Assurance dommagesouvrage
Offre de prêt. Obligation du banquier. Contrôle. Délivrance de l’attestation de garantie de livraison (oui). Souscription effective de l’assurance dommages ouvrage (non).
Qu’en statuant ainsi alors que la Caisse d’épargne n’était pas tenue de s’assurer de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage et que sa faute consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison était sans incidence sur l’obligation où la société Aioi s’était trouvée de mettre en jeu sa garantie, laquelle trouvait ses causes dans le contrat qu’elle avait signé et dans la liquidation judiciaire de la société CMP, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; (première espèce).
Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, qu’au delà de l’émission des offres de prêt, le banquier n’était tenu, selon la loi, de s’assurer que de la délivrance de l’attestation de garantie de livraison, à défaut de laquelle les fonds ne peuvent être débloqués, non de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage, la cour d’appel a pu en déduire que la société Aioi invoquait entre la faute et le préjudice allégués un lien de causalité qui n’était ni direct ni certain ; (deuxième espèce).
Mais attendu que le banquier n’est tenu, selon la loi, de s’assurer, après l’émission de l’offre de prêt, que de la délivrance de l’attestation de garantie de livraison, à défaut de laquelle les fonds ne peuvent être débloqués, et non de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage ; qu’ayant, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation des clauses du contrat souscrit le 20 décembre 1999 par M. et Mme X… et la société Laurent bâtiment, retenu que ce contrat contenait la référence à la garantie de livraison à prix et délai convenus ainsi qu’à l’obligation faite aux maîtres de l’ouvrage d’avoir obtenu une assurance dommages ouvrage et que l’obligation pesant sur le prêteur consistait à vérifier l’existence de ces mentions dans le contrat de construction, la cour d’appel a pu retenir qu’en émettant son offre de prêt le 27 janvier 2000, la banque n’avait commis aucune faute ; (troisième espèce).
1) Cour de cassation (3e Ch. civ.) 8 septembre 2010 Pourvoi no 09-68652
Publié au Bulletin
La Cour,
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 avril 2009), que M. et Mme X… ont conclu avec la société CMP, depuis lors en liquidation judiciaire, un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans sous la condition suspensive de la souscription d’une police « dommages ouvrage » par le constructeur mandaté à cet effet, une garantie d’achèvement à prix et délais convenus ayant été souscrite auprès de la société Cogerift, aux droits de laquelle se trouve la société Aioi ; que pour financer l’acquisition du terrain et la construction de la maison, les maîtres de l’ouvrage ont souscrit un emprunt auprès de la Caisse d’épargne Provence-Alpes-Corse (la Caisse d’épargne) ; qu’en cours de travaux, la société CMP a abandonné le chantier à la suite de la liquidation judiciaire dont elle a fait l’objet ; que la société Aioi a versé à M. et Mme X… une somme pour terminer la construction, puis, en a demandé le remboursement à la Caisse d’épargne ;
Sur le second moyen :
Vu les articles L. 231-10 et L. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation, ensemble l’article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la Caisse d’épargne à payer à la société Aioi des sommes à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que la garantie de cette société a été mobilisée au bénéfice des époux X… après la défaillance du constructeur CMP, alors que le contrat de construction de maisons individuelles liant CMP aux maîtres de l’ouvrage était caduc, faute d’assurance dommages ouvrage, ce que devait immédiatement relever la Caisse d’épargne, que la société AIOI a donc à ce titre subi un préjudice résultant directement des fautes commises par la Caisse d’épargne et correspondant à la somme de 35 063,27 euros qu’elle a, en vertu de ses obligations, versée aux maîtres de l’ouvrage ;
Qu’en statuant ainsi alors que la Caisse d’épargne n’était pas tenue de s’assurer de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage et que sa faute consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison était sans incidence sur l’obligation où la société Aioi s’était trouvée de mettre en jeu sa garantie, laquelle trouvait ses causes dans le contrat qu’elle avait signé et dans la liquidation judiciaire de la société CMP, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 16 avril 2009, entre les parties, par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
2) Cour de cassation (3e Ch. civ.) 5 octobre 2010 Pourvoi no 09-69921
La Cour,
