Ancien ID : 87
Introduction générale.1. Il y a près de quinze ans nous avions publié dans ces colonnes une étude sur « les responsabilités des locateurs d’ouvrages immobiliers après exécution et réception de travaux sur existants » [[J.-P.KARILA, « Les responsabilités des locateurs d’ouvrages immobiliers après exécution et réception des travaux sur existants », JCP Ed.N 1991, I, p. 147 et s.]].
La présente étude a pour objet, outre l’actualisation nécessaire de celle ci-avant citée, celui, sans doute plus ambitieux et plus large de traiter aussi de la nature de la responsabilité encourue par l’entrepreneur à raison des travaux de réparation de désordres affectant un ouvrage existant, d’une part et de la couverture d’assurance des dommages pouvant affecter les existants d’autre part.
2. La notion « d’existant », on le sait, ne trouve son origine et/ou encore sa définition ni dans la Loi ni dans un texte réglementaire quelconque, bien que d’une part l’article A. 241-1 du Code des Assurances, annulé par le Conseil d’Etat, ait englobé dans les travaux de bâtiment ceux dont l’objet était de modifier une construction et que d’autre part le nouvel article L. 243-1-1, II du Code des assurances, inséré dans ledit Code par l’Ordonnance n°2005-658 du 8 juin 2005 fasse désormais expressément référence à la notion d’ « ouvrage existant », sans pour autant en définir le sens.
3. La doctrine et la pratique s’accordent néanmoins à considérer que les existants ont été bien définis par le COPAL dans une communication en date du 25 octobre 1983 qui définit les existants comme étant « parties anciennes de la construction, existantes avant l’ouverture du chantier et sur, sous, ou dans lesquelles seront exécutés les travaux » [[Communication COPAL, 25 nov. 1983, RDI 1984, p. 273]].
4. La question des responsabilités encourues par les constructeurs à l’occasion des travaux sur, sous, ou à l’intérieur des existants est particulièrement complexe dès lors qu’il existe une dualité possible de dommages d’une part, et une trilogie de leurs causes et origines d’autre part, comme nous l’avions déjà souligné dans l’étude précitée.
Dualité pour le moins des dommages car ceux-ci peuvent soit affecter les travaux neufs eux-mêmes, soit les existants, soit encore et c’est ce qui est d’ailleurs le plus souvent le cas, aussi bien les existants que les travaux neufs considérés.
Dommages dont les causes et origines peuvent être multiples, encore que l’on peut se référer à cet égard à la trilogie ci-avant évoquée en ce sens que les dommages affectant les travaux neufs peuvent provenir de leur mauvaise conception et/ou exécution, ou seulement de l’état des existants eux-mêmes, tandis que les dommages affectant les ouvrages existants peuvent provenir de l’exécution des travaux neufs mais aussi de leur propre état, dont les travaux neufs n’auraient été, en la circonstance, que le révélateur.
Trilogie donc, pour le moins, des causes et origines des dommages, induisant assurément pour le moins trois hypothèses de responsabilité des constructeurs, étant néanmoins observé que si les responsabilités encourues par les constructeurs en cas de dommages affectant seulement les existants, ne peuvent a priori être que celles résultant des règles du droit commun (article 1137, article 1147 mais aussi articles 1382 et 1383 du Code Civil), en revanche, celles pouvant l’être en cas de dommages affectant les travaux neufs par suite de leur mauvaise conception et/ou de leur exécution défectueuse, dépendront d’abord de la nature et de l’importance des travaux réalisés, les garanties légales des articles 1792 et suivants du Code Civil étant susceptibles d’application lorsque les travaux neufs constitueront la construction d’un ouvrage, tandis que dans le cas contraire, seules les règles du droit commun auront vocation à s’appliquer alors même que les dommages affectant les existants seraient de la gravité de ceux visés par les articles 1792 et suivants du Code Civil ; cette dichotomie ne traduit pas pour autant la réalité factuelle et juridique dans toute sa complexité dès lors que si les dommages aux travaux neufs ont pour causes et origines l’état des existants eux-mêmes, la question se complexifie encore plus car elle renvoie aussi à celle de savoir si la conception des travaux neufs, ne doit pas nécessairement intégrer l’état des existants, tel que celui-ci apparaît au moment de ladite conception et/ou de la réalisation des travaux, ou tel qu’il pourrait être prévisible bien que caché, hors considération du cas sans doute très rare, où l’état de l’existant peut être à la fois caché et imprévisible… ; enfin on relèvera que dans le cadre de la réparation / indemnisation des dommages affectant les travaux neufs, il faudra nécessairement, pour en supprimer les causes et origines, traiter/ réparer les existants eux-mêmes et que dès lors se posera la question de savoir si l’indemnisation des dommages affectant les travaux neufs d’une part, et ceux affectant les ouvrages existants d’autre part, dépendra d’un régime uniforme ou dual de responsabilité.
Les critères de qualification des existants
5. Il nous paraît cependant opportun, avant de traiter en les synthétisant ces diverses questions, dans le cadre d’un plan qui sera énoncé ci-après, (infra n°13) de préciser les critères de qualification du bien immobilier constituant l’existant.
On peut à cet égard dénombrer certains critères de rattachement, savoir :
– la préexistence du bien : critère donc purement temporel ;
– l’emplacement du bien : critère physique ou encore géographique ;
– le lien entre l’existant et l’objet et/ou la finalité des travaux neufs.
6. Le critère temporel, tiré de la préexistence du bien, est celui adopté tant par le COPAL dans sa communication précitée du 25 novembre 1983 (2) puisque ce dernier définit les existants comme « les parties anciennes de la construction, existantes avant l’ouverture du chantier » (2) que par l’Ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 dans le cadre de la création d’un article L. 243-1-1, II du Code des assurances qui détermine le champ d’application de l’assurance obligatoire en y incluant, sous certaines conditions, les « ouvrages immobiliers existants avant l’ouverture du chantier ».
S’agissant de l’application de ce critère temporel, il a été jugé que lorsqu’une telle précision ne figure pas dans le contrat d’assurance, le juge n’a pas à suivre ce critère. Il est en droit d’estimer qu’est un existant la maçonnerie sur laquelle la charpente s’est effondrée, même si l’une comme l’autre ont été réalisées dans le cadre d’un unique marché : en effet, la première préexistait bien à la seconde [[Cass. 1ère civ. 10 mai 1989, n° 87-18440, RGAT 1989, p. 853, note J. Bigot, qui relève, sur ce point, le caractère trop étroit de la définition du COPAL]].
7. L’emplacement de l’existant ou encore sa position au regard de l’espace dédié à l’exécution des travaux neufs, constitue un critère indirect de qualification.
L’existant est en effet situé à un endroit qui est lui-même défini par référence au lieu où doivent se dérouler les travaux, comme l’énonce la communication précitée du COPAL qui décrit les existants comme « les parties anciennes de la construction… sur, sous, ou dans lesquelles seront exécutés les travaux ».
8. Le lien entre l’objet ou la finalité des travaux neufs et l’existant peut être défini de façon plus ou moins précise. On peut estimer que les travaux liés à un existant peuvent consister en :
– la restauration (remise de l’immeuble en son état d’origine),
– la réhabilitation (mise aux normes d’habitation actuelles),
– la réparation / reprise de certaines parties d’ouvrages ou d’éléments d’équipement à la suite ou en exécution d’un accord amiable ou d’une décision judiciaire qui aurait défini les responsabilités encourues au titre des dommages affectant les existants d’une part, et les conditions de la réparation / indemnisation desdits dommages d’autre part.
9. Ces différentes acceptions de la notion de travaux sur existants peuvent être appréciées selon différents critères savoir notamment :
– le critère de la nature et/ou de l’ampleur desdits travaux : on distingue alors la rénovation dite « légère » consistant dans le « toilettage » de l’immeuble, sans atteinte ou modification des structures existantes, de la rénovation dite « lourde », qui entraîne une réelle modification des structures ou encore la création de planchers ou de nouvelles structures,
– le critère d’adjonction de matériaux nouveaux : on distingue alors les travaux conduisant à un ajout de matière et ceux qui ne conduisent qu’à une modification stricte de l’existant.
