A l’expiration du délai de 60 jours l’assureur doit sa garantie sans pouvoir discuter le montant nécessaire à la réparation uniquement pour les désordres concernent l’ouvrage garanti (Cass. 1e civ., 18 décembre 2002) — Karila

A l’expiration du délai de 60 jours l’assureur doit sa garantie sans pouvoir discuter le montant nécessaire à la réparation uniquement pour les désordres concernent l’ouvrage garanti (Cass. 1e civ., 18 décembre 2002)

 

Ancien ID : 133

Assurance construction. Assurance dommages ouvrage

Régime des sanctions antérieur à la loi du 31 décembre 1989 : impossibilité de discuter du coût des réparations. Garantie limitée aux seuls dommages affectant la construction assurée.

 

Si à l’expiration du délai de 60 jours, l’assureur est tenu à garantie sans pouvoir discuter les dépenses nécessaires à la réparation des désordres déclarés, encore faut-il que ceux-ci affectent la construction faisant l’objet du contrat.

Cour de cassation (1re Ch. civ.) 18 décembre 2002, n° 99-16551

GAN c/ CHRU Nîmes et autres

La Cour,

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l’article L. 241-1 du Code des assurances, dans sa rédaction antérieure à la loi no 89-1014 du 31 décembre 1989 ;

Attendu que le 9 janvier 1987 le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nîmes a déclaré un sinistre au GAN incendie accidents auprès duquel il bénéficiait de l’assurance de dommages prévue par l’article L. 242-1 du Code des assurances ; que la procédure prévue, conformément à l’annexe II de l’article A 243-1 du code précité, a été mise en oeuvre mais n’a pas abouti dans les délais impartis, l’assureur ayant refusé sa garantie le 24 juillet 1990 ; que le CHRU a assigné le GAN pour obtenir sa condamnation au paiement des travaux de reprise ;

Attendu que, pour condamner l’assureur, la cour d’appel a constaté qu’à l’expiration du délai de 60 jours à compter du 9 janvier 1987 le GAN n’avait notifié aucune offre d’indemnité ni proposé de report de délai ; qu’elle a retenu qu’en conséquence la garantie était acquise de plein droit et ne pouvait plus être discutée pour l’ensemble des dépenses nécessaires à la réparation du dommage visé dans la déclaration de sinistre et que c’est en vain que l’assureur faisait valoir les modifications apportées par le maître de l’ouvrage alors qu’il lui appartenait de contester sa garantie dans le délai imparti ;

Attendu que l’engagement de l’assureur dommages ouvrage ne peut porter que sur les désordres affectant la construction garantie ; que si, à l’expiration du délai de soixante jours, l’assureur est tenu à garantie sans pouvoir discuter les dépenses nécessaires à la réparation des désordres déclarés, encore faut-il que ceux-ci affectent la construction faisant l’objet du contrat ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme il lui était demandé, si les dommages faisant l’objet de la déclaration de sinistre pour lesquels la garantie de l’assureur était requise relevaient bien de la construction assurée par le GAN, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a condamné le GAN à payer au CHRU de Nîmes la somme de 511 090,54 F, l’arrêt rendu le 21 avril 1999, entre les parties, par la Cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Montpellier.

Note

1. On sait que si l’assureur dommages ouvrage ne respecte pas le délai de 60 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre, pour notifier, au vu du rapport préliminaire de l’expert, préalablement communiqué au bénéficiaire de l’assurance, sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties du contrat, celles-ci « jouent pour ce qui concerne le sinistre déclaré » (C. assur. A 243.1, ann. II B, Obligations de l’assureur 2e c).

La jurisprudence en a déduit logiquement, que la garantie de l’assureur était automatiquement acquise pour les dommages énoncés dans la déclaration de sinistre et qu’il lui était en conséquence interdit de formuler, ultérieurement, tout motif de contestation qu’il s’agisse d’une irrégularité de forme, ou de fond (CA Paris, 19e ch., sect. B, 21 avril 1988, D. 1988, p. 498, note P. Villien, RGAT 1988, p. 817, note J. Bigot, RD imm. 1989, p. 230, obs. G. Leguay ; CA Aix-en-Provence, 1re ch., 20 mai 1990, Doria c/ Couvert et Vercruysse, non publié à notre connaissance ; CA Paris, 7e ch., sect. B, 21 février 1991, RGAT 1991, p. 367, note J. Bigot), ce qui implique, notamment en ce qui concerne le fond de la garantie, que l’assureur n’est pas autorisé à contester le caractère « techniquement ou physiquement » décennal des désordres, et ne peut en conséquence demander à ce qu’il soit procédé à une mesure d’instruction à cet égard (Cass. 1re civ., 26 novembre 1991, no 86-13.604, RGAT 1992, p. 112, note J. Bigot, RD imm. 1992, p. 92, obs. G. Leguay ; Cass. 1re civ., 27 avril 1994, no 92-13.530, RGAT 1994, p. 815, note A. d’Hauteville ; ces deux arrêts ayant été rendus à propos du dépassement des deux délais, sous l’empire des clauses types dans leur rédaction d’origine résultant de l’Arr. 17 novembre 1978, JO 21 novembre ; CA Paris, 19e ch., 10 septembre 1996, Axa Assurances c/ Rophe et autres).