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2009), que M. et Mme X…, maîtres d’ouvrage, après avoir acquis une parcelle de terrain, ont signé avec la société Confort construction un contrat de construction de maison individuelle sous diverses conditions suspensives dont celle de l’obtention d’une assurance « dommages ouvrage » et d’une garantie de parfait achèvement ; que, pour financer cette opération, deux offres de prêt ont été formulées par la caisse de crédit mutuel de Bannelec, (le banquier) acceptées par les époux X… ; que la société Aioi Insurance Company of Europe Ltd (société Aioi) a délivré, le 5 mars 1999, une attestation de garantie de livraison à prix et délai convenus ; que les travaux ont débuté le 15 mars 1999, sans que l’assurance « dommages ouvrage » ait été souscrite ; que le banquier a procédé au déblocage des fonds en l’étude du notaire le 25 mars 1999 ; que le chantier a été interrompu le 8 juin 1999 à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Confort construction ; que la société Aioi a mis en œuvre sa garantie en finançant les travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble ; qu’alléguant un surcoût de son intervention par rapport au prix garanti, elle a demandé au banquier le remboursement de la différence au motif que ce dernier avait commis une faute en débloquant les fonds avant même la justification de la souscription d’une assurance « dommages ouvrage », ce qui lui avait occasionné un préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Aioi fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir condamner la banque à lui payer la somme de 42 868, 32 euros en principal, alors selon le moyen, que le contrat de construction doit comporter la référence de l’assurance de dommage souscrite par le maître d’ouvrage en application de l’article L. 242-1 du Code des assurances à peine de nullité du contrat et qu’aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte ladite référence ; qu’il s’ensuit que le banquier ne peut pas mettre les fonds à disposition sans vérifier que l’assurance dommages ouvrage a effectivement été souscrite ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 231-2 et L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, ensemble l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant constaté que la banque avait émis deux offres de prêt au vu du contrat de construction de maison individuelle signé par les époux X…, portant mention d’une condition suspensive relative à la souscription par le constructeur d’une police dommages ouvrage au plus tard lors de l’ouverture du chantier, et exactement retenu que l’organisme prêteur ne pouvait exiger plus ample mention, à ce stade de son intervention, elle-même nécessaire à la réalisation de la condition suspensive relative aux prêts, le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Aioi faif grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir condamner la banque à lui payer la somme de 42 868, 32 euros en principal, alors selon le moyen, que constitue une cause du dommage engageant la responsabilité de son auteur tout fait qui a été une condition nécessaire de la réalisation du dommage, c’est à dire sans laquelle celui-ci ne se serait pas produit ; qu’en l’espèce, si la banque n’avait pas débloqué les fonds avant d’avoir eu communication de la référence de l’assurance dommages ouvrage, le chantier n’aurait jamais démarré, le contrat de construction aurait été caduc, de sorte qu’il n’y aurait pas eu de défaillance du constructeur et donc pas de mise en jeu de la garantie de livraison ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1382 et suivants du Code civil ;
Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, qu’au-delà de l’émission des offres de prêt, le banquier n’était tenu, selon la loi, de s’assurer que de la délivrance de l’attestation de garantie de livraison, à défaut de laquelle les fonds ne peuvent être débloqués, non de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage, la cour d’appel a pu en déduire que la société Aioi invoquait entre la faute et le préjudice allégués un lien de causalité qui n’était ni direct ni certain ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette…
3) Cour de cassation (3e Ch. civ.) 5 octobre 2010 Pourvoi no 09-69922
La Cour,