10. Les polices d’assurance faisaient parfois état, sans les définir, voire sans leur affecter un régime propre des existants d’une part, et des « avoisinants » d’autre part [[Etant observé que la convention conclue le 8 septembre 2005 (infra n° 55) devrait conduire à la disparition de ces imprécisions.]].
On pourrait considérer que théoriquement, l’existant est un bien immobilier plus ou moins étroitement lié aux travaux qui motivent la souscription de l’assurance. En cela, l’existant s’oppose à l’avoisinant, lequel certes peut être affecté par l’exécution des travaux mais n’a aucun lien physique avec ceux-ci, et à propos duquel la responsabilité de celui qui l’endommage devrait être de nature quasi délictuelle.
11. Il convient ici de souligner que, jusqu’à la date d’application de l’Ordonnance précitée du 8 juin 2005, les polices d’assurances contenaient des définitions très variées de la notion d’existant.
Désormais, il ne peut plus en être ainsi dès lors qu’en vertu d’une convention passée le 8 septembre 2005 entre l’Etat [[Par le biais en la circonstance du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie d’une part, et de celui des Transports, de l’Equipement du Tourisme et de la Mer, d’autre part]] et les représentants des maîtres d’ouvrages d’une part [[Précisément la fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et le groupement des entreprises mutuelles d’assurances (GEMA)]] et des représentants des assureurs [[Précisément la fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et le groupement des entreprises mutuelles d’assurances (GEMA)]] d’autre part, les assureurs se sont engagés à donner une définition unique de la notion savoir « les parties anciennes d’une construction existant avant l’ouverture du chantier sur, sous ou dans laquelle sont exécutés les travaux » [[Engagements des assureurs, article 1]].
12. Les différentes acceptions de la notion de travaux sur existants et les différents critères ci-dessus évoqués jouent, en jurisprudence, un rôle sur la qualification des actions en responsabilité intentées en vue de la réparation des dommages pouvant affecter aussi bien les travaux neufs que les existants eux-mêmes voire les deux.
La qualification de ces actions dépend aussi des conditions d’application des articles 1792 et s. du Code Civil, comme de celles relatives à l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Plan.
13. Dans cette perspective, nous procéderons d’abord à l’examen de la qualification des actions en responsabilité visant à réparer les dommages affectant les travaux neufs (I) et celle des actions en responsabilité visant la réparation des dommages affectant les existants (II).
Puis nous traiterons de la question particulière de la responsabilité de l’entrepreneur à raison de travaux de réparation d’un ouvrage existant déjà affecté de désordres (III).
Enfin, nous rappellerons les principes jurisprudentiels relatifs à la couverture d’assurance des dommages pouvant affecter les existants et/ou les travaux neufs (IV).
– I –
QUALIFICATION DES ACTIONS EN RESPONSABILITE CONCERNANT LES DOMMAGES AFFECTANT LES TRAVAUX NEUFS.
14. Il résulte des travaux préparatoires et des débats parlementaires, que le législateur de 1978 a entendu soumettre les travaux neufs sur / sous ou à l’intérieur des existants, aux garanties légales édictées par la Loi ci-dessus évoquée du 4 janvier 1978, plus particulièrement à la responsabilité décennale [[Voir étude note 1 et spécialement n°28 et 29 ; V. égal. H. Périnet-Marquet « La responsabilité relative aux travaux sur existants », RDI 2000, p.483 et s. spécialement p.491]].
L’application de ladite responsabilité suppose néanmoins que les travaux considérés constituent en eux-mêmes la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil.
On sait que l’ouvrage au sens de ce texte comporte en principe des éléments constitutifs d’une part, et des éléments d’équipement d’autre part.
Aussi, outre le cas où les dommages affectant les travaux neufs compromettent la solidité de l’ouvrage qu’ils constituent (article 1792 du Code civil), la responsabilité décennale sera également applicable en raison de l’impropriété à destination dudit ouvrage, résultant elle-même d’une atteinte à certains de ses éléments d’équipement, abstraction faite de la qualification de ceux-ci et au regard des dispositions des articles 1792-2 et 1792-3 du Code Civil, ou à raison par exemple de l’atteinte à la solidité d’un élément d’équipement dissociable au sens de l’article 1792-2 du code précité.
Rien ne s’oppose également à la mise en ?uvre de la garantie biennale de bon fonctionnement édictée par l’article 1792-3 du Code précité, lorsque le défaut / dysfonctionnement concerne un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage considéré, constitué par l’exécution des travaux neufs.
En revanche, lorsque l’opération de réhabilitation ou de rénovation considérée aura consisté uniquement à la mise en ?uvre / installation d’un élément d’équipement dissociable au sens de l’article 1792-3 du Code civil, la garantie biennale de bon fonctionnement édictée par le texte précité, voire l’application de la garantie décennale pour le cas où l’on serait en présence d’un élément d’équipement techniquement indissociable au sens de l’article 1792-2 dudit Code, semble, en l’état du droit positif, exclue, seule la responsabilité de droit commun étant alors susceptible d’application comme il sera explicité ci-après (B).
Aussi, dans les développements qui vont suivre, nous n’envisagerons au titre de l’application desdites garanties légales que les conditions d’application de la garantie décennale (A).
15. Mais on sait par ailleurs que les dommages affectant des travaux neufs ne relèvent pas inéluctablement et dans tous les cas d’un régime de réparation / indemnisation résultant des articles 1792 et suivants du Code Civil et peuvent en conséquence, dans certaines conditions que nous examinerons ci-après (C et D), ne relever que de l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun.
A – LES CONDITIONS DE LA SOUMISSION DES DOMMAGES AFFECTANT LES TRAVAUX NEUFS A UN REGIME DE REPARATION / INDEMNISATION RELEVANT DE LA RESPONSABILITE DECENNALE.
16. Outre la nécessité que les travaux neufs constituent, en eux-mêmes, la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil, la soumission des dommages pouvant les affecter suppose qu’ils aient été clandestins lors de la réception et ne soient apparus que postérieurement au prononcé de celle-ci.
17. Dans cette perspective, il convient, avant d’envisager la question tant dans l’hypothèse où les dommages considérés sont exclusivement dus à une mauvaise conception et/ou exécution défectueuse des travaux neufs considérés (infra n°25) que dans celle où lesdits dommages sont exclusivement ou partiellement dus à l’état des existants eux-mêmes (infra n°26), de définir la notion d’ouvrage, ce qui doit être fait de façon générale (infra n°18), mais aussi de façon spécifique (infra n°19 à 22).
Définition de la notion d’ouvrage en général.
18. D’une manière générale, on peut dire qu’est un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil l’ouvrage de nature immobilière, cette dernière notion étant définie par un certain rattachement au sol ou sous-sol ou encore à l’ouvrage lui-même lorsqu’il s’agit d’une partie d’ouvrage.
Définition de la notion d’ouvrage dans le cadre d’une opération sur / sous ou à l’intérieur d’existants.
19. D’une manière spécifique, c’est-à-dire lorsque les travaux sont exécutés sur, sous ou à l’intérieur d’existants, la question de savoir si lesdits travaux sont ou non constitutifs de la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil, est plus complexe à résoudre puisqu’en la circonstance, ce n’est pas tant la nature immobilière qui est ici en cause et qui devra guider l’interprète, mais d’autres critères qui s’inspirent plus ou moins de ceux figurant aux articles 517 et s. du Code civil relatifs à la qualification de biens immobiliers que sont :
– l’importance des travaux réalisés conduisant à la distinction entre rénovations dites « lourde » et rénovation ou dite « légère »,
– l’apport de matériaux,
– l’immobilisation/l’intégration de la partie d’ouvrage dans l’ouvrage existant…
La qualification d’ouvrage par les juges du fond ou la Cour Suprême fait appel parfois à l’un des ces critères ou les combine comme nous le verrons dans la présentation des espèces suivantes qui ont retenu la qualification d’ouvrage.
