relevé que les désordres des plafonds et cloisons, non apparents à la réception, n’affectaient pas des éléments d’équipements soumis à la garantie biennale de bon fonctionnement et, ne compromettant ni la solidité, ni la destination de la maison n’étaient pas soumis non plus à la garantie décennale » et avait ainsi « légitimement justifié sa décision de ce chef en retenant exactement que la garantie de parfait achèvement due par l’entrepreneur concerné n’excluait pas l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée ». Ainsi, et alors que dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt précité du 11 mars 1992 la solution retenue l’avait été par référence au principe de l’absorption de la responsabilité contractuelle de droit commun par la garantie légale concernée, en l’occurrence la garantie biennale de bon fonctionnement, dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt Maisons Enec, la Haute juridiction valide au contraire indirectement mais sûrement l’éviction de la garantie biennale de bon fonctionnement en admettant l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun au motif que lesdits éléments d’équipement considérés dont des cloisons, ce qui est surprenant s’agissant bien d’aménagements intérieurs de l’espace défini par le clos et le couvert, ne constituaient pas des éléments d’équipement dissociables ni indissociables de l’ouvrage. On perçoit ici encore que dans de très nombreux cas de défauts/dysfonctionnements d’éléments d’équipement dissociables il existe un conflit latent quant au régime de garantie et de responsabilité applicable, conflit qui se résout le plus souvent par l’éviction de la garantie biennale de bon fonctionnement au profit soit de la garantie décennale soit de la responsabilité contractuelle de droit commun, dans certaines conditions bien évidemment. On citera à cette occasion notamment un arrêt du 26 septembre 2007 (14) rendu à propos de « simples fissures, restées superficielles, qui n’affectent pas la solidité intrinsèque de ces cloisons et sont des désordres relevant de la garantie biennale », comme l’avait jugé la cour de Fort-de-France dont l’arrêt est cassé, pour défaut de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, pour avoir statué ainsi, « sans constater que ces désordres affectaient des éléments d’équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la responsabilité de l’entrepreneur n’était pas engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée ». De facto, au fil des ans, cinq raisons ont conduit à l’éviction de la garantie biennale de bon fonctionnement au profit soit de la garantie décennale soit de la responsabilité contractuelle de droit commun, de sorte que l’on peut dire que le domaine d’application de ladite garantie biennale de bon fonctionnement est désormais résiduel. Les deux premières découlent de l’application de la loi elle-même, s’agissant de l’article 1792 du code civil qui conduit à l’éviction de la garantie biennale de bon fonctionnement au profit de la garantie décennale lorsque les désordres/défauts/dysfonctionnements d’un élément d’équipement dissociable ont pour conséquence d’entraîner l’impropriété à destination de l’ouvrage dans son ensemble d’une part et de l’article 1792-7 dudit code institué par l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 d’autre part, lequel conduit à l’éviction du domaine des garanties légales, de certains éléments d’équipement, qu’ils soient dissociables ou indissociables, en disposant que : « Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792 -2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage ». Ainsi, dans un cas l’élément d’équipement dissociable échappe à sa garantie naturelle de bon fonctionnement pour « basculer » dans le domaine de la garantie décennale en raison des conséquences de ses défauts, tandis que dans l’autre l’éviction de la garantie biennale de bon fonctionnement au profit d’un régime de responsabilité de droit commun résulte de la volonté du législateur de voir juger des défauts/dysfonctionnements d’éléments d’équipement qu’ils soient dissociables ou indissociables, en dehors de l’ensemble légal et jurisprudentiel particulièrement contraignant des responsabilités et garanties de plein droit d’une part et des assurances obligatoires d’autre part, lesdits défauts/dysfonctionnements devant être jugés