Le montant de l’indemnité due par l’assureur DO ne dépend pas du devis présenté par le bénéficiaire de l’assurance mais du coût de la réparation des désordres visés dans la déclaration de sinistre. (Cass. 3e civ., 20 octobre 2010) — Karila

Le montant de l’indemnité due par l’assureur DO ne dépend pas du devis présenté par le bénéficiaire de l’assurance mais du coût de la réparation des désordres visés dans la déclaration de sinistre. (Cass. 3e civ., 20 octobre 2010)

Ancien ID : 838

Cour de cassation (3e Ch. civ.) 20 octobre 2010 Pourvoi no 09-69665

SDCP 15 rue Ferdinand Fabre, 75015 Paris c/ AXA FRANCE IARD

La Cour,

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 242-1 du Code des assurances et l’annexe II A 3o) à l’article A. 243-1 du même code ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2009), que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble 15 rue Ferdinand Fabre 75015 Paris (le syndicat), assuré par police dommages ouvrage auprès de la société Axa France IARD (société Axa), a, en 1991, chargé la société Sape de la réfection de l’étanchéité de la terrasse inaccessible couvrant l’immeuble ; que la réception est intervenue le 2 juillet 1991 ; qu’à la fin de l’année 2000, l’appartement, dont M. X… est propriétaire au dernier étage de l’immeuble, a été l’objet d’infiltrations ; que le syndicat a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 mai 2001, déclaré à la société Axa un sinistre « dégâts des eaux » provenant de la couverture, demandant à l’assureur d’« accélérer autant que possible la mission d’expertise, le toit étant actuellement fuyard » ; que l’expert désigné par l’assureur dommages ouvrage s’est rendu sur les lieux le 31 mai 2001 et a constaté des traces d’infiltrations dans les trois appartements du dernier étage ; que le syndicat n’a pas accepté l’indemnisation proposée, d’un montant de 4 561,24 euros toutes taxes comprises, correspondant à une réfection seulement partielle de l’étanchéité ; qu’une expertise a été ordonnée en référé le 5 février 2002 ; qu’après dépôt du rapport le 13 mai 2003, M. X… a assigné en indemnisation de ses préjudices notamment le syndicat, qui a lui-même assigné la société Axa, outre en garantie, en réparation des désordres affectant l’étanchéité de la couverture de l’immeuble ;

Attendu que pour limiter à la somme de 4 561,80 euros la garantie due par la société Axa, l’arrêt retient que le syndicat a déclaré le 15 mai 2001 un sinistre provenant de la couverture, le toit de l’immeuble étant actuellement fuyard, mais que le seul devis qu’il a présenté à l’expert avant la fin du délai décennal n’ayant porté que sur la réfection partielle de la terrasse, il y avait lieu de considérer que le seul sinistre dont l’indemnisation était recherchée était celui concerné par le devis fourni ;

Qu’en statuant ainsi, alors que pour mettre en œuvre la garantie de l’assurance de dommage obligatoire, l’assuré est seulement tenu d’effectuer dans le délai de la garantie décennale une déclaration de sinistre comportant notamment la description et la localisation du dommage, la cour d’appel, qui a retenu que l’assuré était lié quant à l’étendue du sinistre non par la déclaration de sinistre mais par le devis fourni à l’expert, a, ajoutant aux textes susvisés une condition qu’ils ne prévoient pas, violé ces textes ;

Par ces motifs :

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il condamne en tant que de besoin la société Axa France IARD à régler au syndicat la somme de 4 561,80 euros au titre de sa garantie dommages ouvrage pour les travaux de couverture et déboute le syndicat du surplus de sa demande, l’arrêt rendu le 2 avril 2009, entre les parties, par la Cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Note

1. La cassation prononcée par l’arrêt rapporté s’imposait à l’évidence tant il était clair que la cour d’appel avait manqué de clairvoyance et pourquoi ne pas le dire de bon sens… sans invoquer, à ce stade, la question de la pertinence, en droit de la solution qu’elle avait retenue.

Les faits de l’espèce sont simples : un syndicat des copropriétaires, bénéficiaire d’une assurance dommages ouvrage, souscrite à l’occasion de la réparation de l’étanchéité d’une terrasse couverture d’un immeuble, déclare, dans le délai de la garantie décennale, un sinistre « dégât des eaux » provenant de la couverture.

L’assureur met en œuvre l’expertise contractuelle de constatation et d’éventuelle indemnisation des dommages ; au cours de ladite expertise amiable le Syndicat des Copropriétaires produit un devis tandis que l’assureur dommages ouvrage propose une indemnité correspondant au montant du devis dont s’agit.

Le Syndicat des Copropriétaires refuse néanmoins l’indemnité pour un motif que la lecture de l’arrêt ne permet pas de deviner, sauf que l’on sait qu’en raison de ce refus, une expertise judiciaire a été mise en œuvre en suite de laquelle une procédure au fond a été engagée.

2. Dans le cadre de cette procédure au fond, la Cour de Paris rend une décision limitant le montant de l’indemnité à celui figurant dans le devis présenté par le Syndicat des Copropriétaires, lequel devis ne correspondait qu’à une réfection partielle de la toiture terrasse alors qu’il semble qu’une réfection totale s’imposait.

Pour ce faire la Cour de Paris avait énoncé que dès lors que le seul devis qu’avait présenté le Syndicat des Copropriétaires à l’expert désigné par l’assureur dommages ouvrage, avant la fin du délai décennal, ne portait que sur la réfection partielle de la terrasse couverture, il y avait lieu de considérer que « le seul sinistre dont l’indemnisation était recherchée était celui concerné par le devis fourni ».

3. La cassation s’imposait car la décision de la Cour de Paris aboutissait de facto et de jure à ce que l’indemnité due par l’assureur soit déterminée par la réclamation du bénéficiaire de l’assurance alors que l’assureur doit une indemnité dont l’objet et la finalité est le préfinancement de la réparation des dommages visés dans la déclaration de sinistre.

4. La Cassation n’a pas été prononcée cependant pour les motifs ci-dessus évoqués. La 3e Chambre civile, tenue par le moyen dont elle était saisie, a en conséquence et par référence aux obligations de l’assuré, censuré l’arrêt de la Cour de Paris en énonçant que l’assuré était seulement tenu d’effectuer, dans le délai de la garantie décennale, une déclaration de sinistre comportant notamment la description et la localisation du dommage et qu’ayant retenu que l’assuré était lié quant à l’étendue du sinistre non par la déclaration de sinistre, mais par le devis fourni à l’expert, elle avait ajouté à l’article L. 241-1 du Code des assurances et à l’annexe II A 3o à l’article A 243-1 du même code « une condition qu’ils ne prévoient pas ».

5. La décision ne peut qu’être approuvée, bien qu’il soit regrettable que l’arrêt n’ait pas été censuré non pas par référence aux obligations de l’assuré mais par référence aux obligations de l’assureur qui doit, quelque soit le montant de l’indemnisation qui lui est réclamée, une indemnité légale au coût de la réparation des dommages déclarés par l’assuré…

J.-P. Karila – RGDA n° 2011-01, P. 141

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