20. A été ainsi qualifié d’ouvrage selon ce critère d’immobilisation :
– une véranda comprenant un travail de menuiserie métallique et de vitrerie composé de trois parties verticales vitrées en glace, avec des parties fixes et des parties mobiles, couvert par des plaques en plastique, adossé à la façade de l’immeuble, formant un ensemble composé d’une structure, d’un clos et d’un couvert [[Cass. 3ème civ., 4 octobre 1989, Bull. civ. III n° 179]],
– un ensemble complexe, destiné à la protection d’une terrasse, composé de toiles et d’armatures métalliques motorisées, le tout ancré dans le gros oeuvre de l’immeuble, réalisation assimilable à une véranda assurant une fonction de clos et de couvert répondant à la définition de l’article 1792 du code civil [[Aix-en-Provence, 17ème, 16 septembre 1997, Mutuelles du Mans c/ SA Hôtel Juana, jurisdata n° 048774]]
– une installation de cheminée comportant la création d’un conduit maçonné, d’un système de ventilation et de production d’air chaud, et d’une sortie en toiture [[Cass. 3ème civ., 25 février 1998, Bull. civ. III n° 46 ; déjà en ce sens, admettant implicitement la qualification d’ouvrage, l’arrêt ne portant que sur la question de l’atteinte à la destination et/ou à la solidité de l’ouvrage Cass. 3ème civ., 31 mai 1995, n° 93-18874 ; V. égal. pour l’aménagement d’un conduit de cheminé consistant dans le tubage du conduit de fumée et une réfaction de la souche en toiture qui, bien que ne représentant qu’une somme modeste, constitue un ouvrage : CA Toulouse, 1ère, 4 novembre 2002, Jurisdata n° 194051]],
– la mise en place, à l’intérieur d’un âtre préexistant d’un générateur de chaleur en fonte équipé d’un conduit de fumée flexible en acier inoxydable permettant un raccordement au conduit ancien de cheminée constitutif d’un simple aménagement d’une installation préexistante sans reprise de maçonnerie [[Cass. 3ème civ., 6 février 2002, inédit titré, n° 00-15301, RDI 2002, p. 149]],
– un foyer fermé, son raccordement au conduit ainsi que l’isolation par dépose partielle de la cheminée existante et construction d’une hotte ainsi que d’une partie du conduit [[CA Bordeaux, 1ère A, 24 octobre 2000, AXA c/ COGEMAT, jurisdata n° 127530 ; en revanche, en l’absence de travaux de raccordement à l’immeuble, l’installation d’un insert en métal de 2 mètres de long sur 1,20 mètre de profondeur et de 2 mètres de hauteur avec une double porte coulissante ne constitue pas un ouvrage : CA Paris, 25ème A, 5 juillet 2002, jurisdata n° 187625]],
– un aquarium réalisé dans un bâtiment, aquarium intransportable à raison de son poids et de sa fragilité structurelle [[Cass. 3ème civ., 9 février 2000, inédit titré, n° 98-16017, RDI 2000, p. 343, obs. critiques Malinvaud, AJDI 2000.435]],
– une chambre froide pour la conservation de fruits, scellée au sol par un socle en béton et incorporée au bâtiment [[CA Pau, 1ère ch., 20 janvier 2003, SCI Reinette c/ Gan, jurisdata n° 199852]],
– une installation frigorifique réalisée dans un abattoir comprenant des canalisations assurant le transport de froid dans l’ensemble des locaux en traversant des cloisons isolantes, dites cloisons isothermes et une salle des machines alimentant les réseaux desservant les autres locaux [[Cass. 3ème civ., 18 juillet 2001, Bull. civ. III n° 97, RDI 2001, p. 517, obs. Ph. MALINVAUD, Rev. gén. assur., 2001, p. 987, note J.-P. Karila, Rép. Defrénois, 2002, p. 57]],
– une passerelle conçue pour être fixée à quai par des ponts de scellement et par un système de charnières reliées à un corps immergé et ne pouvant être déplacé qu’en ayant recours à des moyens importants [[CA Rouen, 2ème, 13 septembre 2001, Sté Mac Geregor navires c/ Sté Marit, jurisdata n° 169554]],
– un escalier, ouvrage fixe faisant partie d’un immeuble [[CA Rennes, 1ère ch., 6 décembre 2001, Viandier c/ Sté Rihouay, jurisdata n° 168359]],
– le revêtement de sol d’une usine de pâtes [[CA Aix-en-Provence, 14 novembre 2002, jurisdata n° 205509]].
21. A été ainsi qualifié d’ouvrage selon le critère d’adjonction de matériaux et/ou finalité des travaux :
– la réfection totale de la chaussée d’un lotissement, impliquant l’apport d’un matériau nouveau [[CA Aix en Provence, 17ème, 17 juin 1997, jurisdata n°048775]],
– en dehors de la réalisation d’un ensemble immobilier en sa globalité, le travail d’un constructeur portant sur une fraction complète de l’ensemble immobilier, ce qui est bien le cas de la réalisation de l’isolation ou de l’étanchéité complète d’une terrasse d’une maison d’habitation [[CA Limoges, 2ème, 12 février 1998, Moreau c/ Prédignac, jurisdata n°040253]],
– les travaux ayant pour but d’assurer l’étanchéité à l’eau du sous-sol d’un immeuble et consistant, afin de recréer une assise à l’ensemble de la dalle, dans l’exécution de plots en béton, le coulage d’une nouvelle dalle, la confection de solins sur la périphérie, le traitement hydrofuge de la dalle, le traitement hydrofuge des murs sur 69 m² et la suppression du circuit de drainage [[CA Douai, 2ème, 10 décembre 1998, Claisse c/ Sagrea, jurisdata n°048666]].
22. Ont été encore qualifiés d’ouvrage en fonction du critère de l’importance ou de la nature des travaux réalisés suivant la distinction ci-dessus évoquée entre rénovation « lourde » et rénovation « légère » :
– d’importants travaux de réhabilitation d’un immeuble comportant notamment le ravalement des façades, le remplacement des parties pourries, l’assainissement des endroits humides, le piquetage et le rebouché des fissurations, la pose d’une dalle, la réfection des murs, toiture, cloisons, le percement des trémies, l’édification des murs des cages d’ascenseurs, l’installation de ceux-ci, la création de salle de bains [[Civ.3, 30 mars 1994, Bull. civ. III n° 70]],
– les travaux de « rénovation lourde assimilable à des travaux de construction » concernant les murs, les cloisons, les planchers, les plafonds et l’isolation de l’immeuble et d’un montant supérieur à 300 000 francs [[Cass. 3ème civ., 29 janvier 2002, Bull. civ. III n° 18, Constr-Urb 4/2003, p. 15, n° 99]],
– les travaux de rénovation affectant la structure de l’immeuble étant, par leur importance, assimilable à un ouvrage [[Cass. 3ème civ., 2 octobre 2002, inédit, 01-10241 ; dans le même sens, CA Paris, 19ème A, 31 janvier 2001, RDI 2001.251 retenant la qualification de « réalisation d’un ouvrage sur existants » ; CA Paris, 19ème B, 16 février 2001, RDI 2001, p. 251 pour des « travaux de rénovation d’importance, assimilables à la construction d’un ouvrage ».]],
– d’importants travaux de rénovation d’un immeuble ancien [[Cass. 3ème civ., 24 janvier 2001, RDI 2001.168, note Ph. Malinvaud ; dans le même sens, CA Rennes, 4ème, 7 février 2002, Le Vailant c/ Cie Abeille Paix, jurisdata n° 185755]],
– des travaux de rénovation des parties communes d’un immeuble du XVIIIème comprenant la révision des toitures, des descentes d’eaux pluviales, le ravalement des façades et courettes, la réfection des cages d’escalier et de la cour, la peinture des escaliers et hall d’entrée, la pose de luminaire, d’un interphone, d’un digicode, la fourniture et la pose d’un ascenseur [[CA Paris, 19ème A, 5 mars 2002, Me Belhassen c/ SDC 22 rue Beautreillis, jursidata n° 178556]],
– les travaux comportant un apport à la toiture d’éléments nouveaux et consistant dans la réfection des solins sur la toiture, dans la réparation de la verrière, le remplacement de la sous toiture et la fourniture de linteau de remplacement avec remaniement de la tuile [[CA Paris, 16ème 1, 19 février 2003, jurisdata n° 205927]],
– les travaux de reconstruction d’une écurie et d’une grange à raison de leur ampleur, de l’apport de matériaux et de la transformation opérée [[CA Amiens, 1ère ch., 13 décembre 2001, SA De barba c/ Dewulf, jurisdata n° 175699]],
– la réalisation d’un revêtement d’étanchéité sur les murs d’une cave par voie d’adjonction d’une partie d’ouvrage destinée à assurer le clos et le couvert de locaux existants [[TGI Lille 18 février 1987, D. 1987 IR p. 59.]],
– la réalisation de travaux multiples consistant dans un ravalement par application d’une peinture, le remplacement des enduits décollés, la réfection des façades affectées d’éclatement de la peau de béton, de reprises de fissures divers et d’un portique en béton armé situé sur une terrasse [[CA Paris, 19ème A, 9 septembre 2002, jurisdata n° 190011]],
– l’installation de radiateurs en remplacement des anciens, l’intervention de l’entrepreneur consistant à couper les conduites, procéder à leur vidange, à remonter un radiateur neuf, à remplir les conduites et à procéder à la purge [[CA Colmar, 2ème ch. A, 21 novembre 2002, Jurisdata n° 209289]],
– les travaux de restructuration, de redistribution et de rénovation de deux appartements sis l’un au-dessus de l’autre impliquant par leur importance la construction d’un ouvrage [[CA Aix-en-Provence, 3ème ch., 28 mars 2002, BONNEYRAT c/ FAUBERT, jurisdata n°177762]],
– l’exécution de l’étanchéité d’un balcon occupant toute la façade d’un étage d’un immeuble dès lors que cette étanchéité s’insérait dans le cadre d’importants travaux de réfection de l’immeuble [[CA Paris, 23ème ch. A, 12 décembre 2001, HUE c/ CADIOU, jurisdata n° 168883]].
