Assurance incendie – la surprime d’assurance liée à l’activité spécifique d’un copropriétaire n’a pas à être prise en charge par lui. (Cass. 3e civ., 17 mars 2010) — Karila

Assurance incendie – la surprime d’assurance liée à l’activité spécifique d’un copropriétaire n’a pas à être prise en charge par lui. (Cass. 3e civ., 17 mars 2010)

Ancien ID : 814

Assurances de risques divers – Assurance incendie – Immeuble en copropriété. Surprime d’assurance liée à l’activité spécifique d’un copropriétaire. Prise en charge par celui-ci (non). 

Ayant relevé que l’assurance souscrite par le Syndicat des Copropriétaires visait à garantir l’ensemble de l’immeuble et portait aussi bien sur les parties communes que sur les parties privatives, une cour d’appel en a exactement déduit que le paiement des primes constituait une charge relative à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, et qu’il résultait des dispositions combinées des articles 5, 10 alinéa 2 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 que la clause du règlement de copropriété qui avait pour effet de faire supporter la surprime par le copropriétaire qui en était responsable devait être réputée non écrite.

Cour de cassation (3e Ch. civ) 17 mars 2010, Pourvoi no 09-12196

La Cour,

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 2 septembre 2008), que la SCI G & P (la SCI), propriétaire de lots de copropriété dans lesquels est exploitée une discothèque, alléguant que la clause du règlement de copropriété mettant à sa charge la surprime d’assurance de l’immeuble était illégale pour être contraire aux articles 5, 10 et 43 de la loi du 10 juillet 1965, a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble les Comtes de Savoie à Chambéry (le syndicat) pour la voir déclarer non écrite ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le syndicat fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1o que les surprimes, consécutives à l’exercice de certaines activités dans une partie privative, doivent être supportées par le copropriétaire concerné ; que les juges du fond qui ont jugé qu’une clause mettant à la charge du copropriétaire le surcoût causé à la copropriété par une surprime d’assurance liée à l’activité de son locataire dans son lot privatif devait être réputée non écrite au motif que le paiement des primes d’assurance constituait une charge relative à la conservation, à l’entretien et l’administration des parties communes alors que la surprime, parfaitement distinguable de la prime d’assurance de l’immeuble, correspondait à la garantie spécifique du risque induit par l’activité de discothèque exercée par le locataire d’un copropriétaire dans son lot privatif, en soumettant une telle clause aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, a violé l’article susvisé par fausse application ;

2o que le copropriétaire responsable d’une aggravation du risque, doit assumer le coût d’une telle aggravation subie par la collectivité ; que les juges du fond qui ont constaté que l’activité de discothèque était exercée par le locataire de la SCI G & P, et qui ont admis que tout copropriétaire qui de son fait a contribué à l’aggravation du risque conduisant à la surprime d’assurance, devait en assumer le coût, mais qui ont refusé de juger justifié le fait que la SCI G & P doive assumer la charge de la surprime d’assurance liée à l’activité irrégulière exercée par son locataire dans son lot, n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, en violation des articles 1147 du Code civil et 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;

3o que par ces mêmes motifs, les juges du fond qui ont dénaturé les termes de l’article 11 du règlement de copropriété, ont violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’assurance souscrite par le syndicat visait à garantir l’ensemble de l’immeuble et portait aussi bien sur les parties communes que sur les parties privatives, la cour d’appel en a exactement déduit, sans dénaturation, que le paiement des primes constituait une charge relative à la conservation, à l’entretien et l’administration des parties communes et qu’il résultait des dispositions combinées des articles 5, 10, alinéa 2, et 43 de la loi du 10 juillet 1968 que la clause du règlement de copropriété qui avait pour effet de faire supporter la surprime par le copropriétaire qui en était responsable devait être réputée non écrite ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

Note

1.L’arrêt rapporté valide au visa de la combinaison des dispositions des articles 5, 10 alinéa 2 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 (il est indiqué par erreur matérielle 10 juillet 1968) un arrêt de la cour de Chambéry qui avait réputé non écrite une clause d’un règlement de copropriété stipulant à la charge d’un copropriétaire la surprime d’assurance liée à l’activité spécifique qu’il exerçait dans son lot privatif (exploitation d’une discothèque).

2.Une première lecture de l’arrêt peut conduire le lecteur à penser que la solution obtenue n’est pas pertinente en droit, pour être contraire au principe de la liberté contractuelle dont on discute de savoir s’il a ou non valeur constitutionnelle, mais aussi à l’équité dans la mesure où il est logique et normal, que la surprime d’assurance liée à une activité spécifique d’un copropriétaire soit assumée par celui-ci et non pas par la collectivité des copropriétaires de l’immeuble considéré.

3.La solution retenue par la Haute Juridiction n’en est pas moins conforme au droit applicable, en raison du caractère d’ordre public de certaines des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, en particulier de l’article 10 de ladite loi, son article 43 énonçant notamment que « toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37… sont réputées non écrites ».

