Les VRD sont des ouvrages (Cass. 3e civ., 29 mars 2000) — Karila

Les VRD sont des ouvrages (Cass. 3e civ., 29 mars 2000)

Ancien ID : 139

Assurance de responsabilité décennale. Voirie et réseaux divers (VRD). Ouvrages (oui), relevant de l’obligation d’assurance des travaux de bâtiment (oui ).

Les voies et réseaux divers (VRD) constituent des ouvrages même s’ils ne sont pas rattachés à un bâtiment et relèvent de l’obligation d’assurance des travaux de bâtiment ou des locuteurs d’ouvrages.

Cour de cassation (3e Ch. civ.) 29 mars 2000, n°98-19566

Mme Dussoubs-Gaston c/Compagnie d’assurance mutuelle de l’Indre et autres

La Cour,

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1792 et 1792-1 2° du Code civil :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Limoges, 12 mars 1998), que Mme Dussoubs-Gaston, maître de l’ouvrage, a, en 1985, chargé M. Sage, depuis lors en liquidation judiciaire, assuré par les sociétés Mutuelles de l’Indre et Mutuelles de provinces de France, des travaux de voirie et d’assainissement d’un lotissement : qu’alléguant des malfaçons et des non-façons, Mme Dussoubs-Gaston a assigné la société Mutuelles des provinces de France en réparation de son préjudice ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l’arrêt retient que la garantie des désordres invoqués, qui ont leur siège dans les chaussées de la voirie du lotissement et dans les réseaux d’eaux usées et pluviales dont les travaux ne peuvent être considérés comme des travaux de bâtiment par nature dès lors qu’ils ne visent pas à l’édification d’un bâtiment non plus qu’en raison de la technique utilisée, qui n’est pas la technique des travaux du bâtiment, n’entrant pas dans le champ d’application de la garantie obligatoire régulièrement souscrite par l’entrepreneur, la société Mutuelle des provinces de France ne peut être tenue à garantir le sinistre ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les voies et réseaux divers constituent des ouvrages, même s’ils ne sont pas rattachés à un bâtiment, et relèvent de l’obligation d’assurance des travaux de bâtiment ou des locateurs d’ouvrages, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

Casse et annule mais seulement en ce qu’il rejette les demandes de Mme Dussoubs-Gaston dirigées contre la société Mutuelle des provinces de France, l’arrêt rendu le 12 mars 1998, entre les parties…

NOTE

La lecture de l’arrêt rapporté laisse perplexe.

La Cour d’appel avait rejeté la demande formée à l’encontre d’un assureur de responsabilité décennale, qui n’assurait la couverture de ladite responsabilité, que lorsque celle-ci était engagée à l’occasion de travaux de bâtiment.

Pour ce faire, la Cour d’appel avait retenu « que la garantie des désordres invoqués, qui ont leur siège dans les chaussées de la voirie du lotissement et dans les réseaux d’eaux usées et pluviales dont les travaux ne peuvent être considérés comme des travaux de bâtiment par nature dès lors qu’ils ne visent pas à l’édification d’un bâtiment non plus qu’en raison de la technique utilisée, qui n’est pas la technique des travaux du bâtiment, n’entrant pas dans le champ d’application de la garantie obligatoire régulièrement souscrite par l’entrepreneur… ».

La cassation est prononcée, non pas – comme cela aurait pu être concevable – au motif que les VRD avaient été réalisées suivant les techniques des travaux de bâtiment, mais au motif que lesdits VRD « constituaient des ouvrages, même s’ils ne sont pas rattachés à un bâtiment, et relèvent de l’obligation d’assurance des travaux de bâtiment ou des locateurs d’ouvrages… ».

Que les travaux de VRD soient constitutifs de la construction d’un ouvrage, relevant de la responsabilité décennale, cela ne fait pas de doute ; en revanche, à lire littéralement l’arrêt, toute construction d’un ouvrage de nature immobilière relèverait de l’obligation d’assurance des travaux de bâtiment !… ce qui est évidemment contestable, inexact et en outre contraire à la doctrine jurisprudentielle de la 3e Ch. civ. elle-même, ainsi d’ailleurs et en un certain sens de la 1re Ch. civ., nonobstant la volonté affirmée de cette dernière de faire coïncider le domaine de l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale avec celui de cette dernière, mais qui tout de même, pour ce faire, fait appel à la notion de « techniques de travaux de bâtiment », n’ayant jamais prétendu que la construction de tout ouvrage relèverait de l’obligation d’assurance des travaux de bâtiment…

L’arrêt laisse donc perplexe et appelle les plus expresses réserves, s’il devait signifier un revirement jurisprudentiel, ce qui est exclu en principe, puisqu’il n’est pas destiné à être publié au Bulletin.

On remarquera enfin que la cassation est prononcée pour violation des articles 1792 et 1792-1 du Code civil.

La référence au premier texte précité peut se comprendre, dans la mesure où les VRD constituent des ouvrages relevant du domaine d’application de la responsabilité de plein droit édictée par ce texte, à l’encontre de tout constructeur d’un ouvrage, tandis que celle au second texte précité est non compréhensible, s’agissant de la définition de la notion de constructeur au sens de la loi.

Mais en tout état de cause, on voit mal en quoi les articles 1792 et 1792-1 du Code civil peuvent permettre de définir le domaine de l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale, domaine défini par l’article L. 242-1 du Code des assurances.

L’arrêt rapporté a donc été rendu par « inadvertance »…, sauf à considérer, dans une perspective optimiste, qu’il s’agit d’un arrêt « provocateur », d’où il pourrait être induit que l’obligation d’assurance concerne la construction de « tout ouvrage, sauf… », dans l’esprit des propositions du Comité de juristes présidé par Monsieur Périnet-Marquet, et dont le rapport en date du 18 décembre 1997 a été publié notamment dans ces colonnes (RGDA 1998.171 et suivantes), étant observé que ledit rapport propose de soumettre à l’obligation d’assurance certains ouvrages n’entrant en principe pas dans le domaine de l’assurance obligatoire, comme les VRD d’une façon générale, sauf s’ils sont accessoires à un ouvrage soumis lui-même à l’obligation d’assurance, ou s’ils sont réalisés dans le cadre d’une même opération immobilière, ce qui est le cas de la voirie d’un lotissement (voir n° 82 du rapport précité), comportant déjà des immeubles d’habitation, ce que la lecture de l’arrêt rapporté ne permet pas de déceler dans le cas d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rapporté.

Mais toute intention provocatrice de la 3e Chambre civile doit être exclue, en sorte qu’on est bien en présence d’un arrêt d’espèce, ne traduisant pas sa doctrine, mais dont on peut regretter la rédaction « rapide » et elliptique.

RGDA 2000-2- p. 553

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