2. Mais cette sanction a ses limites :

– d’abord quant au montant de l’indemnité, laquelle ne peut plus, depuis la loi du 31 décembre 1989, correspondre à l’estimation du bénéficiaire de l’assurance, mais au strict coût objectif des réparations (voir sur ce point notamment nos développements dans Lamy assurances 2003, chapitre Assurance des dommages à l’ouvrage no 914) ;

– ensuite, relativement à l’étendue de la garantie qui ne peut porter que sur les seuls dommages énoncés dans la déclaration de sinistre comme l’indique la clause type précitée, mais en outre, doivent affecter la construction assurée.

3. L’arrêt rapporté statue au visa et par référence à l’article L. 242-1 du Code des assurances (c’est bien évidemment par erreur purement matérielle qu’est visé l’art. L. 241-1 dudit code), dans sa rédaction antérieure à la loi no 89-1014 du 31 décembre 1989, raison pour laquelle la Cour suprême a énoncé que « l’assureur est tenu à garantie sans pouvoir discuter les dépenses nécessaires… » alors que comme déjà dit ci-dessus, depuis ladite loi, le quantum des dépenses nécessaires ne peut plus résulter de la propre estimation du bénéficiaire de l’assurance ou relever de son pouvoir discrétionnaire, mais doit correspondre au coût objectif des travaux nécessaires à la réparation des dommages déclarés.

4. La Cour suprême casse néanmoins partiellement l’arrêt de la Cour de Nîmes en ce qu’il avait condamné l’assureur à payer le coût des dommages, certes énoncés dans la déclaration de sinistre, mais qui n’affectaient pas la construction assurée, s’agissant de travaux modificatifs / extensifs de ladite construction assurée, et donc étrangers à l’objet de la police d’assurance.

On ne peut qu’approuver la solution qui n’était pas évidente car à partir du moment où la jurisprudence avait décidé qu’il était interdit à l’assureur, à titre de sanction du dépassement des délais qui lui sont imposés, de contester le fond de sa garantie, comme par exemple le caractère non physiquement décennal des désordres ou encore d’opposer le plafond de garantie pourtant licite, ou encore d’exciper de la prescription du délai biennal de l’article L. 114-1 du Code des assurances au cas où le bénéficiaire aurait déclaré tardivement le sinistre, il aurait pu être décidé que l’assureur aurait été aussi dans l’obligation de financer le coût des réparations de désordres déclarés, alors même que ceux-ci auraient affecté des ouvrages autres que celui assuré.

La Cour suprême ne l’a pas admis et a énoncé pertinemment et de façon non équivoque, que la garantie ne pouvait concerner que les désordres déclarés à condition que ceux-ci affectent la construction assurée (cf. : la formule « encore faut-il que ceux-ci affectent la construction faisant l’objet du contrat ») ; la cassation ayant été prononcée pour défaut de réponse de la cour d’appel, la question qui lui avait été posée de savoir si les dommages faisant l’objet de la déclaration de sinistre « relevaient bien de la construction assurée ».

On rappellera ici que déjà une cour d’appel avait statué dans le même sens et dans les termes ci-après rapportés :

« … Que l’assureur qui ne respecte pas ces délais, est irrecevable à contester ultérieurement sa garantie même en cas d’irrégularité de forme ou de non garantie de fond ; que toutefois cette garantie ne peut porter que sur les dommages affectant l’opération de construction qui fait l’objet de la police d’assurance » (CA Rouen, 19 octobre 1994, RGAT 1994, p. 1155, note J. Bigot).

Il est heureux que la Cour suprême ait eu l’occasion de le dire à son tour et de conférer en conséquence à la solution énoncée un caractère de principe désormais non discutable.

 

RGDA 2003-2, p. 315

 

Articles associés

    • Dommages garantis
    • Indemnité égale aux réparations nécessaire

    Après 60 jours, l’assureur doit sa garantie sans pouvoir discuter l’indemnité (Cass. 1e. civ., 18 décembre 2002)