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 11 juin 2009), que M. X… et Mme Y…, maîtres d’ouvrage, ont signé, le 20 décembre 1999, avec la société Laurent bâtiment un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans et sous diverses conditions suspensives, notamment, celle de l’obtention d’une assurance « dommages ouvrage » et d’une garantie de livraison à prix et délais convenus ; qu’ils ont, pour financer l’opération, sollicité le concours du Crédit industriel de Normandie, aux droits duquel se trouve la Banque Scalbert Dupont Cin (la banque) qui a émis, le 27 janvier 2000, une offre de prêt acceptée par les maîtres de l’ouvrage le 12 février 2000 ; que la société AIOI Insurance Company of Europe Ltd (société AIOI) a délivré, le 26 janvier 2000, une garantie de livraison à prix et délai convenus, les travaux ayant débuté le 21 décembre 1999, que l’assurance « dommages ouvrage » a été souscrite le 4 février 2000 auprès de la société Axa courtage IARD ; que le chantier a été interrompu au mois de juin 2000 à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Laurent bâtiment ; que la société AIOI a mis en œuvre sa garantie en finançant les travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble, puis a sollicité de la banque la réparation du préjudice subi à la suite du manquement de cette dernière à ses obligations légales ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société AIOI fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir condamner la banque à lui payer la somme de 114 748,35 euros, en principal, alors, selon le moyen :
1o/ qu’aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte la référence de l’assurance de dommages souscrite par le maître de l’ouvrage en application de l’article L. 242-1 du Code des assurances qui doit y figurer au moment où l’acte lui est transmis ; qu’en décidant que la banque n’avait pas commis de faute en émettant une offre de prêt le 27 janvier 2000, quand il résultait de ses constatations que l’assurance de dommages devait être souscrite au plus tard à la date d’ouverture du chantier, que celui-ci avait démarré dès le 21 décembre 1999 et que la société Axa courtage IARD n’avait délivré une assurance de dommages que le 4 février suivant, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses constatations, a violé les articles L. 231-2 et L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, ensemble l’article 1382 du Code civil ;
2o/ qu’aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte la référence de l’assurance de dommages souscrite par le maître de l’ouvrage en application de l’article L. 242-1 du Code des assurances qui doit y figurer au moment où l’acte lui est transmis ; qu’en décidant, pour écarter la faute de la banque au stade de l’émission de l’offre de prêt, que la référence faite dans le contrat de construction à l’obligation faite au maître de l’ouvrage d’obtenir une assurance de dommages constituait la référence exigée par la loi, la cour d’appel a encore violé les articles L. 231-2 et L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation ;
3o/ que le contrat de construction stipulait que le constructeur se chargeait de souscrire une assurance dommages ouvrage au plus tard à l’ouverture du chantier ; qu’en retenant, pour écarter la faute du banquier au stade de l’émission de l’offre de prêt, que le constructeur avait jusqu’au 19 mars pour mettre en place la garantie, quand il résultait du contrat que l’assurance de dommages aurait dû être souscrite dès l’ouverture du chantier, le 21 décembre 1999, la cour d’appel a dénaturé les stipulations claires et précises du contrat de construction, en violation de l’article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que le banquier n’est tenu, selon la loi, de s’assurer, après l’émission de l’offre de prêt, que de la délivrance de l’attestation de garantie de livraison, à défaut de laquelle les fonds ne peuvent être débloqués, et non de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage ; qu’ayant, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation des clauses du contrat souscrit le 20 décembre 1999 par M. et Mme X… et la société Laurent bâtiment, retenu que ce contrat contenait la référence à la garantie de livraison à prix et délai convenus ainsi qu’à l’obligation faite aux maîtres de l’ouvrage d’avoir obtenu une assurance dommages ouvrage et que l’obligation pesant sur le prêteur consistait à vérifier l’existence de ces mentions dans le contrat de construction, la cour d’appel a pu retenir qu’en émettant son offre de prêt le 27 janvier 2000, la banque n’avait commis aucune faute ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs :
Rejette…
Note
1. Les trois arrêts rapportés traitent de la question de savoir si le banquier prêteur de denier a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis du garant de livraison de maison individuelle dans l’hypothèse où ledit banquier a débloqué les fonds empruntés au bénéfice du maître d’ouvrage sans avoir été en possession de la référence de l’assurance dommages ouvrage souscrite au profit de ce dernier et sans s’être a fortiori préalablement assuré de la souscription effective de ladite assurance.
La première espèce traite également de la question de savoir si la faute du banquier consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison avait une incidence sur l’obligation du garant de livraison de mettre en jeu sa garantie.
