Ancien ID : 593
Assurance construction – Assurance tous risques chantiers – Habilitation du Syndic de copropriété. Article 55 du Décret du 11 mars 1967. Renonciation à recours. Interprétation nécessaire.
Source : Cass. 3e civ., 21 mai 2008, n° 06-20587
1. L’arrêt rapporté, rendu à l’occasion d’une espèce où les travaux de construction d’un chantier considéré avaient provoqué des dommages matériels à un immeuble voisin, dommages relevant en conséquence d’une réparation/indemnisation sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage postulant un régime de responsabilité autonome et totalement indépendant de toute notion de faute ou de garde[1], présente un double intérêt :
– celui de mettre en relief la tendance de la jurisprudence à apprécier de façon plus libérale ou encore moins « sévère » qu’auparavant les conditions de fait auxquelles sont subordonnées le respect des dispositions de l’article 55 du Décret du 17 mars 1967,
– celui de traiter de la portée d’une clause à renonciation à recours stipulée dans une police Tous Risques Chantier (TRC),
étant précisé que l’arrêt rapporté a été rendu suite à un certain nombre de pourvois principaux et d’un pourvoi provoqué dont les moyens ne sont pas tous reproduits ci-dessus, seuls ceux en rapport avec le double intérêt ci-dessus évoqué l’ayant été.
I. Sur l’habilitation du Syndic de copropriété
2. Le premier alinéa de l’article 55 du Décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la Loi no 65-557 du 10 juillet 1965, modifiée par une loi du 31 décembre 1985, le Décret pris en application de ce texte l’ayant été en application d’un Décret no 86-768 du 9 juin 1986, énonce :
« Le Syndic ne peut agir en justice au nom du Syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ».
Le contentieux relatif à l’interprétation de ce texte est très fourni dans le cadre des litiges opposant les Syndicats des copropriétaires à des constructeurs et/ou les assureurs de ceux-ci, lesquels ont intérêt à opposer systématiquement aux Syndics de copropriété la fin de non-recevoir constituée par le défaut du droit d’agir au sens de l’article 122 du Code de Procédure Civile pour absence ou irrégularité de l’habilitation donnée auxdits Syndics d’introduire la procédure.
3. La jurisprudence rendue à cet égard est assez fluctuante et nécessairement dépendante des conditions de fait de l’espèce considérée.
On peut néanmoins dire qu’alors que jusqu’à ces dernières années, la jurisprudence appréciait de façon restrictive les conditions de la régularité de l’habilitation donné au Syndic d’agir à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs, elle est désormais, semble-t-il moins « sévère » quant à ce et donc plus favorable aux intérêts du Syndicat des copropriétaires c’est-à-dire en définitive de la victime ou tiers lésé par les désordres de construction.
C’est ainsi notamment que s’il a été jugé que :
– l’autorisation donnée par l’assemblée générale d’engager une procédure devant le Tribunal de Grande Instance « afin qu’il soit remédié à tous les désordres signalés dans la copropriété, notamment ceux relevant de la garantie décennale » n’est pas régulière au sens de l’article 55 du Décret du 17 mars 1967 (Cass. 3e civ., 28 juin 1995, no 93-11751, Bull. civ. III, no 106 ; RDI 1995, p. 789, obs. P. Capoulade et C. Giverdon ; D. 1998, p. 277, note P. Capoulade) ;
– l’autorisation d’engager la procédure sans que soit indiquées ni la nature exacte des désordres affectant l’ouvrage, ni sa propre étendue, ne saurait s’analyser en une autorisation au sens de l’article 55 du Décret du 17 mars 1967, les comptes rendus du conseil syndical résumant les procédures en cours ou l’adhésion des copropriétaires ne pouvant combler cette lacune (Cass. 3e civ., 2 octobre 2002, no 01-02073, Bull. civ. III, no170) ;
– ne donne de base légale à sa décision, une cour d’appel qui retient qu’une assemblée générale a, en raison de l’apparition de désordres, décidé d’engager une action judiciaire à l’encontre du promoteur en vue de le contraindre à finir l’immeuble, à réaliser des travaux de sécurité et à obtenir la délivrance du certificat de conformité, et estime en conséquence que l’habilitation donnée à cet égard au Syndic était régulière alors que ladite habilitation ne précise pas les désordres pour la réhabilitation desquels elle avait été donnée (Cass. 3e civ., 4 décembre 1996, no 95-10558, inédit).
