La clause d’exclusion doit être formelle et limitée pour être valable – la faute intentionnelle implique la volonté de l’assuré de créer le dommage tel qu’il est survenu (Cass. 3e civ., 29 janvier 2008) — Karila

La clause d’exclusion doit être formelle et limitée pour être valable – la faute intentionnelle implique la volonté de l’assuré de créer le dommage tel qu’il est survenu (Cass. 3e civ., 29 janvier 2008)

Ancien ID : 591

Il appartient au juge saisi d’un litige sur la validité d’une clause d’exclusion de rechercher si, conformément aux dispositions de l’article L. 113-1 du Code des assurances, cette exclusion est suffisamment formelle et limitée.

Le juge ne saurait écarter l’application d’une police à raison d’une faute intentionnelle sans constater la volonté de l’assuré de créer le dommage tel qu’il est survenu.

1. L’arrêt rapporté aborde la question classique (et quelque fois incertaine en jurisprudence) de la validité d’une clause d’un contrat d’assurance de responsabilité décennale excluant toute garantie en cas de violation des règles de l’art.

2. En l’espèce, la société GAN IARD avait inséré, dans le contrat d’assurance décennale qu’elle avait fait souscrire à une entreprise de gros oeuvre, une clause d’exclusion non rapportée par la Cour de cassation, pas plus d’ailleurs que l’arrêt d’appel, mais semble-t-il calquée sur le libellé de la clause type qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit que « l’assuré est déchu de tout droit à garantie en cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art telles qu’elles sont définies par la réglementation en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché de travaux concerné ».

3. La Cour de Douai (CA Douai, 2e Ch. 1re sect., 16 novembre 2006, Juris-Data no 2006-340301) avait jugé, dans un arrêt du 16 novembre 2006, que les désordres affectant un immeuble, pour lequel elle avait effectué les travaux de gros oeuvre, n’étaient pas assurés au double motif que :

– les travaux n’étaient conformes ni aux prescriptions contractuelles du marché, ni aux règles de l’art ;

– les défauts ayant affecté ces travaux ne résultaient pas d’une imprudence ou d’une négligence mais procédaient d’une inobservation consciente et délibérée tant des règles de l’art que des prescriptions contractuelles.

4. La Cour de cassation va censurer cette décision pour violation des articles 455 du CPC, ensemble l’article L. 113-1 du Code des assurances.

La nature disciplinaire de cette cassation rend délicate l’interprétation de l’arrêt, à tout le moins l’appréciation de sa portée. Il semble que la Cour de cassation ait formulé deux griefs distincts à l’encontre de l’arrêt de la Cour de Douai :

– le premier grief tient au fait qu’elle n’ait pas répondu aux conclusions de l’assuré qui faisait valoir que la clause d’exclusion en question n’était ni formelle ni limitée.

– le second grief est relatif à l’insuffisance des motifs de la Cour de Douai à caractériser la volonté de l’assuré de créer le dommage.

Sur le premier grief : défaut de réponse aux conclusions (violation de l’article 455 du CPC)

6. La cassation est prononcée, au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, pour défaut de réponse aux conclusions de l’assuré.

Il en découle, a contrario, que la Cour de cassation estime que la clause en question constituait bien une clause d’exclusion et non une clause de déchéance comme le laisse à penser le libellé de la clause type précitée et comme semblait l’avoir admis par le passé la Haute Juridiction (Cass. 1re civ., 7 juillet 1998, no 96-18608, RGDA 1998.738, note A. d’Hauteville ; Cass. 3e civ., 9 juin 2004, no 03-11132).

L’arrêt semble ici admettre la qualification de clause d’exclusion retenue par la jurisprudence la plus récente (v. nt. Cass. 3e civ., 26 novembre 2003, no 01-16126, Bull. civ. 2003, III, no 205).