2. On rappellera en préambule :
1o/ que si le banquier est soumis, en application de l’article L. 231-10 du Code de la construction et de l’habitation, à la double contrainte :
• de ne pouvoir émettre son offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte les énonciations mentionnées à l’article L. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis, énonciations parmi lesquelles comptent, en vertu de l’article L. 231-2, j) et k) du même code « la référence de l’assurance de dommages souscrite par le maître de l’ouvrage, en application de l’article L. 242-1 du Code des assurances » d’une part et « les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat » d’autre part ;
• et de ne pouvoir débloquer les fonds s’il n’a pas eu communication de l’attestation de garantie de livraison ;
2o/ le contrat de construction de maison individuelle peut, en application de l’article L. 231-4 d) et e) du Code de la construction et de l’habitation, être conclu sous la condition suspensive de l’obtention de l’assurance de dommages et de la garantie de livraison.
En sorte que le banquier à qui est présenté le contrat de construction de maison individuelle assorti de la condition suspensive de l’obtention de l’assurance dommages ouvrage et de la garantie de livraison, n’est par définition pas en mesure avant l’émission de son offre de prêt, de vérifier la souscription de l’assurance et la conclusion de la garantie qui ne sont, de facto et de jure, pas encore intervenues.
3. La première question posée dans le cadre des trois arrêts rapportés était de savoir si le banquier prêteur de dernier a commis une faute engageant sa responsabilité vis-à-vis du garant de livraison de maison individuelle qui avait exécuté ses propres obligations contractuelles ensuite de la défaillance du constructeur, pour avoir débloqué les fonds empruntés au bénéfice du maître d’ouvrage sans avoir été en possession de la référence de l’assurance dommages ouvrage et sans a fortiori s’être préalablement assuré de la souscription effective de ladite assurance.
Les trois espèces y apportent une réponse homogène qui exonère le banquier de toute responsabilité, ce dans des situations factuelles et termes assez semblables.
4. La deuxième espèce (Cass. 3e civ., 5 octobre 2010, no 09-69921) présente une situation dans laquelle un garant de livraison de maison individuelle, fâché d’avoir eu à financer les travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble après un abandon du chantier du constructeur, fait alors grief au banquier prêteur de deniers d’avoir débloqué le fonds avant la justification de la souscription d’une assurance dommages ouvrage, en demandant la condamnation dudit banquier à lui rembourser la différence entre le surcoût de son intervention et le prix garanti. Au soutien de sa demande, le garant expliquait que si la banque n’avait pas débloqué les fonds avant d’avoir eu communication de la référence de l’assurance dommages ouvrage dont l’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation énonce (comme dit ci-dessus) qu’elle doit figurer au contrat de construction de maison individuelle, le chantier n’aurait jamais démarré, le contrat de construction aurait été caduc, en sorte qu’il n’y aurait pas eu de défaillance du constructeur et donc pas de mise en jeu de la garantie de livraison.
Au premier moyen relatif au défaut de vérification par le banquier de la référence de l’assurance dommages ouvrage dont la souscription au plus tard lors de l’ouverture du chantier constituait une condition suspensive du contrat de construction, la Cour de cassation répondra qu’il n’était pas fondé dès lors que « l’organisme prêteur ne pouvait exiger plus ample mention, à ce stade de son intervention, elle-même nécessaire à la réalisation de la condition suspensive relative aux prêts… » ; et au second moyen relatif au lien de causalité avec le préjudice allégué, qu’il n’était pas plus fondé dès lors que « …le banquier n’était [pas] tenu, selon la loi, de s’assurer…, de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage, », en sorte que « la cour d’appel a pu en déduire que la société Aioi invoquait entre la faute et le préjudice allégués un lien de causalité qui n’était ni direct ni certain ; ».
5. La troisième espèce (Cass. 3e civ., 5 octobre 2010, no 09-69921) présente une situation factuelle identique quant à la date de la souscription de l’assurance dommages ouvrage puisque celle-ci l’a été postérieurement à la conclusion du contrat de construction de maison individuelle dont ladite souscription constituait précisément une des conditions suspensive. Après avoir rappelé que le banquier ne pouvait débloquer les fonds sans délivrance de l’attestation de garantie de livraison d’une part et constaté d’autre part que ledit contrat contenait la référence à la garantie de livraison à prix et délai convenus d’ores et déjà conclue ainsi qu’à l’obligation faite aux maîtres de l’ouvrage d’avoir obtenu une assurance dommages ouvrage, la Cour de cassation a considéré que c’était par une interprétation souveraine que la Cour d’appel avait pu retenir que la banque n’avait commis aucune faute à l’émission de son offre de prêt puisqu’elle avait satisfait à « l’obligation pesant sur le prêteur [qui] consistait à vérifier l’existence de ces mentions dans le contrat de construction… ».