En revanche, il a été jugé postérieurement aux décisions ci-dessus invoquées (sauf pour l’une d’entre-elles) que :
– l’autorisation d’ester au fond en justice au titre de « désordres constatés ou pouvant survenir dans la copropriété » a été considérée comme valide par la Haute Juridiction alors même qu’elle se référait à des désordres non spécifiés ou encore révélés, et ce au motif que la rubrique « affaire décennale et malfaçons » du rapport d’activité présenté par le Syndic, lors de l’assemblée générale, informait les copropriétaires de l’existence de désordres consécutifs à la corrosion des tuyauteries d’eau chaude, que l’autorisation avait été donnée au vu de ce rapport, de sorte que la cour d’appel avait « pu en déduire que ces autorisations l’avaient été pour la réparation de ces désordres » (Cass. 3e civ., 12 décembre 2001, no 98-22950, Bull. civ.III, no148 ; RGDA 2002.423, note H. Perrinet-Marquet ; D. 2003, p. 1328, obs. C. Giverdon ; RDI 2002, p. 86, obs. Ph. Malinvaud) ;
– le Syndicat poursuivant la réparation de désordres de construction était recevable en sa demande alors que l’autorisation à agir donnée au Syndic n’indiquait pas le détail des désordres concernés, ni n’identifiait les parties que l’assemblée générale des copropriétaires autorisait le Syndic à mettre en cause, et ce au motif que l’autorisation du Syndic à agir contre les responsables des désordres affectant l’immeuble, lui permettait « d’engager toutes actions qui sont dans la logique de l’habilitation consentie » (Cass. 3e civ., 26 mars 2003, no 01-15385, inédit) !… ;
– une cour d’appel viole l’article 55 du Décret du 17 mars 1967 dès lors qu’elle déclare irrecevable l’action du Syndicat des copropriétaires au motif que si la référence, dans le procès-verbal de l’assemblée générale, à l’ensemble des désordres visés dans le rapport d’expertise était suffisante dans la mesure où les copropriétaires en avaient eu connaissance et qu’ils étaient ainsi pleinement informés des désordres dont ils poursuivaient la réparation, l’absence d’énumération précise du nom des constructeurs, et notamment de leurs assureurs, vicie la résolution de l’assemblée générale qui ne peut constituer une habilitation pour le Syndic en raison des termes généraux employés qui ne permettent pas d’individualiser les constructeurs et de rechercher le notaire et la venderesse des terrains, la Cour de cassation ayant censuré une telle décision au motif que la loi n’exige pas que l’autorisation précise l’identité des personnes devant être assignées et qu’à défaut de décision limitant les pouvoirs du Syndic, l’autorisation donnée vaut à l’égard de l’ensemble des personnes concernées par les désordres signalés ou identifiés dans le rapport d’expertise que ceux que l’autorisation mentionnait ainsi qu’à l’égard de leur assureur (Cass. 3e civ., 29 janvier 2003, no 01-01483, Bull. civ. III, no 20 ; D. 2003, p. 1327, note C. Giverdon, RDI 2003, p. 189, note Ph. Malinvaud), (déjà dans le même sens en ce qui concerne l’absence de désignation des locateurs d’ouvrage à assigner voir Cass. 3e civ., 4 décembre 2002, no 00-18022, Bull. civ. III, no 248, RDI 2003, p. 189, Ph. Malinvaud).
– une cour d’appel a pu déduire, l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires mentionnant « le vote de la résolution donnant pouvoir au Syndic pour engager des procédures concernant les problèmes de toitures (structure et étanchéité) » d’une part, tandis que l’indication dans la troisième résolution de l’assemblée générale que « les copropriétaires réunis en assemblée générale mandate à l’unanimité le Syndic… pour engager toute procédure à l’encontre des entreprises et des compagnies d’assurance et à l’effet d’obtenir réparation des désordres ou malfaçons affectant les parties communes de l’immeuble » d’autre part, que ladite assemblée des copropriétaires avait été expressément informée des désordres à réparer et qu’en l’absence de décision limitant les pouvoirs du Syndic, l’autorisation valait à l’égard de l’ensemble des personnes concernées par l’obligation de garantie (Cass. 3e civ., 20 octobre 2004, no 02-21576 inédit).