dans le cadre naturel des responsabilités des fabricants desdits éléments d’équipement et des locateurs d’ouvrage qui les mettent en oeuvre sur un chantier. Les trois autres raisons de l’éviction du champ d’application de la garantie biennale de bon fonctionnement pour les défauts/dysfonctionnements des éléments d’équipement pourtant dissociables de l’ouvrage découlent du régime juridique de réparation/indemnisation adopté par la jurisprudence depuis quelques années déjà en ce qui concerne certains éléments d’équipements inertes ou encore des éléments d’équipement installés dans un ouvrage existant ou enfin à propos de la qualification de certains travaux de ravalement et/ou de peinture. Première raison : absorption de la garantie biennale de bon fonctionnement par la garantie décennale : stricte application de l’article 1792 du code civil L’article 1792 du code civil ne distingue par au regard de l’impropriété à destination résultant d’une atteinte à l’un des éléments d’équipement de l’ouvrage si l’élément d’équipement considéré est dissociable ou indissociable.On sait que nonobstant « l’impérialisme de la garantie décennale »(15), l’appréciation de la notion d’impropriété à destination, notion nécessairement subjective, doit être faite néanmoins par référence à l’ouvrage dans son ensemble. Dans le cadre de ce principe, la Haute juridiction ne manque pas de rappeler aux juges du fond qui retiennent l’application de la garantie décennale, à raison de désordres affectant un élément d’équipement dissociable, qu’ils doivent constater que ces désordres rendent l’ouvrage « principal » dans son ensemble impropre à sa destination (16), l’impropriété à destination de l’élément d’équipement considéré étant indifférente, les juges du fond ne pouvant en conséquence pas fonder leur décision d’appliquer la garantie décennale par suite de la simple constatation de l’impropriété à destination d’un élément d’équipement dissociable (17), l’exigence de cette appréciation par référence à l’ouvrage dans son ensemble ayant été affirmée pour la première fois par la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 7 décembre 1988(18) qui valide un arrêt de la cour de Nancy, qui avait justement jugé que si l’élément d’équipement considéré – s’agissant d’un faux plafond suspendu – « ne répondait pas à sa fonction, l’ouvrage dans son ensemble n’en était pas pour autant rendu impropre à sa destination ». Mais le conflit est permanent comme l’illustrent les demandes des plaideurs qui demandent aux juges du fond de constater ou de rechercher si les désordres affectant un élément d’équipement considéré n’étaient pas de nature à rendre l’ouvrage ou encore l’immeuble dans son ensemble impropre à sa destination. La Haute juridiction casse systématiquement les décisions qui ne procèdent pas alors à cette recherche (19), la cassation étant prononcée au visa de l’article 1792 du code civil pour défaut de base légale, certes dans le cadre d’un simple contrôle de motivation ; mais il est arrivé à la Haute juridiction de casser une décision d’une cour d’appel pour n’avoir pas recherché, alors qu’aucune des parties au procès n’avait demandé au juge d’effectuer cette recherche, si des désordres affectant un élément d’équipement dissociable rendaient ou non l’immeuble impropre à sa destination, la cassation étant prononcée ici encore pour défaut de base légale au regard de l’article 1792 du code civil (20). Deuxième raison : éviction des éléments d’équipement à usage professionnel en application de l’article 1792-7 du code civil, au profit de la responsabilité de droit commun Le dysfonctionnement d’un élément d’équipement dissociable, s’agissant en l’occurrence d’un système de ventilation et de désilage d’un silo à grains, avait conduit la Cour de cassation par arrêt du 26 mars 2006 (21), dit UAP c/ Letierce, à retenir la garantie de l’assureur dommages-ouvrage au prétexte que lesdits dysfonctionnements rendaient l’ouvrage, c’est-à-dire le silo à grains, impropre à sa destination.Cet arrêt objet de vives critiques de la doctrine, venant après d’autres qui avaient déjà mis en évidence la volonté non dissimulée de la première chambre civile de faire coïncider le domaine de l’assurance obligatoire – pourtant cantonné par le législateur aux travaux de bâtiments – avec celui de la responsabilité décennale applicable à