23. Toujours selon ce critère, n’ont pas été considérés comme constituant la construction d’un ouvrage :
– des travaux de rénovation pour un montant de 4 483, 08 francs TTC, la Cour de cassation validant la Cour d’appel dans les termes suivants « la cour d’appel a retenu à bon droit, qu’il ne s’agissait, ni par leur nature, ni par leur importance, de travaux de construction, et a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision de ce chef » [[Cass. 3ème civ., 14 avr. 1999, inédit, n° 97-17522]],
– une simple vérification avec nettoyage, sans apport de matériaux nouveaux ne faisant pas partie de la rénovation lourde effectuée sur d’autres parties de l’immeuble [[Cass. 3ème civ., 7 octobre 1998, inédit, 96-22837]] ;
– le traitement limité aux remontées d’humidité des murs de la bâtisse [[CA Nîmes, 1ère ch. A, 30 mai 2002, jurisdata n° 182813]];
– des travaux de réfection sur un chéneau fuyard[[CA Paris, 19ème B, 4 avril 2002, Gepner c/ Lemaître, jurisdata n° 173225]];
– la mise en place d’une isolation thermique de façade n’entraînant aucune atteinte ou modification à la surface existante nécessitant seulement un nettoyage préalable du support[[Cass. 3ème civ., 26 juin 2002, inédit titré, n° 00-19616, RDI 2002, p. 416]];
– des travaux de terrassement pour la pose d’une canalisation de gaz consistant à ouvrir et fermer des fouilles, à enlever des déblais, à fournir et procéder à l’épandage de matériaux d’apport et à fournir et poser un fourreau[[CA Nancy, 21 mai 2002, EDF-GDF c/ Collin, jurisdata n° 188331]],
– la réalisation d’une installation de chauffage les différents éléments de l’installation ayant fait l’objet de commandes distinctes, aucune société n’ayant assumé l’installation globale[[Cass. 3ème civ., 31 octobre 2001, inédit titré, n° 00-14614, RDI 2002, p. 84]],
– des travaux de rejointoiement ne tendant pas à la restauration[[Cass. 3ème civ., 23 février 2000, inédit, n° 98-16250, RDI 2000, p. 344 jugeant que de tels travaux ne constituaient pas « la réalisation d’un ouvrage ».]].
1°) La question de la soumission des dommages affectant les travaux neufs lorsque ceux-ci sont dus à une conception et/ou à une exécution défectueuse desdits travaux.
24. Dans cette hypothèse, la soumission des dommages affectant les travaux neufs à un régime de réparation / indemnisation relevant de l’article 1792, ne pose pas de problème particulier.
Dès lors en effet que les travaux considérés sont bien constitutifs de la construction d’un ouvrage, les dommages les affectant relèveront de la responsabilité de plein droit édictée par l’article 1792 du Code Civil, sous la réserve bien évidemment comme déjà dit ci-dessus, qu’ils aient été clandestins lors de la réception de l’ouvrage d’une part, et qu’ils présentent les caractéristiques de gravité visées par le texte précité d’autre part.
2°) La question de la soumission des dommages affectant les travaux neufs lorsque ceux-ci sont exclusivement ou partiellement dus à l’état des existants eux-mêmes.
25. La question de savoir si les dommages affectant les travaux neufs, à raison de l’état des existants qui en seraient en conséquence les causes et origines, soit à titre exclusif soit seulement partiellement, ne devrait pas être posée.
En effet, sous l’empire de la Loi du 4 janvier 1978, les causes et origines des dommages sont totalement indifférents à la mise en ?uvre de la responsabilité de plein droit édictée par l’article 1792 du Code Civil qui s’attache seulement aux caractéristiques de gravité des dommages considérés, abstraction faite de leurs causes et origines, les termes « vice de construction » ayant disparu tandis que ceux de « vice du sol » n’ont été maintenus que de façon incidente.
Bien évidemment, les plaideurs tenteront à l’occasion, sans remettre en cause la présomption de causalité dérivant de toute responsabilité de plein droit, de conduire le Juge à raisonner en termes d’imputabilité, mais pour légitime que soit cette appréciation de la défense du constructeur responsable de plein droit en vertu de l’article 1792 du Code Civil, elle est de nature à ne pas prospérer si on admet que les travaux neufs doivent nécessairement intégrer l’état des existants, sauf à considérer que ledit état puisse, ce qui peut aussi arriver, constituer une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit édictée par le texte précité[[ass. 3ème civ. 26 février 2003, bull. civ. III n°46 ; a contrario, Cass. 3ème civ. 17 juin 1998, inédit titré n°96.20125]].
Exception donc du cas où l’état de l’existant constituerait une cause exonératoire de responsabilité, les dommages affectant les travaux neufs relèveront d’un régime de réparation / indemnisation sur le fondement de l’article 1792 du Code Civil alors même qu’ils auraient pour origine exclusive ou seulement partielle l’état des existants considérés.
A titre d’illustration du cas où les désordres trouvent leur origine exclusive dans l’existant, on peut citer :
– un arrêt de la Cour de Nîmes[[CA Nîmes, 1ère, 4 avril 2002, SARL l’art du feu c/ Zwally, jurisdata n° 182807]] qui a condamné un entrepreneur auquel il était reproché une insuffisance de l’installation de chauffage qu’il avait mise en ?uvre, sur le fondement de la responsabilité décennale en écartant l’argument tiré de l’insuffisance de l’isolation de l’existant au motif qu’il appartenait à l’entrepreneur de procéder, avant toute installation, à une étude technique qui lui aurait permis de se rendre compte de l’inadaptation de la solution proposée aux attentes / exigences du maître de l’ouvrage ;
– l’arrêt précité du 17 juin 1998 (43) qui a appliqué à la garantie décennale aux dommages affectant des travaux neufs, du fait de l’état de murs préexistants.
