Ancien ID : 372
Contrat d’assurance. Preuve. Naissance du contrat. Attestation d’assurance. Interprétation. Article L. 112-2, alinéa 4 du contrat d’assurances. Non.
Cass 3e civ. 22 novembre 2006, n° 05-19709, Bull. n° 231
Il a été cependant reproduit ci-dessus seulement le second moyen du pourvoi dont le numéro a été retranscris ci-dessus, les autres moyens relatifs notamment à la question de la réception tacite comme à celle de la recevabilité d’une action en responsabilité intentée contre l’ancien syndic de l’immeuble pour ses carences dans la gestion desdits travaux au regard de l’article 55 du décret du 17 mars 1967, étant sans intérêt ou de peu d’intérêt.
2. Dans la limite ci-dessus rappelée, l’arrêt rapporté présente l’intérêt d’avoir trait à la portée d’une attestation d’assurance ou encore plus précisément à son interprétation rendue nécessaire à raison de son caractère relativement ambigu bien qu’elle soit éclairée néanmoins par des circonstances concomitantes et postérieures à son établissement.
3. Bien évidement le débat portait sur la question de savoir si l’attestation d’assurance en question pouvait ou non constituer une preuve de l’existence d’un contrat d’assurance dommages ouvrage l’écrit le constituant n’ayant jamais été établie, comme cela n’était pas contesté.
On rappellera à cet égard qu’il résulte de l’article L.112-2 du Code des assurances que seule la police d’assurance ou la note de couverture constate l’engagement réciproque des parties, et donc l’existence d’un contrat d’assurance et son effectivité dans les termes et limites de la police ou de la note de couverture ci-dessus évoquées, tandis que la loi n’accorde l’attestation d’assurance que la valeur d’une présomption simple de l’existence du contrat d’assurance et non point de l’effectivité de la garantie.
4. En la circonstance l’attestation d’assurance émanant de l’agent d’assurance était ainsi libellée :
« Je, soussigné XXX, Agent général de la Compagnie d’assurance ABEILLE PAIX,… certifie assurer par police dommages ouvrage en cours d’établissement l’agent INFO IMMOBILIER (…) pour les travaux d’étanchéité et de ravalement de façade de la résidence Kiklos… ».
Étant observé et souligné que l’attestation dont s’agit avait été établie le jour même de l’établissement d’un « procès-verbal de réception partielle des travaux » et alors que le chantier venait d’être arrêté, tandis que quatre jours plus tard, l’agent d’assurance précisait que le contrat d’assurance ne serait établi qu’après qu’il ait été mis en possession d’un rapport de fin de travaux du contrôleur technique.
Ajoutons pour être exhaustif que plusieurs mois après, l’assureur écrivait au syndic de copropriété pour lui rappeler qu’il n’établirait pas le contrat d’assurance sans être en possession d’un rapport de fin de travaux émanant du contrôleur technique, puis plusieurs mois encore après pour lui indiquer que compte tenu de l’impossibilité d’obtenir les éléments lui permettant de « statuer » (sic) sur cette affaire d’une part, et de l’arrêt prolongé des travaux qui avaient débuté plus d’un an auparavant, il « classait le dossier sans suite ».
5. La Cour d’appel prenant en considération l’ensemble des circonstances factuelles, en particulier des correspondances ci-dessus évoquées, a jugé que « la copropriété ne saurait sérieusement déduire de cette seule attestation mentionnant une police dommages ouvrage non encore établie et qui ne l’a jamais été, la preuve d’un engagement de garantie « ferme et non conditionnel » « et de l’accord des parties, alors que tout, au contraire, démontre que la compagnie d’assurance L’ABEILLE pressentie tardivement pour accorder sa garantie dans ce contexte très particulier, a prudemment entendu subordonner son accord à la production des éléments de nature à l’éclairer sur l’étendue du risque de l’engagement sollicité, et que la carence du syndic de copropriété à lui fournir ces documents a fait échec à l’aboutissement des pourparlers et à la signature d’un contrat d’assurance ; que dès lors le premier Juge a considéré à bon droit qu’en l’absence de rapport de fin des travaux émanant du contrôleur technique, les conditions nécessaires à l’octroi de la garantie n’ont jamais été remplies et que le consensualisme (sic) nécessaire à la formation du contrat a fait défaut ».
6. Le pourvoi contestait cette décision, reprochant à la Cour de Montpellier d’avoir violé ensemble les articles L. 112-2 et 3 du Code des assurances et l’article 1134 du Code civil dès lors que, selon le pourvoi, l’engagement pris par l’agent d’assurance dans l’attestation du 9 octobre 1987 était ferme et inconditionnel de sorte que cette « note de couverture » valait contrat d’assurance.
La question soumise à la Cour portait donc sur l’existence du contrat d’assurance dommages ouvrage. Alors que l’assureur, dont l’argumentation avait été retenue par les Juges du fond tant en première instance qu’en cause d’appel, prétendait que le contrat ne s’était pas formé, dès lors que son acceptation de garantir était subordonnée à une condition qui n’avait jamais été réalisée, le syndicat des copropriétaires prétendait en ce qui le concerne, en se fondant sur les termes de l’attestation précitée qui visait effectivement l’existence d’une garantie, que le contrat d’assurance était bien formé, peu important en définitive que la police n’ait pas été établie.
7. La Cour Suprême valide l’arrêt de la Cour de Montpellier au motif que celle-ci ayant relevé que l’attestation d’assurance mentionnait que la police dommages ouvrage était en cours d’établissement et souverainement retenu que tout démontrait que l’assureur avait entendu subordonner son accord à la production des éléments de nature à l’éclairer sur l’étendue du risque de l’engagement sollicité, ladite Cour avait pu en déduire que les conditions nécessaires à l’octroi de la garantie n’avaient jamais été remplies.
8. La Cour de cassation se cantonne ici à un contrôle dit « léger », se bornant à vérifier que la cour d’appel n’avait pas dénaturé les termes de l’attestation d’assurance d’une part, et que les circonstances qu’elle avait retenues l’avait conduite souverainement à retenir que l’assureur avait entendu subordonner l’octroi de la garantie à la production d’éléments qui ne lui avaient jamais été fournis, d’autre part.
La solution ne souffre au fond, néanmoins, aucune contestation.
Conformément au droit commun, la formation ou encore la naissance du contrat suppose la rencontre d’une offre et d’une acceptation dans des termes identiques.
En l’espèce, la rencontre des volontés n’a jamais eu lieu dès lors que l’assureur avait subordonné, a retenu la Cour de Montpellier, sa garantie à la réalisation d’une condition, à savoir la transmission d’un rapport sur l’étendue du risque couvert.
D’ailleurs, il n’est pas certain que la seule réalisation de cette condition aurait conduit à la conclusion automatique du contrat, l’assureur se réservant en fait la possibilité d’analyser le contenu dudit rapport et soit de proposer la conclusion d’un contrat dont le taux de prime aurait tenu compte de la situation des travaux au jour de sa conclusion, soit de ne pas s’engager dès lors que le risque aurait été trop grand voire d’ores et déjà réalisé et partant non assurable, la condition de l’existence d’un aléa faisant alors défaut.
L’attestation avait donc été émise dans le cadre d’une phase de pourparlers à laquelle l’assureur avait mis fin dans les conditions ci-dessus rappelées.
J.-P. Karila
RGDA 2007, p. 110