4. L’arrêt rapporté s’inscrit dans l’esprit de ces dernières décisions.
En l’espèce, l’assemblée générale des copropriétaires avait ratifié « les procédures en cours et notamment l’assignation… » et avait donné « mandat au Syndic pour poursuivre et intenter toutes procédures au fond et en référé contre la Cité Mondiale du Vin [maître d’ouvrage à l’opération de construction qui avait provoqué des dommages à l’immeuble voisin, copropriété, dommage dont le Syndicat requérant sollicitait l’indemnisation] les entreprises et les assureurs concernés par les travaux… pour obtenir réparation des désordres aux parties communes et leurs conséquences privatives décrites dans les rapports ou notes » de l’expert judiciaire.
Il était reproché à la Cour de Bordeaux d’avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité de l’action du Syndicat des copropriétaires, faute d’habilitation régulière du Syndic alors qu’elle avait constaté que le rapport d’expertise judiciaire avait été déposé après le vote de l’assemblée générale des copropriétaires qui avait conféré mandat au Syndic pour agir contre les constructeurs en réparation de désordres sans autre désignation précise desdits désordres et locateurs d’ouvrage concernés, mais la Cour de cassation rejette le moyen en se référant, semble-t-il, à d’autres rapports voire simplement à des notes de l’expert judiciaire et estimant en conséquence que l’habilitation précisait suffisamment la nature de la procédure suivie, l’objet de celle-ci, les parties de l’immeuble concernées par les désordres ainsi que les personnes visées et que la Cour de Bordeaux en avait exactement déduit que l’action engagée par le Syndic sur le fondement du trouble anormal de voisinage était recevable.
II. Sur la portée et l’étendue de la clause de la renonciation à recours
5. La police TRC stipulait de facto et de jure :
– une assurance de choses concernant les dommages pouvant affecter « Les biens assurés » d’une part,
– et une assurance de responsabilité dont l’objet était de garantir « les conséquences pécuniaires pouvant incomber aux assurés en raison des dommages corporels et/ou matériels et les dommages immatériels à la suite d’incident causé au tiers, imputable à l’exécution de l’ouvrage et trouvant son origine sur le lieu du chantier » d’autre part.
Étant précisé qu’au titre du contrat d’assurance précité avaient la qualité d’assurés, le maître de l’ouvrage de l’opération de construction d’une part et semble-t-il les différents intervenants à l’acte de construire d’autre part.
6. Les dommages objet du litige étant des dommages causés à des tiers, en l’occurrence les copropriétaires d’un immeuble voisin, leur éventuelle couverture par l’assureur ne pouvait relever que de l’assurance de responsabilité précitée.
L’assureur, qui avait délivré la police TRC, ne contestait, en conséquence et naturellement pas sa garantie à ce titre.
Néanmoins, l’assureur entendait être relevé et garanti de la charge financière représentant le coût de la réparation de ces dommages par les constructeurs auxquels lesdits dommages étaient imputables en suite, semble-t-il, d’une mauvaise méthodologie d’exécution de certains travaux de terrassement renvoyant à des erreurs de conception et d’exécution desdits travaux.
C’est ici que se cristallisera le conflit entre l’assureur Tous Risques Chantier et les constructeurs ci-avant évoqués qui prétendaient, en s’appuyant sur une clause de la police TRC, que l’assureur avait renoncé à tout recours à leur encontre.
7. À ce stade du rappel de certains des faits de l’espèce, on précisera que la police TRC comportait :
– un chapitre A intitulé « Exposé Général » composant un certain nombre de définitions notamment celle de la notion de « biens assurés » qui était définie par référence à l’ouvrage objet de l’opération de construction.
Plus précisément, l’ouvrage concerné était défini comme suit :
« La réalisation de l’ensemble des travaux nécessaires à la construction d’un immeuble de type R + 7 sur 7 sous-sol à usage de centre d’exposition, bureau et boutiques. Cette réalisation peut nécessiter la démolition de biens et pour la réalisation de biens pour compte de tiers. Cet immeuble nécessite en fondation, la réalisation de pieux et des parois moulées, de reprise en sous-oeuvre d’existant et d’aménagement de ces derniers ».
Tandis que les biens assurés étaient quant à eux définis comme :
« l’ouvrage tel que défini ainsi que les équipements, les matériels, les matériaux, les installations quelconques présentes sur le site et destinés à y être incorporés et les ouvrages provisoires et confortatifs ».