7. La Cour de renvoi, en la circonstance la même Cour de Douai, bien évidemment autrement composée (solution quelquefois adoptée par la Cour de cassation et qui appelle de la part des praticiens les plus expresses réserves), devra donc trancher la question de la validité de la clause d’exclusion au regard des exigences, rappelées par le présent arrêt, de l’article L. 113-1 du Code des assurances qui dispose que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

Elle devra s’inspirer de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation qui, après avoir semble-t-il admis la validité d’une clause reprenant le libellé de la clause type était valable (Cass. 3e civ., 6 mai 1998, no 96-15120 : « Mais attendu qu’ayant constaté que la clause de déchéance invoquée par la compagnie Samda Groupama reprenait les termes de l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances en cas de faute inexcusable de l’entrepreneur, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; »), semble aujourd’hui retenir une vision plus stricte.

Tel était, selon nous, le cas d’un arrêt du 15 décembre 1999 (Cass. 3e civ., 15 décembre 1999, no 98-13776) qui avait, au contraire de l’arrêt du 6 mai 1998, cassé un arrêt de la Cour de Riom qui avait admis la validité d’une clause-excluant la garantie pour les dommages non aléatoires comme ceux découlant inévitablement de la nature du travail et des modalités d’exécution des travaux fixées par l’assuré, notamment s’il n’a pas observé, de façon raisonnable, les règles de l’art définies dans les documents techniques des organismes compétents, à caractère officiel, ou à défaut par la profession-au motif « que l’imprécision concernant ces règles et les organismes compétents pour les édicter ne permettait pas à l’assuré de connaître l’étendue exacte de la garantie ».

Tel est, de manière plus nette encore, le cas de l’arrêt précité du 26 novembre 2003 qui valide un arrêt de la Cour d’Angers qui, ayant notamment relevé que la clause d’exclusion contenue au paragraphe 3-2 du contrat d’assurance visait l’ensemble des documents techniques unifiés et des normes, textes et réglementations très vastes ne permettant pas à l’assuré de déterminer avec précision l’étendue de l’exclusion, a « pu en déduire (…) que la clause d’exclusion, imprécise, n’était ni formelle, ni limitée, et était donc nulle par application de l’article L. 113-1 du Code des assurances ».

Sur le second grief : absence de caractérisation des motifs quant à la volonté de l’assuré de créer le dommage :

8. La Cour censure encore l’arrêt de la Cour de Douai, second grief, en ce qu’il a ainsi statué par des motifs qui ne caractérisent pas la volonté de l’assuré « de créer le dommage tel qu’il est survenu ».

Il semble que cette critique soit relative à l’existence d’une faute intentionnelle conduisant à l’absence de garantie de l’assureur en vertu de l’alinéa 2 de l’article L. 113-1 du Code des assurances qui dispose que « Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré. ».

La Cour de cassation rappelle ici l’interprétation stricte de la notion de faute intentionnelle. L’arrêt doit être rapproché, sur ce point, d’un arrêt publié au Bulletin du 9 novembre 2005 (Cass. 3e civ., 9 novembre 2005, no 04-11856, Bull. civ. 2005, III, no 214, RGDA 2006.632, note J. Kullmann) par lequel la troisième chambre civile a censuré un arrêt de la Cour de Chambéry qui avait dénié toute application d’un contrat d’assurance de responsabilité d’un architecte au motif que « les non finitions et malfaçons relèvent de graves négligences et d’une certaine incompétence de l’architecte, qui n’a pas respecté les règles de l’art à de multiples reprises, et a commis des erreurs de conception tant en matière d’isolation que d’étanchéité, ces agissements étant constitutifs de fautes intentionnelles », la cassation étant prononcée pour violation de l’article L. 113-1 du Code des assurances au motif qu’en statuant par de tels motifs, la Cour d’appel n’avait pas caractérisé la volonté de l’assuré de créer le dommage tel qu’il est survenu.

Source : Cass. 3ème civ., 29 janv. 2008, n° 07-10747

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J.-P. Karila , C. Charbonneau – RGDA 2008 – 2 – p. 378

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