la construction de tout ouvrage, avait provoqué un vif émoi chez les assureurs, car, comme l’indique le professeur Malinvaud dans ses observations critiques de l’arrêt précité, « dès l’instant qu’on ne limite pas les articles 1792 et suivants aux éléments d’équipement à vocation de construction, on ouvre la boîte de Pandore ». Il s’en est suivi un débat doctrinal et jurisprudentiel qu’il n’est pas opportun dans cet article de retracer dans le détail(22), sauf à préciser que c’est dans ce contexte que les pouvoirs publics, en suite de l’échec des concertations organisées sous l’égide du ministère de l’Équipement et du Logement de novembre 1996, ont désigné en mai 1997 un comité de trois juristes, comprenant le professeur Périnet-Marquet qui le présidait, comité dont les travaux ont fait l’objet d’un rapport (23) proposant notamment, outre le remplacement dans le code civil et dans le code des assurances des termes « bâtiment » ou encore « travaux de bâtiment » par les termes « ouvrage » ou « travaux de construction », la création d’un article 1792-7 dont le législateur a repris, dans le cadre de l’ordonnance du 8 juin 2005, l’esprit du texte proposé. C’est donc au travers du prisme de la délimitation du domaine de l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale que le conflit existant entre plusieurs régimes juridiques susceptibles de s’appliquer aux dysfonctionnements de certains éléments d’équipement a été en définitive résolu par la création de l’article 1792-7 du code civil excluant du champ des garanties légales, dont la garantie biennale de bon fonctionnement, le traitement de la réparation/indemnisation des éléments d’équipement qu’ils soient dissociables ou indissociables dès lors qu’ils ont une vocation exclusivement professionnelle. La doctrine a débattu quant à la signification des termes « éléments d’équipement… à vocation exclusivement professionnelle » (24). La jurisprudence sur la question est rare ; on signalera toutefois un arrêt de la cour de Bordeaux du 6 octobre 2010 (25) qui a estimé à juste titre que le revêtement intérieur en résine époxy d’une cuve à vin ayant pour fonction exclusive l’exercice d’une activité professionnelle ne peut relever de l’application des articles 1792 et suivants du code civil, un arrêt de référé de la cour d’Angers du 31 mai 2011 (26) qui refuse à un plaideur le bénéfice de l’article 1792-3 du code civil à propos du dysfonctionnement d’éléments d’équipement de chambres froides et groupes frigorifiques, dès lors que lesdits éléments d’équipement étaient destinés de manière exclusive à l’exercice d’une activité professionnelle, un arrêt de référé de la cour de Montpellier du 9 février 2012 (27) qui retient l’existence d’une contestation sérieuse sur la qualification des conduites d’eau permettant le fonctionnement d’une centrale hydroélectrique, et ce en raison de ce qu’en application de l’article 1792-7 du code civil les éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre une activité professionnelle dans l’ouvrage ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs. Étant observé que dans le cadre du régime antérieur à l’ordonnance du 8 juin 2005 la cour de Rennes(28), dans l’esprit des décisions antérieures rendues dès 1998, a jugé qu’un système permettant l’aspiration des déchets de bois produits par des machines de production installées dans une usine ne constituait pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil et que par voie de conséquence la responsabilité de celui qui avait conçu le système d’aspiration dont s’agit et de ses accessoires ne pouvait être appréciée qu’au regard du régime de droit commun posé par l’article 1147 du code civil. Troisième raison : éviction des éléments d’équipement indissociables installés dans un ouvrage déjà existant/application obligée de la responsabilité contractuelle de droit commun La jurisprudence est désormais bien fixée depuis un arrêt de principe du 10 décembre 2003(29) validant un arrêt de la cour de Rouen qui était entré en condamnation à l’encontre de l’installateur d’un système de climatisation et de l’assureur de responsabilité civile dudit installateur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun après avoir relevé que la garantie biennale de bon fonctionnement ne concernait pas les éléments d’équipement dissociables seulement adjoints à un