L’article 5 de la loi précitée énonce « Dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l’établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation  ».

L’article 10 de ladite loi dispose quant à lui « Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot.

Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5.

Le règlement de copropriété publié fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges. »

4.Les modalités de répartition des charges des lots de copropriété sont donc fixées suivant la distinction opérée par l’article 10 de la loi précitée entre :

– les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement communs d’une part,

– et les charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes d’autre part,

les premières obéissant à un caractère d’utilité pour le lot considéré, les secondes étant définies uniquement par référence à la valeur des parties privatives comprises dans les lots de copropriété « tel que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5 », lequel énonce expressément, comme on l’a vu ci-dessus, qu’il n’y a pas lieu de tenir compte, pour la détermination de la quote-part des parties communes, et par conséquent des charges y afférentes, de l’utilisation du lot de copropriété concerné (comprenant une quote-part des parties privatives et une quote-part des parties communes).

De sorte que toute clause d’un règlement de copropriété qui aurait pour effet, par exemple, de conduire à un calcul des charges communes en fonction de l’utilité desdites charges pour le lot considéré ou encore en raison de l’utilisation spécifique des parties privatives dudit lot, alors que les charges en question auraient été entrainées non par des services collectifs et des éléments d’équipement commun, mais à raison de la conservation, de l’entretien, et ou de l’administration des parties communes, est réputée non écrite.

5.La validation de l’arrêt de la cour de Chambéry s’imposait donc.

On précisera ici que la lecture de l’arrêt rendu par cette juridiction, confirmant d’ailleurs un jugement du Tribunal de Grande Instance de la même ville, révèle que l’article 11 du chapitre 4 du règlement de copropriété relatif aux assurances de la copropriété disposait que les primes d’assurances « sont comprises dans les charges communes et réparties comme il est dit au titre « énumération et répartition des charges communes » et que toute surprime est à la charge personnelle de celui des copropriétaires qui en est la cause ».

En raison des stipulations ci-dessus évoquées, le Syndicat des Copropriétaires avait imputé à l’exploitant d’une discothèque qui occupait 470 m2 de la superficie totale de l’immeuble (20 820 m2) une surprime d’assurance. La cour de Chambéry, après avoir relevé que le contrat d’assurance portait de façon indivise aussi bien sur les parties communes que sur les parties privatives de la copropriété, et qu’en conséquence le paiement des primes d’assurances constituait à ce titre une charge relative à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, avait dit et jugé que la clause considérée du règlement de copropriété devait, en application de la combinaison des textes précités des articles 5, 10 alinéa 2e et 43 de la loi du 10 juillet 1965, être réputée non écrite et a en conséquence rejeté la demande du Syndicat des Copropriétaires.

6.La validation par la Haute Juridiction de l’arrêt de la cour de Chambéry est donc pertinente en droit, même si elle est susceptible d’être perçue par certains comme contraire à l’équité.

On signalera à cet égard que par un arrêt du 6 mars 2008 la cour d’appel de Paris (CA Paris, 23e Ch. B, 6 mars 2008, RG 07/09771, SCI SEVRIMO c/ SDCP de l’immeuble 13 avenue Henri Barbusse – 91140 Bondy) a adopté une solution radicalement contraire à la cour de Chambéry, en relevant que la volonté contractuelle des parties au règlement de copropriété, avait été de mettre à la charge d’un propriétaire qui exerçait dans ses lots de copropriété une activité commerciale, l’ensemble des surprimes occasionnées par l’exercice de ladite profession commerciale dans les lots de copropriété considérés, ajoutant que cette clause n’était pas illicite, que la liberté contractuelle est la règle, et la limitation l’exception, et que la mise des surprimes d’assurance à la charge de celui du fait duquel elle est due n’est pas prohibée ; que l’obligation n’est nullement sans cause puisqu’il s’agit du paiement d’une prime d’assurance ; qu’elle a une contrepartie, un article du règlement de copropriété stipulant que les lots considérés ne participaient pas à diverses charges du bâtiment d’habitation afférentes notamment à l’entretien, les ascenseurs, le chauffage et la rétribution du concierge ; que la volonté contractuelle avait été nettement de distinguer les charges selon leur utilité ; qu’il en résultait ainsi que le propriétaire des lots considérés utilisés à usage commercial devait le paiement de la surprime d’assurance liée à ladite activité commerciale.

On observera néanmoins, à la lecture de l’arrêt de la cour de Paris que le copropriétaire concerné par la surprime d’assurance n’avait pas excipé, pour critiquer la clause du règlement de copropriété dont il demandait qu’elle soit écartée, les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et en particulier de l’article 10 alinéa 2 de ladite loi.

On pourrait regretter que la cour de Paris n’ait pas, comme elle aurait pu, sinon dû le faire, soulever ce moyen d’office après avoir au préalable invité, en application de l’article 16 du Code de procédure civile, les parties à présenter leurs observations de ce chef.

J.-P. Karila, RGDA n° 2010-02, P. 438

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