Dans le cas ci-dessus envisagé où les désordres trouvent leurs causes et origines aussi bien dans la conception et l’exécution des travaux neufs que dans l’état des existants, la soumission des dommages les affectant ne saurait relever d’un régime alternatif de responsabilité et doit, si les dommages présentent les caractéristiques de gravité prévues par l’article 1792 du Code Civil, relever exclusivement de l’application de ce texte.
On peut en donner une illustration dans un arrêt de la Cour d’Amiens du 13 novembre 2003[[CA Amiens, 1ère 13 novembre 2003, jurisdata n°235130]] qui a énoncé notamment « qu’on ne saurait opérer une distinction artificielle entre les désordres dont l’origine se trouve dans l’existant et ceux dont l’origine se trouve dans les travaux neufs » de sorte que « doivent être réparés sur le fondement de la responsabilité décennale les désordres, tels que des surcharges de solives, de nature à porter atteinte à la solidité de l’immeuble dont la cause ne réside pas seulement dans les parties anciennes mais tient à une rénovation contraire aux règles de l’art qui s’est avérée inadéquate aux existants dont elle a aggravé les charges et contraintes ».
B – L’EVICTION DES DOMMAGES AFFECTANT UN ELEMENT D’EQUIPEMENT INDISSOCIABLE A UN REGIME DE REPARATION/INDEMNISATION RELEVANT DE LA GARANTIE BIENNALE DE BON FONCTIONNEMENT.
26. La soumission des éléments d’équipement implantés dans un ouvrage déjà existant aux garanties légales, en particulier à la garantie biennale de bon fonctionnement édictée par l’article 1792-3, semble aujourd’hui exclue au regard d’un arrêt de principe de la troisième chambre civil du 10 décembre 2003[[Cass. Civ. 3ème 10 décembre 2003, Bull. civ. III n°224]].
En l’occurrence, la question posée était celle de la nature de la responsabilité encourue par l’entrepreneur qui avait fourni et mis en ?uvre des équipements nécessaires à la climatisation du Laboratoire de météorologie d’une usine, ensuite de l’incendie ayant affecté le climatiseur de la « centrale autonome de climatisation » dont s’agit, s’agissant de facto, d’une armoire verticale raccordée à des conduits et des réseaux d’air en tôle galvanisée, placés entre deux sous plafonds suspendus.
La Cour de Rouen avait à cette occasion dit que l’installation ci-dessus décrite ne constituait pas la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil et entrait en conséquence en condamnation à l’encontre de l’entrepreneur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de celui-ci ainsi qu’à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile dudit entrepreneur, lequel était par ailleurs assuré auprès d’un assureur distinct pour les dommages relevant de la garantie décennale et/ou – la lecture de l’arrêt ne permet pas d’être affirmatif à cet égard – en outre, de la garantie biennale de bon fonctionnement.
L’entrepreneur concerné et son assureur de responsabilité civile de droit commun reprochaient à la Cour de Rouen d’avoir refusé de qualifier l’installation de climatisation dont s’agit d’ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil et/ou pour le moins, d’élément d’équipement relevant des dispositions de l’article 1792-3 dudit Code.
La Cour Suprême valide l’arrêt de la Cour de Rouen en ce qu’elle avait jugé que l’installation de climatisation dont s’agit ne constituait pas la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil d’une part, ni un élément d’équipement relevant de l’article 1792-3 dudit Code d’autre part, la validation de l’arrêt sur ce dernier point (article 1792-3 du Code Civil) étant opérée au considérant ci-après reproduit :
« Mais attendu qu’ayant constaté que, facilement démontable, sans détérioration ou enlèvement de matière, l’installation de climatisation constituait un élément d’équipement dissociable du local dans lequel elle était posée et justement relevé que la garantie de bon fonctionnement d’une durée de deux ans à compter de la réception de l’ouvrage ne concernait pas les éléments d’équipement dissociables seulement adjoints à un ouvrage existant, la cour d’appel en a exactement déduit que l’installation de climatisation ne faisait pas l’objet de cette garantie ; «
La motivation explicite de la Cour de cassation est confirmée par le résumé de l’arrêt et son abstrat figurant au bulletin qui soulignent la volonté de la Haute juridiction d’exclure du domaine d’application de la garantie biennale de bon fonctionnement les éléments d’équipement implantés dans l’existant.
Le résumé est ainsi libellé :
« La garantie biennale de bon fonctionnement prévue à l’article 1792-3 du Code civil doit être retenue lorsque l’élément d’équipement dissociable a été installé lors de la construction d’un ouvrage, tandis que seule la responsabilité contractuelle de droit commun s’applique lorsqu’un tel équipement dissociable a été adjoint à un ouvrage déjà existant ».
L’abstrat est ainsi rédigé : ARCHITECTE ENTREPRENEUR – Responsabilité – Responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage – Garantie biennale – Domaine d’application – Élément d’équipement dissociable du bâtiment – Conditions – Élément installé lors de la construction de l’ouvrage (nous soulignons).
Le principe dégagé par l’arrêt du 10 décembre 2003 est désormais confirmé par un arrêt du 18 janvier 2006 destiné à la publication au bulletin des arrêts de la Cour de cassation[[Civ. 3, 18 janvier 2006, n° 04-17888, Bull. à venir]].
Dans cette affaire, se posait la question du fondement de l’action d’un syndicat des copropriétaires qui avait fait réalisé une isolation par extérieur des pignons et façades de l’immeuble. Précisément, les travaux avaient consisté à appliquer des plaques de polystyrène expansé emboîtées sur une ossature horizontale fixée mécaniquement au support, la liaison entre les plaques étant assurée par des raidisseurs en PVC placés dans le chanfrein prévu à cet effet sur les tranches latérales des panneaux isolants. Sur ce support était ensuite appliqué directement un enduit mince de parement armé de treillis de fibre de verre.
Le Tribunal de grande instance d’Annecy saisi du litige avait jugé que le système d’isolation posé était un élément d’équipement relevant de la garantie de bon fonctionnement au sens de l’article 1792-3 du Code civile.
La Cour de Chambéry, dans un arrêt du 11 mai 2004[[CA Chambéry, 1ère, 11 mai 2004, jurisdata n° 253585]], censurait cette qualification et estimait que cette isolation ne pouvait « pas être considéré comme un équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert du bâtiment, au sens des dispositions de l’article 1792-2 du Code civil » pas plus qu’il ne s’agissait d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil.
Le pourvoi contestait la solution retenue par la Cour de Chambéry au motif que devait relever de la « garantie biennale, prévue à l’article 1792-3 du Code civil, les dommages affectant les éléments d’équipement dissociables d’un bâtiment lorsqu’ils ne portent pas atteinte à la destination dudit bâtiment ou lorsqu’ils ne portent pas atteinte à la propre destination de l’élément d’équipement si ce dernier est, en tant que tel, un ouvrage ».
La Cour de cassation, dans l’arrêt précité du 18 janvier 2006, rejette l’argumentation ci-dessus et valide l’arrêt de la Cour de Chambéry.
Pour ce faire, la Cour suprême, sans opérer de contrôle des « motifs propres et adoptés » par la Cour de Chambéry relativement au fait que « la mise en place du revêtement, dont le produit employé et la technique de mise en oeuvre n’avaient entraîné aucune atteinte ou modification sur la surface existante, avait été réalisée sur un ouvrage déjà achevé », énonce que la Cour d’appel en avait « exactement déduit » (caractérisant un véritable contrôle de légalité de la solution retenue par les juges du fond) que « cette installation ne faisait pas l’objet de la garantie de bon fonctionnement d’une durée de deux ans, laquelle ne concerne pas les éléments d’équipement dissociables adjoints à un ouvrage existant ».
Bien que la solution ait été retenue, de facto, à propos d’un élément d’équipement dissociable, elle a, semble-t-il, vocation à s’appliquer à la mise en ?uvre de tout élément d’équipement installé dans un ouvrage existant qu’il s’agisse d’un élément d’équipement dissociable ou indissociable ; il est vrai néanmoins que dans cette dernière hypothèse de la mise en ?uvre d’un élément d’équipement qui deviendrait alors indissociable au sens de l’article 1792-2 du Code Civil, la question peut se poser de savoir si on ne se trouve pas alors dans la situation qui aurait pu être celle d’origine.