ouvrage existant et déduit « exactement », comme l’indique la Cour de cassation, que l’installation de la climatisation ne faisait pas l’objet de cette garantie, le titrage de l’arrêt figurant dans le bulletin étant ainsi rédigé :« La garantie biennale de bon fonctionnement prévue à l’article 1792-3 du code civil doit être retenue lorsque l’élément d’équipement dissociable a été installé lors de la construction d’un ouvrage, tandis que seule la responsabilité contractuelle de droit commun s’applique lorsqu’un tel équipement dissociable a été adjoint à un ouvrage déjà existant ». La solution a été réitérée depuis par un arrêt du 18 janvier 2006 (30) à l’occasion de la mise en oeuvre d’un revêtement d’isolation, puis le 19 décembre 2006 (31) à propos d’une d’installation de chauffage et de climatisation, reproche ayant été fait à la cour d’appel de n’avoir pas recherché comme il était demandé si ces éléments d’équipement dissociables étaient adjoints dans l’ouvrage existant, la cassation étant prononcée aux visas des articles 1147 et 1791-3 du code civil, et enfin le 21 juin 2011, concernant la mise en oeuvre d’ascenseurs dans un ouvrage déjà existant (32). Les juges du fond appliquent sans réserve la jurisprudence de la Haute juridiction. On relèvera à cette occasion un arrêt de la cour d’Angers du 14 décembre 2010 (33) reprenant à la lettre la formulation de l’arrêt du 10 décembre 2003, un arrêt du 14 juin 2011 de la cour de Toulouse (34) à propos du dysfonctionnement d’un portail d’un immeuble déjà existant, un arrêt de la cour de Versailles du 18 juin 2012 (35) à propos de la mise en oeuvre du revêtement de pierres sans fonction d’étanchéité constituant les plages d’une piscine déjà existante. Le professeur Malinvaud qui avait été le premier et le seul, dans son commentaire de l’arrêt précité du 11 mars 1992 concernant le dysfonctionnement d’une chaudière de chauffage central produisant une consommation excessive de combustible, à relever que le texte même de l’article 1792-3 invitait à penser qu’il n’était susceptible d’application qu’aux seuls éléments d’équipement d’origine, regrettant en conséquence la cassation prononcée par référence à la garantie biennale de bon fonctionnement, a néanmoins, dans son commentaire de l’arrêt précité du 18 janvier 2006, estimé que la jurisprudence rendue en la matière laissait « quelque peu insatisfait » compte tenu des prescriptions différentes selon que l’élément d’équipement dissociable considéré était installé dès l’origine (deux ans après la réception) ou sur un ouvrage déjà existant (trente ans ou dix ans après la réception). Quatrième raison : éviction de certains éléments d’équipement inertes/application de la responsabilité contractuelle de droit commun La notion de bon fonctionnement renvoie-t-elle à l’idée de mouvement de machine ou seulement à l’idée de fonction comme cela semble avoir été l’esprit du rapport de la commission Spinetta ?D’un point de vue strictement grammatical, il est difficilement compréhensible que l’on puisse, par exemple, parler du bon fonctionnement d’une moquette ou encore d’un carrelage, ou d’un revêtement de sol quelconque ou encore d’une peinture, mais, si les juges du fond ont parfois admis que les désordres les affectant relevaient de la garantie biennale de bon fonctionnement, c’est parce qu’ils ont raisonné (comme les avocats des parties) par réflexe en quelque sorte, par référence à ce qui avait été jugé sous l’empire de la loi du 3 janvier 1967 quant à la qualification de menu ouvrage ; les juges statuant dans le cadre du régime de la loi du 4 janvier 1978 ont en effet tendance à qualifier, dans de très nombreux cas, d’éléments d’équipement dissociables ceux qui avaient été auparavant qualifiés de menus ouvrages. Néanmoins la jurisprudence des juges du fond n’est pas véritablement fixée et est assez fluctuante, même si la tendance la plus récente consisterait à estimer que certains éléments d’équipement inertes ne seraient pas à proprement parler des éléments d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil et relèveraient en conséquence d’un régime de droit commun de la responsabilité (36). La Haute juridiction a, quant à elle, affirmé le 30 novembre 2011 (37) dans un arrêt remarqué que des moquettes et tissus tendus ne sont pas des éléments d’équipement au sens