– un chapitre ou paragraphe G intitulé « Renonciation à recours » libellé comme suit :
« Les ASSUREURS renoncent à tous recours qu’ils seraient fondés à exercer (le cas de malveillance excepté) :
– contre les ASSURÉS pris ensemble ou individuellement et contre leurs personnels,
– contre les architectes, bureau d’études, ingénieurs conseils, entreprises, sous-traitants, fournisseurs et mandataires participant au chantier et leurs personnels ».
8. Le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux avait dit et jugé la prétention de l’assureur TRC infondée au motif que la clause de renonciation à recours stipulée dans le « paragraphe G » ne pouvait être considérée « comme s’appliquant uniquement à l’assurance de dommages, alors qu’elle est rédigée en termes généraux, qu’elle ne mentionne aucune exclusion, qu’elle n’est pas incluse dans le chapitre traitant de la garantie dommages et qu’aucune clause spécifique dans le détail des conditions générales ne permet de la rattacher à cette seule garantie ».
9. La Cour de Bordeaux, infirmant le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, a, en ce qui la concerne, dit et jugé que le « chapitre G » des conditions générales ne saurait être arbitrairement isolé et ne peut être examiné que par référence aux différentes définitions qui figurent dans le chapitre A « Exposé Général » affirmant immédiatement après que :
« Il en résulte que cette renonciation à recours ne peut concerner que les dommages qui ont pour lieu le site c’est-à-dire l’ensemble des emplacements et zones réservées pour la réalisation de l’ouvrage et qui ont été provoqués par la réalisation du chantier ».
10. Aux termes de leurs pourvois en cassation (deuxième moyen des constructeurs jugés responsables et de son assureur ; quatrième moyen du second constructeur jugé responsable) il était prétendu à la dénaturation des termes clairs et précis de la police ou encore plus précisément de la clause de renonciation à recours et par voie de conséquence à la violation de l’article 1134 du Code civil.
Outre le fait qu’un assureur ne peut exercer un recours subrogatoire contre son assuré (application a contrario de l’article L.121-12 du Code des assurances) il était essentiellement soutenu pour fonder le grief de violation de l’article 1134 du Code civil que la Cour de Bordeaux :
– avait arbitrairement limité le champ d’application de l’assurance aux dommages causés à l’ouvrage alors que seule la garantie « dommages » était circonscrite aux biens assurés à l’exception des dommages causés au tiers par les intervenants à la construction,
– que la clause de renonciation à recours était stipulée dans un chapitre totalement indépendant des chapitres précédents, que ce soit le chapitre A « Exposé Général » (lequel contenait les définitions ci-avant rappelé), le chapitre C « Nature des Garanties », le chapitre F « Sinistres », le chapitre I « Exclusions relatives à certaines causes de dommages et à certains préjudices », ou encore le chapitre J « Responsabilité civile », de sorte que la clause considérée se suffisait à elle-même sans référence expresse ou implicite à des chapitres précédents ou à certaines natures de sinistres ou de dommages garantis ouvrant droit ou non à recours.
11. L’assureur TRC dans son mémoire en défense soulignait essentiellement que la cour n’avait fait que se livrer à l’interprétation de la police notamment l’articulation des différentes clauses « difficilement compatibles entre-elles » la garantie « dommages » étant totalement indépendante de la garantie responsabilité civile dont l’objet est différent et venait d’ailleurs en complément des garanties des assurances individuelles des constructeurs, de sorte que la renonciation à recours stipulée dans le contrat TRC, dont l’objet principal était la garantie « dommages », ne pouvait concerner que les dommages affectant les biens assurés eux-mêmes.
Étant observé que dans ses écritures d’appel – non repris sur ce point par le mémoire en défense précité – l’assureur TRC prétendait qu’au titre de la garantie « dommages » le maître d’ouvrage et les constructeurs avaient la qualité d’assurés tandis qu’au titre de la garantie « responsabilité civile » seul le maître d’ouvrage avait cette qualité.
12. La Haute Juridiction rejette le pourvoi en énonçant qu’ayant relevé que le chapitre G de la police comportant la renonciation à recours à l’égard des intervenants à l’acte de bâtir ne pouvait être arbitrairement isolé et devait être examiné par référence aux différentes définitions générales, avait « par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation que l’ambigüité des termes de cette police rendait nécessaire, retenu qu’il en résultait que la renonciation ne pouvait concerner que les dommages qui avaient pour lieu le site de réalisation de l’ouvrage… ».