C – LES CONDITIONS DE LA SOUMISSION DES DOMMAGES AFFECTANT LES TRAVAUX NEUFS A LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE DROIT COMMUN.
27. Le droit commun de la responsabilité est susceptible d’application pour la réparation / indemnisation des dommages affectant les travaux neufs sur existants dans les hypothèses ci-après :
– lorsque, abstraction faite de la qualification des travaux qu’ils affectent, c’est-à-dire de la question de savoir si lesdits travaux constituent ou non la construction d’un ouvrage, les dommages considérés surviennent en cours de chantier et/ou plus précisément avant toute réception, ou encore lorsque, lors de la réception, ils ont fait l’objet de réserves expresses, dans toutes ces hypothèses en effet, seule la responsabilité contractuelle de droit commun a vocation à s’appliquer, peu important les caractéristiques techniques / physiques desdits dommages, c’est-à-dire que ceux-ci soient mineurs ou graves,
– lorsque, abstraction faite ici de leurs propres caractéristiques techniques / physiques, c’est-à-dire abstraction faite de la question de savoir s’ils sont graves ou non, ils affectent des travaux qui ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil,
– lorsque, bien qu’ils affectent des travaux constituant la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil, ils ne présentent pas la gravité requise pour l’application de ce texte ou de celui de l’article 1792-2 du Code ci-dessus évoqué.
28. On rappellera ici que l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun au titre de la réparation / indemnisation des dommages mineurs, a été initiée par le fameux arrêt Delcourt du 10 juillet 1998[[Cass. 3ème civ., 10 juillet 1998, Bull. civ. III n° 285]], rendu à l’époque en marge des garanties légales antérieures à la Loi du 4 janvier 1978, solution maintenue et réitérée également cette fois-ci en marge des garanties légales issues de cette dernière Loi par le fameux arrêt Maison ENEC du 22 mars 1995[[Civ. 3, 22 mars 1995, Bull. civ. III n° 80, JCP, 1995, II, 22416, note J. Fossereau, Rev. gén. assur., 1995, p. 120, note H. Périnet-Marquet, Rép. Defrénois, 1995, p. 810, note P. Dubois, Gaz. Pal., Rec. 1996, jur. p. 13, J. n° 9, 9 janvier 1996, p. 19, note B. Boubli]], solution depuis constante y compris devant les juges du fond[[CA Angers, 1ère, 9 mai 2001, OTH international c/ Interbail SICOMI, jurisdata n° 159826 ; CA Reims, 7 janvier 2002, SARL offredi Letang c/ Toussaint, jurisdata n° 194025 ; CA Paris, 23ème A, 7 mai 2003, SA Pierre Cojean c/ Deschandelliers, jurisdata n° 213762 ; CA Paris, 19ème B, 9 mai 2003, Bouygues Bâtiment c/ DIVO, jurisdata n° 213703]].
Cette origine historique de l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun pour certains dommages, ne doit pas conduire à penser qu’elle serait insusceptible d’application dans le cas de dommages d’une certaine gravité puisque aussi bien, comme il a été dit ci-avant, la responsabilité contractuelle de droit commun est applicable également à la réparation / indemnisation de dommages d’une certaine gravité si ceux-ci affectent des travaux qui ne sont pas constitutifs de la construction d’un ouvrage, ou encore si lesdits dommages sont apparus avant la réception de l’ouvrage, ou encore ont fait l’objet de réserves expresses lors de ladite réception.
29. Cette responsabilité contractuelle n’est cependant pas tout à fait de « droit commun » puisqu’aussi bien :
– elle repose sur la démonstration d’une faute[[par ex. Cass. 3ème civ., 9 juillet 1997, inédit, n° 95-21464, RDI 1997, p. 591 ]] : la responsabilité contractuelle n’est engagée qu’en cas de preuve de la faute de l’entrepreneur, régime qui s’éloigne donc de la responsabilité pour violation d’une obligation de résultat qui suppose le seul constat de la non obtention du résultat escompté ;
– elle ne peut être engagée que dans un délai prétorien restreint de dix ans à compter de la réception – avec ou sans réserve – de l’ouvrage et non pas dans le délai trentenaire de droit commun de l’article 2262 du Code civil, tant en marge des garanties légales antérieures à la loi de 1978[[Arrêt de principe Cass. 3ème civ., 11 juin 1981, Bull. civ. III n° 120 et jurisprudence constante : Cass. 1ère civ., 6 octobre 1981, Bull. civ. I n° 269, Gaz. Pal., Rec. 1982, jur. p. 362, note A. Plancqueel ; Cass. 3ème civ., 5 mai 1982, Bull. civ. III n° 113 ; Cass. 3ème civ., 17 mars 1993, Bull. n° 38, AJPI 1994, p. 380, note J.-P. KARILA ; Cass. 3ème civ., 8 octobre 1997, Bull. civ. III n° 184 ; Cass. 3ème civ., 18 octobre 1983, Arnould c/ Tehvenin, jurisdata n° 702407, JCP 1983.IV.358 ; Gaz. Pal. 1984.1. Pan. jur. 87, obs. P. Jestaz ; Cass. 3ème civ., 30 janvier 1991, inédit, 89-15798, RGAT 1991.614, note A. D’Hauteville ; Cass. 3ème civ., 25 octobre 1989, inédit, n° 88-14379]] qu’en marge de celles issues de cette loi[[Cass. 3ème civ., 16 octobre 2002, 2 arrêts, Bull. civ. III n° 205, JCP N 2004, p. 1160, doctrine, J.-P. Karila ; D. 2003, Jur. p. 300, note P. Malinvaud ; RDI 2003, p. 37, note G. Leguay, RTD. Civ. 2003, p. 308, obs. P. Jourdain]].
D – ILLUSTRATION PARTICULIERE DES PRINCIPES DEGAGES AUX TRAVAUX DE RAVALEMENT ET/OU DE PEINTURE[[J.-P. Karila, La responsabilité pour les désordres affectant les travaux de ravalement ou de peinture, RDI 2001, p. 201 et s.]] : APPLICATION DES GARANTIES LEGALES OU DE LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE DROIT COMMUN
30. Les travaux de ravallement ou de peinture constituent une illustration pertinente de l’ensemble des solutions dégagées ci-avant (supra, I, A et C).
La qualification de l’action du maître de l’ouvrage en réparation des dommages affectant les travaux de peinture ou de ravallement réalisés dépend en effet en premier lieu de leur qualification au regard de la notion d’ouvrage.
Si lesdits travaux ne constituent pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, ils relèveront alors de la responsabilité contractuelle de droit commun, tandis que dans l’hypothèse contraire, ils peuvent relever de la garantie décennale à la condition que les désordres les affectant présentent un caractère de gravité suffisant. À défaut, nonobstant la qualification d’ouvrage, les désordres relèveront alors de la responsabilité contractuelle de droit commun (53).
C’est parce qu’elle avait constaté que « la mise en place du revêtement, dont le produit employé et la technique de mise en oeuvre avaient été désignés comme un système d’isolation thermique de façade enduit sur isolant, n’entraînait aucune atteinte ou modification à la surface existante nécessitant seulement un nettoyage préalable du support » que la Cour de Paris a pu en déduire qu’il ne s’agissait pas d’un ouvrage et partant « que la garantie décennale n’était pas applicable »[[ Cass. 3ème civ., 26 juin 2002, n° 00-19616]].
C’est encore parce qu’elle avait constaté « par motifs propres et adoptés » que « l’enduit mis en place, qui n’avait pas pour objet d’assurer une fonction d’étanchéité particulière et ne comportait pas des travaux complémentaires de maçonnerie destinés à combler des fissures qui auraient affecté le gros ?uvre ou à réparer un éventuel défaut d’étanchéité ne correspondait qu’à un travail de ravalement banal » que la Cour de Paris en a exactement retenu qu’il ne s’agissait pas d’un ouvrage et partant que la responsabilité de l’entrepreneur « ne pouvait être recherchée sur le fondement de la garantie décennale »[[ Cass. 3ème civ., 4 avril 2002, n° 00-13.890 ; voir déjà, s’agissant de l’absence de fonction d’étanchéisation : Cass. 3ème civ., 29 janvier 1997, inédit, n° 94-21929]].