de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil et que par voie de conséquence la demande de réparation des désordres les affectant ne peut être fondée, avant comme après réception, que sur la responsabilité contractuelle de droit commun, cassant à cette occasion un arrêt de la cour d’Aix-en-Provence qui avait déclaré la victime des dommages irrecevable en son action en réparation relativement à des désordres affectant des tissus tendus et des moquettes, par suite de la prescription du délai biennal de l’article 1792-3 du code civil, les tissus et moquettes ayant été considérés comme des éléments d’équipement dissociables au sens du texte précité. Dans un arrêt du 13 février 2013, dont nous indiquerons plus loin la teneur, elle affirme que les carrelages ne sont pas des éléments d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil. Cinquième raison : éviction de certains travaux de ravalement ou de peinture extérieurs sans fonction d’étanchéité/application de la responsabilité contractuelle de droit commun Il est désormais acquis que les désordres affectant les travaux de ravalement ou de peinture des façades extérieures ne peuvent relever de la garantie décennale que s’ils assurent une fonction d’étanchéité, et ce abstraction faite des conséquences des désordres quant à la destination de l’ouvrage (38).Plus précisément la jurisprudence applique alternativement au titre de la réparation/indemnisation des désordres ci-dessus évoqués soit la responsabilité contractuelle de droit commun soit la garantie décennale, selon que les travaux constituent ou non la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil d’une part et que lesdits travaux assurent ou non une fonction d’étanchéité d’autre part. En d’autres termes : droit commun quelle que soit la gravité de ces désordres si les travaux considérés ne constituent pas la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil ; garantie décennale si les travaux considérés constituent la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil d’une part et que les désordres les affectant concernent l’étanchéité qu’ils devaient assurer d’autre part(39). Sans revenir ici sur la genèse/évolution de la jurisprudence sur la question, on dira que les arrêts topiques de ces dernières années sont à l’évidence un arrêt du 7 avril 2000 (40), qui valide un arrêt de la cour de Paris qui avait retenu « à bon droit » que les peintures qui n’avaient qu’un rôle esthétique ne constituaient pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil ou un élément d’équipement, un élément constitutif d’ouvrage, et qu’il en résultait qu’elles ne relevaient pas des dispositions de l’article 1792-3 du code civil et en avait « exactement déduit que, s’agissant de désordres affectant ces peintures, seule était applicable la responsabilité contractuelle de droit commun, quelles que soient les conséquences quant à la destination des lieux », et un arrêt du 16 mai 2001(41) qui casse un arrêt de la cour de Paris qui avait rejeté la demande d’un syndicat des copropriétaires pour des désordres affectant les peintures des façades, n’ayant aucune fonction d’étanchéité, au motif que l’on était en présence « d’un désordre de bon fonctionnement affectant un élément d’équipement indissociable », la cassation étant prononcée pour violation de l’article 1147 du code civil au motif « qu’en statuant ainsi, alors que les peintures qui n’avaient qu’un rôle esthétique, ne constituant pas un ouvrage, ni un élément constitutif d’ouvrage, ni un élément d’équipement, seule était applicable la responsabilité contractuelle de droit commun ». La solution est depuis constante (42) et reprise par les juges du fond. Dans tous les cas, la peinture à fonction décorative et sans fonction d’étanchéité n’est jamais considérée comme un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil. Une solution identique est adoptée pour les enduits de façade, alors qu’ils ne constituent pas un élément d’équipement dissociable au sens de l’article 1792-3 du code civil et que les désordres les affectant, ne compromettant ni la solidité ni la destination de l’ouvrage, relèvent nécessairement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée (43). Droit positif et artifices Le droit positif ci-avant exposé n’est pas toujours le résultat d’un raisonnement strictement pertinent en droit.Force est de constater en