6. À l’occasion de la première espèce (Cass. 3e civ., 8 sept. 2010, no 09-68652, Bull. civ. III), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui avait condamné le banquier à payer des dommages et intérêts au garant de livraison au motif de la caducité du contrat de construction de maison individuelle du fait d’un défaut de souscription de l’assurance dommages ouvrage.
Son résumé est clair : « Lorsque la souscription d’une assurance dommages ouvrage est érigée en condition suspensive du contrat de construction de maison individuelle, le banquier prêteur n’est pas tenu de s’assurer de la souscription effective d’une assurance dommages ouvrage. »
7. Ces décisions ne sont pas nouvelles puisque trois récents arrêts – que nous avons récemment eu l’occasion de commenter dans ces mêmes colonnes – (Cass. 3e civ., 2 décembre 2009, no 08-70246 ; Cass. 3e civ., 15 décembre 2009, no 08-21682 ; Cass. 3e civ., 16 décembre 2009, no 08-70143 ; RGDA 2010, p. 104, note J.-P. Karila et L. Karila) avaient déjà énoncé que le banquier prêteur de deniers n’était pas légalement tenu de s’assurer de la souscription effective de l’assurance dommages ouvrage en sorte qu’il ne commettait pas de faute en débloquant les fonds aux fins de la réalisation de travaux d’une construction de maison individuelle assorti d’une condition suspensive de la souscription de l’assurance sus évoquée.
C’est encore en ce sens que la troisième chambre civile avait déjà statué le 25 février 2009 (Cass. 3e civ., 25 février 2009, no 08-12297, RDI 2009, p. 309) et le 12 septembre 2007 (Cass. 3e civ., 12 septembre 2007, no 06-16521, Bull. civ. III, no 134, RDI 2007, p. 226, note P. Dessuet).
8. La seconde des questions traitées, seulement par la 1re espèce (Cass. 3e civ., 8 septembre 2010, no 09-68652, Bull. civ. III ; RCA 2010, comm. no 325, Hubert Groutel), était celle de savoir si la faute du banquier consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison avait une incidence sur l’obligation du garant de livraison de mettre en jeu sa garantie.
La Cour de cassation y répond tout aussi clairement dans son résumé en énonçant que « [La] faute [du banquier prêteur], consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison est sans incidence sur l’obligation où le garant d’achèvement s’est trouvé de mettre en jeu sa garantie, laquelle trouve ses causes dans le contrat qu’elle a signé et dans la liquidation judiciaire du constructeur ».
9. C’est à notre connaissance la seconde fois que la 3e chambre civile statue en ce sens, ensuite de son arrêt du 31 mars 2010 (Cass. 3e civ., 31 mars 2010, no 09-66167, Bull. civ. III, no 70 ; RGDA 2010, p. 725, note J.-P. Karila et L. Karila ; Constr.-urb. 2010, comm. no 94, note C. Sizaire).