Incidemment la Haute Juridiction relève également dans le cadre de son rejet que la cour de Bordeaux n’avait « pas retenu que la Société SPRI n’avait pas la qualité d’assurée », incidente qui s’inscrit dans la logique du grief précité reproché à la Cour de Bordeaux par les demandeurs au pourvoi, d’avoir admis, contrairement aux dispositions de l’article L.121-12 du Code des assurances, le recours de l’assureur alors que le texte précité interdit tout recours subrogatoire de l’assureur contre son assuré.
Étant observé/souligné que le grief précité n’avait pas été pour autant érigé en moyen autonome conduisant à la prétention d’une violation, par refus d’application de l’article 121-12 précité du Code des assurances, mais formellement comme l’une des branches notamment du moyen de la Société SPRI et de son assureur, tendant à la violation de l’article 1134 du Code civil.
13. Si l’on fait abstraction de l’incidente ci-dessus évoquée, on observera que la validation de l’arrêt de la cour de Bordeaux s’inscrit dans le cadre d’un simple contrôle de motivation, la Haute Juridiction s’en rapportant essentiellement à l’appréciation souveraine des juges du fond, ajoutant, il est vrai, mais cela était nécessaire « sans dénaturation ».
Le commentateur de l’arrêt rapporté reste quant à lui perplexe sur la solution retenue, que l’on peut approuver ne serait-ce qu’en raison du fait que toute renonciation à recours doit être interprétée de façon restrictive y compris concernant son champ d’application, mais critiquer aussi en ce qu’elle valide le postulat d’une prétendue ambiguïté des termes de la police.
En réalité, la clause de renonciation à recours était claire et précise et ne comportait aucune ambiguïté de sorte que son application aurait pu/dû () conduire, comme l’avait admis le premier juge, à l’impossibilité pour l’assureur TRC d’exercer un recours quelconque à l’encontre des constructeurs, au demeurant ses assurés.
L’ambiguïté a été en fait « postulée » ou encore « découverte » par les juges du fond tant en première instance qu’en cause d’appel : ceux-ci en effet ont été, à notre avis, gênés en quelque sorte par le fait que le chapitre ou paragraphe G ne se référait précisément ni à l’assurance de choses ni à l’assurance de responsabilité, et ont en conséquence estimé que la clause de renonciation objet du litige devait être interprétée à la lueur des stipulations des autres chapitres…, ce qui à notre avis n’était pas nécessaire dès lors que l’absence de précision ci-dessus évoquée du domaine d’application de la clause de renonciation ne conduisait pas, selon nous, à une ambiguïté impliquant la nécessité d’une interprétation quelconque.
Procédant au rapprochement du chapitre G des autres chapitres, les juges du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux ont estimé que la clause de renonciation à recours s’appliquait aussi bien à l’assurance de choses qu’à l’assurance de responsabilité, tandis que ceux de la Cour de Bordeaux qui ont procédé à la même démarche ont adopté la solution inverse…
C’est dire qu’en définitive, tout est une question d’interprétation…
En ce sens, la solution retenue par la Haute Juridiction qui se réfère au pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond peut être considérée comme légitime.
Le rédacteur de la présente note regrettera néanmoins que l’avocat général n’ait pas exprimé son avis par écrit de sorte que nous ne saurons pas s’il a conclu à l’admissibilité ou au rejet du pourvoi…
[1] 1. Cass. 3e civ., 30 juin 1998, Bull. civ. III, no 144, RD. Immo. 1998, p. 647, obs. Ph. Malinvaud ; Cass. 3e civ., 21 juillet 1999, Bull. civ. III, no 182, RD. Immo. 1999, p. 656, obs. Ph. Malinvaud ; Rapport de Monsieur Villien dans le rapport de la Cour de cassation pour l’année 1999, RD. Immo. 2000 p. 275 ; Cass. 3e civ., 22 juin 2005, no 03.20068, Bull. civ. III, no 136, D. 2005 p. 40, commentaire J.-P. Karila , RGDA 2005.698, note J.-P. Karila ; Cass. 3e civ., 26 avril 2006, no 05-10100, D. 2006 p. 2504, RGDA 2006.696, note J.-P. Karila ; Cass. 3e civ., 20 décembre 2006, no 05-10885, Bull. civ. III, no 254, D. 2007 p. 1472, commentaire J.-P. Karila , RGDA 2007.129, note J.-P. Karila .
J.-P. Karila – RGDA 2008 – 3 – p. 685