effet que certaines solutions n’ont été posées ou réitérées qu’à l’effet de permettre l’indemnisation d’une victime, nonobstant la prescription de l’action de celle-ci. L’illustration de ce propos peut être vérifiée à la lecture de certaines décisions évinçant l’application de l’article 1792-3 au profit de la responsabilité contractuelle de droit commun, dans des espèces où la garantie biennale de bon fonctionnement était justement expirée. Dans le prolongement de ce propos et/ou encore pour le relativiser dans une certaine mesure, on citera trois arrêts de la Cour de cassation, le premier rendu dans le cadre d’un contrôle de motivation cassant un arrêt d’une cour d’appel qui avait retenu la garantie décennale par application de l’article 1792-2 du code civil, alors qu’en réalité les éléments d’équipement considérés relevaient manifestement des dispositions de l’article 1792-3 dudit code, les deux autres conduisant également, pour d’autres motifs, pour ne pas dire mobiles, au déclin de ce dernier texte. C’est ainsi que, le 22 octobre 2008(44), la troisième chambre civile a cassé pour défaut de base légale, au regard de l’article 1792-2 et 1792 du même code, un arrêt d’une cour d’appel qui, manifestement pour contourner l’obstacle de la prescription biennale de l’article 1792-3 du code civil, avait jugé que des dalles/plaques placées sur des rails fixés aux façades d’un immeuble constituaient des éléments d’équipement indissociables au sens de l’article 1792-2 du code civil et que par voie de conséquence la garantie décennale était mobilisable à raison de l’atteinte à la solidité des dalles/plaques considérées qui avaient été l’objet de fissures/cassures d’une part et d’un risque de sécurité, certains morceaux de plaques ou dalles étant tombés sur le sol. La cour d’appel ne s’était pas pourtant expliquée sur le caractère indissociable desdits éléments d’équipement, tandis que le risque de chute n’était pas avéré mais seulement hypothétique. La cassation est prononcée, reproche étant fait à la cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la dépose, le démontage ou le remplacement de la dalle ne pouvait s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière des ouvrages de viabilité, de fondation, de ceinture, de clos et de couvert et si les dommages qu’elle [la Cour] relevait compromettaient la solidité de l’ouvrage ou le rendaient impropre à la situation ». Comme dit excellemment le professeur Malinvaud dans son commentaire, il ne suffit pas d’affirmer, encore faut-il motiver… C’est ainsi encore que, dans un arrêt du 13 février 2013, la Haute juridiction a cassé une décision d’une cour d’appel qui avait déclaré l’action d’un maître d’ouvrage à l’encontre d’un assureur dommages-ouvrage, de certains constructeurs et de leurs assureurs de responsabilité, prescrite sur le fondement de l’article 1792-3 du code civil d’une part, et irrecevable sur le fondement de l’article 1147 dudit code d’autre part. Il s’était agi d’une demande de réparation/indemnisation concernant des fissurations et décollements de carrelages (ou encore dallages) d’une galerie marchande d’un centre commercial. La solution de la cour d’appel, à lire les moyens annexés au pourvoi, semblait justifiée en droit, le revêtement de sol considéré constituant, a priori, un élément d’équipement dissociable relevant des dispositions de l’article 1792-3 du code civil, s’agissant de dallages simplement collés, tandis qu’il ne pouvait être invoqué, même à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de droit commun, régie notamment par l’article 1147 du code civil, aucun cumul ou droit d’option quelconque n’étant en la matière admis, comme ci-avant rappelé(13). La cassation est néanmoins prononcée pour violation des articles 1147 et 1792-3 du code civil, au motif que les « dallages », c’est-à-dire les carrelages, de la galerie marchande ne constituaient pas un élément d’équipement soumis à la garantie biennale de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil et que les désordres les affectant, « lorsqu’ils ne rendent pas l’ouvrage impropre à sa destination, ou n’affectent pas sa solidité, ne peuvent être fondés, avant comme après la réception, que sur la responsabilité contractuelle de droit commun », formule identique en ce qui concerne le caractère indifférent de la période de survenance du