Si elle avait en effet par le passé énoncé :
• que « Lorsque le contrat de construction de maison individuelle est conclu sous conditions suspensives de l’obtention de l’assurance dommages ouvrage et de la garantie de livraison, le banquier n’a pas, lors de l’émission de son offre de prêt, l’obligation de vérifier que ces conditions sont réalisées. » (Cass. 3e civ., 16 décembre 2009, no 08-70143 ; RGDA 2010, p. 104, note J.-P. Karila et L. Karila) ;
• et que le déblocage des fonds avant délivrance de la garantie de livraison par le banquier n’était pas critiquable dés lors que la partie des fonds ainsi débloquée n’avait servi qu’à l’achat du terrain et non pas à la construction de la maison individuelle elle-même la troisième chambre civile avait jugé le 12 septembre 2007 (Cass. 3e civ., 12 septembre 2007, no 06-16521, Bull. civ. III, no 134, RDI 2007, p. 226 note P. Dessuet) ;
• et que les deux banquiers en cause dans une autre espèce n’avait pas commis de faute en débloquant les fonds sans avoir eu communication de l’attestation de la garantie de livraison, au motif que le contrat de construction de maison individuelle avait été conclu sous la condition suspensive de l’obtenir d’une garantie de livraison (Cass. 3e civ., 2 décembre 2009, no 08-70246 ; RGDA 2010, p. 104, note J.-P. Karila et L. Karila) ;
• elle avait pris le soin de rappeler en préambule de deux de ses décisions validant des arrêts d’appel exonérant le banquier de toute responsabilité du fait de l’absence de vérification de la souscription effective d’une assurance dommages ouvrage, que le banquier ne pouvait valablement débloquer les fonds avant la délivrance de la garantie de livraison, et ce à l’occasion de deux arrêt qui laissaient apparaître que la délivrance de la garantie ne constituait pas une condition suspensive du contrat de construction de maison individuelle (Cass. 3e civ., 15 décembre 2009, no 08-21682 ; RGDA 2010, p. 104, note J.-P. Karila et L. Karila ; Cass. 3e civ., 25 février 2009, no 08-12297, RDI 2009, p. 309).
10. Le 31 mars 2010, la 3e chambre civile s’était prononcée avec une sévérité encore accrue à l’encontre du garant de livraison sur les conséquences du défaut de respect par le banquier de ne se départir des fonds qu’après avoir été en possession de l’attestation de garantie, en considérant que cette faute était sans influence sur l’obligation de mise en jeu de la garantie du garant de livraison laquelle trouvait ses causes dans le contrat qu’il avait signé et dans la liquidation de l’entrepreneur (Cass. 3e civ., 31 mars 2010, no 09-66167, Bull. civ., III, no 70 ; RGDA 2010, p. 725, note J.-P. Karila et L. Karila ; Constr.-urb. 2010, comm. no 94, note C. Sizaire).
Son résumé énonçait comme suit :
« Une cour d’appel qui constate qu’à la date du déblocage des fonds les travaux étaient déjà commencés et qu’il ne ressortait d’aucune des pièces versées aux débats que les maîtres de l’ouvrage auraient eu l’intention de se prévaloir de la caducité du contrat, ou de sa nullité, ni qu’ils auraient souhaité en poursuivre la résiliation, peut en déduire que la faute du prêteur consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison était sans influence sur l’obligation où le garant de livraison s’était trouvé de mettre en jeu sa garantie, laquelle trouvait ses causes dans le contrat qu’il avait signé et dans la liquidation judiciaire du constructeur de maison individuelle ».
À l’occasion de son arrêt du 8 septembre 2010, la Cour de cassation ne s’embarrasse plus, comme elle le faisait à l’occasion de son arrêt du 31 mars 2010, de rappeler que la Cour d’appel avait constaté « qu’à la date du déblocage des fonds les travaux étaient déjà commencés et qu’il ne ressortait d’aucune des pièces versées aux débats que les maîtres de l’ouvrage auraient eu l’intention de se prévaloir de la caducité du contrat, ou de sa nullité, ni qu’ils auraient souhaité en poursuivre la résiliation », pour conclure au défaut de lien de causalité entre la faute du banquier et l’obligation de paiement du garant de livraison, puisque qu’elle énonce désormais plus sèchement que « [La] faute [du banquier], consistant à avoir débloqué les fonds avant d’avoir été en possession de l’attestation de garantie de livraison est sans incidence sur l’obligation où le garant d’achèvement s’est trouvé de mettre en jeu sa garantie, laquelle trouve ses causes dans le contrat qu’elle a signé et dans la liquidation judiciaire du constructeur ».
On citera encore des décisions de cour d’appel qui statuent dans le même sens (CA Paris, Pôle 5, Chambre 6, 24 juin 2010, JurisData no 2010-018303 ; CA Paris, 15e Ch. 14 novembre 2008, JurisData no 2008-375153 ; CA Paris, 15e Ch. 27 avril 2006, JurisData no 2006-316378).
Voilà de quoi libérer plus encore les inquiétudes des banquiers et renforcer celles des garants de livraison.
L. Karila – RGDA n° 2011-01, P. 147