C’est parce que les peintures appliquées n’avaient qu’une fonction esthétique – et ne participait donc à aucune fonction immobilière pourrait-on ajouter – qu’elles ne constituaient pas un ouvrage et que seule la responsabilité contractuelle de droit commun était alors applicable[[Cass. 3ème civ., 27 avril 2000, Bull. civ. III n° 88 ; encore, Cass. 3ème civ., 16 mai 2001, Bull. civ. III n° 62, 3ème moyen et du même jour, inédit, n° 99-15974]].
En revanche, les travaux de réfection de l’enduit d’un pavillon ayant consisté à piocher l’enduit existant pour mettre à nu le parement extérieur en maçonnerie de pierre, à poser un enduit de fond puis à recouvrir l’ensemble d’un enduit de finition de type « localitt 2 » est constitutif d’un ouvrage[[CA Dijon, 1ère, 28 octobre 1997, SARL Frelet c/ Buguet, jurisdata n° 057240]].
C’est là la différence notable entre les deux régimes de responsabilité découlant de la réalisation ou non d’un ouvrage. Dans l’hypothèse en effet où les travaux réalisés ne constituent pas un ouvrage, la responsabilité contractuelle de droit commun a vocation à jouer sans considération de la gravité des désordres[[Cass. 3ème civ., 20 janvier 1999, inédit, n° 97-15104]] comme déjà dit ci-dessus (supra n°26 et 27), tandis que dans le cas contraire, la responsabilité décennale est susceptible d’application si les dommages considérés sont bien de la gravité envisagée par l’article 1792 du Code Civil.
– II –
QUALIFICATION DE L’ACTION EN RESPONSABILITE CONCERNANT LES DOMMAGES AFFECTANT L’EXISTANT DU FAIT OU A L’OCCASION DES TRAVAUX NEUFS.
31. Ici encore, la réparation / indemnisation des dommages pouvant affecter les existants du fait, ou à l’occasion de l’exécution des travaux neufs, conduira soit à l’application des garanties légales en particulier la responsabilité décennale, soit à celle de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Outre la nécessité de la gravité des désordres d’une part, et de leur caractère clandestin lors de la réception d’autre part, l’application de la garantie décennale supposera l’existence d’un lien technique / physique entre les travaux neufs considérés et les existants et/ou les causes et origines des dommages (A).
En revanche, au regard de l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun, celle-ci dépendra essentiellement de la qualification juridique des travaux neufs et ce, quelles que soient les causes et origines des dommages pouvant les affecter, abstraction étant faite de leur importance et/ou gravité (B).
A – LES CONDITIONS DE LA MOBILISATION DE LA GARANTIE DECENNALE POUR LES DESORDRES AFFECTANT L’EXISTANT.
32. Les constructeurs et assimilés qui réalisent ou font réaliser des travaux sur existants, peuvent voir leur responsabilité décennale engagée, à raison des désordres affectant les existants, postérieurement à la réception des travaux neufs, dans les hypothèses ci-après :
– lorsqu’il existe un lien technique / physique entre les différents travaux (neufs et existants) d’une part, et que les désordres n’ont pas pour origine exclusive l’état desdits existants d’autre part ;
– lorsque l’importance de la rénovation commande nécessairement une vérification de l’état des existants avant la réalisation des travaux neufs.
1°) La mobilisation de la garantie décennale à raison de l’incorporation des travaux neufs aux existants d’une part, et du fait que les désordres n’ont pas pour origine exclusive l’état desdits existants d’autre part.
33. Cette hypothèse est illustrée par un arrêt de principe du 30 mars 1994 déjà cité, arrêt dit Sogebor (23).
La Cour Suprême, pour valider en effet un arrêt de la Cour de Paris, qui en raison de dommages affectant les existants en la circonstance des fissurations des murs d’une part, et le pourrissement des poutres et planchers d’autre part, était entrée en condamnation à l’encontre d’un vendeur d’immeuble à construire sur le fondement de la responsabilité décennale de celui-ci, ainsi que de l’assureur de responsabilité dudit vendeur d’immeuble à construire au titre de la police CNR – Constructeur Non Réalisateur – garantissant une telle responsabilité, avait énoncé que dès lors que :
– « l’on ne pouvait ni dissocier les existants des travaux neufs, lesquels étaient devenus indivisibles par leur incorporation à l’immeuble,
– ni affirmer que la cause des désordres affectant la partie existante ne résidait pas seulement dans les parties anciennes ».
Cette décision posait donc deux critères cumulatifs l’un portant sur l’indissociabilité de l’existant et des travaux neufs, l’autre portant sur l’origine du sinistre.
L’exigence d’une indissociabilité entre l’existant et les travaux neufs s’entend d’une indissociabilité matérielle, la jurisprudence se réfèrant ainsi à la notion d’incorporation des travaux neufs à l’ouvrage existant, ce qui conduit à reconnaître à l’ensemble constitué par les travaux neufs et les existants, un certain caractère unitaire.
Cette exigence d’incorporation joue un double rôle :
– un rôle sur la qualification des travaux neufs qui relèvent de la construction d’un ouvrage non pas en fonction du critère de l’importance des travaux réalisés mais sur celui de l’immobilisation ;
– un rôle sur le lien de causalité, l’incorporation démontrant le lien causal entre les travaux et le dommage et justifiant ainsi que les travaux mêmes modestes puissent conduire à garantir des dommages d’une importance tout autre.
34. Mais les deux critères précités sont en outre tous deux « traversés » si l’on peut dire, par l’idée que les dommages aux existants doivent d’autant plus être réparés sur le fondement de la responsabilité décennale, qu’ils ne seraient que la conséquence d’une rénovation « contraire aux règles de l’art », formule employée par l’arrêt précité Sogebor lui-même, lequel énonçait notamment que « la mauvaise tenue des nouveaux travaux » provenait « d’une erreur de diagnostic du support vermoulu et donc d’une rénovation contraire aux règles de l’art … »
Dans un arrêt du 31 mars 1999[[CA Paris, 23ème ch. section A, 31 mars 1999, SDCP 21/21 bis rue Molière c/ Ste BATI CONSEIL RENOVATION SA & autres AJDI 1999, p.639, jurisdata n° 020615]], la Cour d’appel de Paris a, dans une formulation équivalente, repris la solution toujours au préjudice d’un assureur CNR en écartant l’argumentation de l’assureur qui soutenait que la garantie ne s’appliquait qu’aux travaux neufs du bâtiment, et en jugeant qu’en présence d’une rénovation contraire aux règles de l’art, caractérisée par une étude insuffisante des existants, des prestations insuffisantes sur lesdits existants et l’incorporation de travaux et d’éléments nouveaux à une structure mal adaptée, on aboutissait à une dissociation impossible des existants et des travaux neufs devenus indivisibles par l’incorporation de l’immeuble, et en jugeant en conséquence que la garantie de l’assureur était due en raison du fait que les dommages considérés relevaient des dispositions des articles 1792 et 1792-2 du Code Civil.
L’idée / notion de rénovation contraire aux règles de l’art est également présente dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt précité de la Cour d’Amiens du 13 novembre 2003 (45).
35. Or l’idée d’une « rénovation contraire aux règles de l’art » appliquée à l’état des existants a pour conséquence d’atténuer l’exigence formulée pour la première fois par l’arrêt Sogebor, selon laquelle, pour pouvoir bénéficier d’un régime de réparation / indemnisation relevant de l’article 1792 du Code Civil, les causes et origines des dommages ne doivent pas résider seulement dans les parties anciennes, la jurisprudence admettant, de facto, que les dommages affectant les existants du fait exclusif de l’état de ceux-ci, relèvent nécessairement de l’application de l’article 1792 du Code Civil dès lors que la conception et/ou l’exécution des travaux neufs impliquent un contrôle / diagnostic desdits existants, suivies d’un éventuel traitement préventif ou curatif, du moins quand l’état « défectueux » de ceux-ci était prévisible bien que caché, a fortiori lorsqu’il était apparent.