dommage (« avant, comme après la réception ») à celle de l’arrêt précité du 30 novembre 2011(37) relatif aux tissus tendus et moquettes. On rappellera incidemment à ce propos que le délai de la prescription de l’action sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun est différent selon que le dommage survient avant ou après la réception, puisque dans le premier cas le délai de prescription est de cinq ans à compter de la survenance du dommage en application de l’article 2224 du code civil institué par la loi du 17 juin 2008, tandis que dans le second cas le délai de prescription est de dix ans à compter de la réception, quelle que soit la date de survenance du dommage par application de l’article 1792-4-3 dudit code institué également par la loi précitée du 17 juin 2008. Le troisième arrêt ci-dessus évoqué est un arrêt du 7 novembre 2012 (45), cassant une décision d’une cour d’appel qui avait écarté la demande qui lui avait été présentée, sur le fondement de la garantie décennale, à propos de défauts/dysfonctionnements de certains matériels dont des compresseurs et vitrines frigorifiques, après avoir relevé que lesdits matériels ne constituaient pas des éléments d’équipement indissociables au sens de l’article 1792-2 du code civil, mais qu’il résultait clairement du rapport d’expertise que les éléments d’équipement considérés étaient dissociables de l’ouvrage. La cassation est néanmoins prononcée, pour défaut de base légale au regard de l’article 1792 du code civil, reproche ayant été fait à la cour d’appel d’avoir statué ainsi « sans rechercher, comme il lui était demandé, si l’installation ne constituait pas en elle-même un ouvrage »… Ainsi dans le premier arrêt ci-dessus évoqué (22 oct. 2008), la Haute juridiction a censuré l’éviction évidente de l’article 1792-3 du code civil au profit de l’article 1792-2 du même code, alors même que les discussions ne s’étaient pas placées sur ce terrain mais sur les conditions de la mobilisation de la garantie décennale, tandis que dans le second arrêt (13 févr. 2013) l’éviction de l’article 1792-3 dudit code est opérée par l’affirmation que des carrelages ne constituent pas un élément d’équipement, éviction permettant de s’abstraire de la règle de non-cumul ci-dessus évoquée, et qu’enfin par le troisième arrêt (7 nov. 2011) la Haute juridiction « tend la perche » à la cour de renvoi pour que l’éviction de l’article 1792-3 du code civil soit opérée par l’affirmation que l’installation frigorifique constituée de compresseurs et vitrines, affectés de dysfonctionnements, soit elle-même qualifiée d’ouvrage au sens de l’article 1792-2 du code précité… |
Mots clés : RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS * Garantie * Garantie de bon fonctionnement * Caractère résiduel |
(1) Civ. 1re, 4 janv. 1958, Bull. civ. I, n° 10 ; RTD civ. 1958. 152 obs. Mazeaud ; p. 172, obs. J. Carbonnier ; D. 1958. 457, note R. Rodière ; JCP 1958. II. 10808, note B. Starck. (2) Civ. 3e, 10 juill. 1978, n° 77-12.595, Bull. civ. III, n° 285 ; JCP N 1980. II. 134, note G. Lietveaux (3) Civ. 3e, 22 mars 1995, n° 93-15.233, Bull. civ. III, n° 80 ; RDI 1995. 329, obs. P. Malinvaud et B. Boubli ; ibid. 333, obs. P. Malinvaud et B. Boubli ; ibid. 349, obs. G. Leguay et P. Dubois, JCP 1995. II. 22419, rapp. J. Fossereau ; JCP N 1995, n° 28, p. 1089 ; RGDA 1995. 120, note H. Périnet-Marquet. (4) Civ. 3e, 16 oct. 2002, n° 01-10.482, SA Grobost, et n° 01-10.330, Sté Maisons Bottemer, Bull. civ. III, n° 205 ; D. 2003. 300, et les obs., note P. Malinvaud ; RDI 2003. 37, obs. G. Leguay ; ibid. 92, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2003. 308, obs. P. Jourdain ; J.-P. Karila, Vers l’uniformisation de tous les délais d’actions des différentes responsabilités des constructeurs d’ouvrages immobiliers, JCP N 2004. 1160 s. (5) Civ. 3e, 16 mars 2005, n° 04-12.950, Bull. civ. III, n° 65 ; D. 2005. 2198, note J.-P. Karila ; RDI 2005. 189, obs. G. Leguay ; ibid. 226, obs. P. Malinvaud. (6) Sur l’articulation des différentes responsabilités et garanties, v. J.-P. Karila, Domaines respectifs des garanties et responsabilités légales et des responsabilités de droit commun des locateurs d’ouvrages immobiliers, in Études offertes au professeur Philippe Malinvaud, Litec, 2007. 317 s. (7) Civ. 3e, 12 oct. 1994, n° 92-17.428, Bull. civ. III, n° 171 ; D. 1994. 248 |