Ajoutons qu’en tout état de cause, il est aisé pour un Juge de satisfaire du moins formellement à l’exigence selon laquelle la cause des désordres ne réside pas seulement dans les parties anciennes de la construction, en énonçant que les désordres affectant les existants résident aussi dans une mauvaise conception des travaux neufs, laquelle aurait dû tenir compte de l’état desdits existants et impliquer en conséquence leur assainissement ou tout traitement curatif ou préventif adéquat.
2°) La mobilisation de la garantie décennale en raison de l’importance de l’opération de rénovation, abstraction faite des origines et causes des désordres affectant les existants.
36. Cette seconde hypothèse – illustrée par un arrêt du 31 octobre 2001[[Civ. 3, 31 octobre 2001, inédit titré, n° 99-20046, RDI 2002, p. 363, note critique G. Leguay]] portant sur une opération de réhabilitation d’une certaine envergure qui avait pour but de transformer une gare ferroviaire en immeuble en copropriété – est distincte de la précédente en ce que l’application de la responsabilité décennale n’a été retenue qu’à raison de l’importance de l’opération de rénovation d’une part, et de la nature des engagements contractés en la circonstance par un vendeur d’immeuble à construire d’autre part, peu important que les désordres ayant affecté un existant aient eu pour causes et origines l’état d’un autre existant hors de l’objet ou du champ d’application des travaux de rénovation.
Dans cet arrêt, la Cour Suprême a validé un arrêt de la Cour de Lyon qui avait retenu l’application de la garantie décennale notamment au préjudice d’un vendeur d’immeuble à construire en vertu de l’article 1641-1 du Code Civil à propos de désordres affectant les combles des appartements considérés par suite d’infiltrations provenant de toitures sur lesquelles aucun travaux n’avait été exécuté.
Pour ce faire, la Cour Suprême énonce notamment « … qu’ayant relevé que l’opération de réhabilitation, qui avait pour but de transformer une gare ferroviaire en immeuble en copropriété était, par son envergure, assimilable à des travaux de construction d’un ouvrage, que la SCI s’était engagée à vendre hors d’eau les combles, et que les infiltrations constatées affectaient cet ouvrage dans ses éléments constitutifs et le rendaient impropre à sa destination, d’où il résultait que, relevant d’une garantie légale, les désordres ne pouvaient donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun… ».
L’arrêt précité de la Cour de Lyon avait été choqué de plusieurs pourvois conduisant bien évidemment la Cour Suprême, pour valider ledit arrêt sur l’application de la garantie décennale (car il s’agit par ailleurs d’un arrêt de cassation partielle), à énoncer, pour rejeter un des moyens soutenus « …. qu’ayant relevé que les combles et les sous-sols avaient été cédés pour être aménagés, que le bureau de contrôle avait été chargé par la SCI de veiller à la compatibilité des ouvrages neufs avec les existants, que la SCI était donc tenue de livrer les ouvrages hors d’eau, ce qui nécessitait la reprise complète de la toiture vétuste et qu’il s’agissait de la construction d’un ouvrage, constaté que l’existence des désordres avait été révélée au moment de l’aménagement des combles par les acquéreurs, d’où il résultait qu’ils n’étaient pas connus antérieurement à la souscription de la police, et exactement retenu que la circonstance que la SCI n’ait pas procédé à des interventions à l’origine des désordres ne permettait pas à l’acquéreur d’échapper à la garantie due pour ces derniers … »[[ En réalité, ce dernier membre de phrase est, à notre avis, le résultat d’une « coquille » : il faut, nous semble-t-il comprendre / lire que le fait que la SCI venderesse n’ait pas procédé à des interventions à l’origine des désordres, ne lui permettent pas d’échapper à la garantie qu’elle doit aux acquéreurs.]].
37. La solution étend ainsi sensiblement, mais à tort selon nous, le champ d’application de la garantie décennale à la réparation / indemnisation des désordres affectant exclusivement l’existant (les combles à aménager) et ayant pour origine l’état d’autres existants (toiture non étanche).
Certes, on pouvait considérer que c’était par suite d’une erreur de conception des travaux de réhabilitation, que ceux-ci n’avaient pas porté sur la toiture, mais devait-on pour autant appliquer la garantie décennale alors que par ailleurs l’engagement du vendeur d’immeuble à construire pouvait et devait selon nous être retenu sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun puisqu’aussi bien il s’était agi en la circonstance d’une inexécution de sa promesse contractuelle de livrer des combles hors d’eau aménageables et devant l’être effectivement.
Certes, il y avait impropriété à destination des combles dont s’agit ou des appartements dont ils dépendaient, mais comme nous avons eu l’occasion de le dire et/ou de l’écrire déjà[[JCP N 1991, I, p. 147, spéc. n° 30]], l’impropriété à destination n’est qu’un critère parmi d’autres de l’application de la garantie décennale d’une part, tandis que sa prise en considération n’est nullement limitée au domaine des responsabilités spécifiques des constructeurs, la notion étant prise en compte tant pour les désordres affectant des travaux ne constituant pas la construction d’un ouvrage que dans celui des défauts de la chose vendue en application de la garantie de droit commun des vices cachés hors du domaine de la construction (article 1641 du Code Civil).
Le cas d’espèce ci-dessus évoqué aurait donc très bien pu, pour les raisons explicitées ci-dessus, conduire à l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun plutôt que de la responsabilité décennale s’agissant d’une promesse contractuelle du vendeur d’immeuble à construire.
38. En revanche, les réserves ci-dessus ne nous semblent pas transposables au profit du constructeur qui aurait eu une mission très étendue dans le cadre d’une rénovation lourde.
B – L’APPLICATION DE LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE DROIT COMMUN LORSQUE LES DOMMAGES AFFECTANT L’EXISTANT ONT POUR CAUSE ET ORIGINE LA REALISATION DES TRAVAUX NEUFS NE CONSTITUANT PAS LA CONSTRUCTION D’UN OUVRAGE AU SENS DE L’ARTICLE 1792 DU CODE CIVIL.
39. Dès lors que les travaux neufs ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil ou qu’ils ne s’intègrent pas à l’ouvrage existant, ils ne peuvent relever de la responsabilité décennale édictée par le texte précité.
La responsabilité contractuelle de droit commun a ici logiquement vocation à jouer un rôle résiduel ou encore supplétif. Cette application résiduelle de la responsabilité, quoique critiquée par une partie de la doctrine[[H. Périnet-Marquet, note précitée, RDI 2000, spécialement p. 487]], n’en est pas moins certaine.
Il découle de cette solution que, dès lors que les travaux neufs ne constituent pas un ouvrage immobilier au sens de l’article 1792 et qu’ils ne sont pas intégrés à l’ouvrage, la responsabilité contractuelle de droit commun est seule susceptible d’application[[En ce sens, Pau, 1ère ch., 17 mars 2003, jurisdata n° 220074 à propos d’un revêtement de piscine non constitutif d’un ouvrage et/ou d’un élément d’équipement et engageant la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée en cas de dommage causé à l’existant en l’occurrence l’atteinte à la couleur dominante de l’eau à raison de l’altération du revêtement]].
Le maître de l’ouvrage devra donc démontrer l’existence d’un dommage – par hypothèse affectant l’existant – d’une faute et d’un lien de causalité démontrant que ce sont bien les travaux réalisés qui ont causé provoqué le dommage affectant la partie existante[[Par ex. Paris, 19ème A, 24 mars 2004, jurisdata n° 236077]].
– III –
LA RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS ET ASSIMILES A RAISON DES TRAVAUX DE REPRISE DE DESORDRES AFFECTANT LES EXISTANTS.
40. On envisagera la question dans