Faute dolosive du constructeur permettant à la victime de s’affranchir de la forclusion décennale : violation délibérée du constructeur, même sans intention de nuire, par dissimulation ou fraude, de ses obligations contractuelles
La Semaine Juridique Edition Générale n° 16, 17 Avril 2017, 434
Note sous arrêt par Jean-Pierre Karila avocat, professeur à l’ICH, chargé d’enseignement à l’institut des assurances de Paris Dauphine
Source : Cass. 3e civ., 5 janv. 2017, n° 15-22772, Bull.
Le fait que l’entrepreneur principal n’ait pas pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l’exécution des travaux qu’il a sous-traités, est insuffisant à caractériser sa faute dolosive.
LA COUR – (…)
Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
• Attendu que le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles ;
• Attendu, selon l’arrêt attaqué (CA Orléans, 11 mai 2015), que, M. et Mme R., ayant acquis une maison construite par la société coopérative de production d’HLM d’Indre-et-Loire (la société d’HLM) et réceptionnée le 22 juillet 1994, ont déclaré, en 2004, l’apparition de fissures à la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), assureur dommages-ouvrage, qui a conclu à l’absence de désordre ; qu’en 2009, se plaignant d’une aggravation des fissures, M. et Mme R. ont, après expertise, assigné la société d’HLM en indemnisation ;
• Attendu que, pour condamner la société d’HLM à verser diverses sommes à M. et Mme R., l’arrêt retient que cette société, n’ayant pas pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l’exécution des travaux de gros-œuvre qu’elle a sous-traités, a commis, de manière délibérée, une faute dolosive, de nature à engager sa responsabilité contractuelle, nonobstant la forclusion décennale ;
• Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la faute dolosive du constructeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
• Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 mai 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; (…) pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;
M. Chauvin, prés., M. Nivôse, cons.-rapp., M. Jardel, cons. doyen, MM. Pronier, Maunand, Mme Le Boursicot, M. Bureau, Mme Greff-Bohnert, cons., Mmes Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, cons.-réf., M. Brun, av. gén. ; SCP Gadiou et Chevallier, SCP Boré et Salve de Bruneton. av.
La publication au Bulletin de l’arrêt rapporté traduit la volonté de la Cour de cassation de réaffirmer la permanence de sa doctrine – après quelques décisions qui avaient permis d’en douter – quant aux critères de qualification de la faute dolosive du constructeur d’ouvrage immobilier permettant à la victime de s’affranchir des délais de forclusions des garanties décennale et biennale de fonctionnement posés par l’ancien article 2270 du Code civil, aujourd’hui devenu l’article 1792-4-1.
En ce sens, l’arrêt rapporté est une décision médiatique à portée doctrinale et/ou en tous cas du moins didactique, conduisant à s’interroger – eu égard aux critiques d’une partie de la doctrine – sur son opportunité ou nécessité, étant souligné d’emblée que nous apporterons, quant à nous, une réponse affirmative à une telle question.
1. Les critères de qualification de la faute dolosive du constructeur
On doit, à cet égard, distinguer le droit positif antérieur à un arrêt de principe du 27 juin 2001 (A), et celui résultant dudit arrêt (B) avant d’apprécier la portée de l’arrêt rapporté (C).
A. – Le droit positif antérieur à l’arrêt de principe du 27 juin 2001
Liminairement, on précisera qu’à l’inverse de ce qui est admis/jugé en droit commun, le droit spécifique de la responsabilité des constructeurs a posé depuis un certain nombre de décennies la règle, selon laquelle « si lourde que soit la faute, la responsabilité contractuelle de droit commun des architectes, entrepreneurs et autres locateurs d’ouvrage ne peut être invoquée, sauf dol ou faute extérieure au contrat, au-delà des délais prévus à l’article 2270 du Code civil » (Cass. 3e civ., 12 oct. 1994, n° 92-17.428 : Bull. civ. III, n° 171) ou encore suivant une formulation quelque peu différente visant les articles 1382 et 1383 du Code civil ou encore la responsabilité quasi-délictuelle (Cass. 1er civ., 28 nov. 1967, n° 64-13.227 : Bull. civ. I, n° 348. – Cass. 3e civ., 9 mai 1979, n° 77-15.402 : JurisData n° 1979-735180) et pour la garantie biennale des menus ouvrages (Cass. 3e civ., 15 janv. 1997, n° 95-15.534 : JurisData n° 1997-000099 ; Bull. civ. III, n° 11).
Dans ce contexte, le droit positif résultant de la jurisprudence, tout en rattachant la responsabilité encourue par le constructeur à la responsabilité délictuelle se référait à la notion de tromperie (Cass. 3e civ., 23 juill. 1986, n° 84-17.768 : JurisData n° 1986-701409 ; Bull. civ. III, n° 129. – Cass. 3e civ., 2 juill. 1975, n° 74-10.171 : Bull. civ. III, n° 233) tout en exigeant dans son dernier état la démonstration que le constructeur ait volontairement réalisé le dommage (Cass. 3e civ., 26 mai 1988, n° 87-11.062 : JurisData n° 1988-001655.– Cass. 3e civ., 27 avr. 1994, n° 92-17.658), voire même ait eu l’intention de nuire (Cass. 3e civ., 18 déc. 1996, n° 95-10.658 : JurisData n° 1996-005009 ; Bull. civ. III, n° 239 ; AJPI 1997, p. 856, note J.-P. Karila ; RDI 1997, p. 243, obs. Ph. Malinvaud).
Le caractère non-pertinent en droit, et de facto purement artificiel, aux seuls fins de permettre – à une époque où la prescription de droit commun (notamment en matière délictuelle) était trentenaire – à la victime d’être indemnisée, a été dénoncé dès 1973 par Jean Mazeaud (Cass. 3e civ., 18 déc. 1972 : D. 1973, p. 272, note J. Mazeaud) puis par la doctrine spécialiste de la matière (J. Fosserau, Le clair-obscur de la responsabilité des constructeurs : D. 1977, p. 13. – J.-P. Karila, Garanties légales et responsabilité contractuelle du droit commun des locateurs d’ouvrages immobiliers après la réception des travaux : D. 1990, chron. p. 307. – Ph. Malinvaud et Ph. Jestaz, Promotion Immobilière : Dalloz, coll. Précis, 6e éd., n° 177, 2014. – H. Périnet-Marquet, Droit de l’urbanisme et de la construction : LGDJ, coll. Précis Domat, 5e éd., n° 1410), laquelle proposait une définition de la faute dolosive rattachable à la responsabilité contractuelle, le professeur Philippe Malinvaud distinguant à cet égard « le dol, malfaçon volontaire » du « dol, malfaçon dissimulée » (D. Act. 1998, n° 7418, 7419), tandis qu’en ce qui nous concerne, nous avions souligné que la faute dolosive impliquait la fraude, la tromperie, des manœuvres aux fins de dissimulation de la malfaçon afin d’obtenir la réception des travaux (D. 1990, chron. p. 307, note sousCass. 3e civ., 18 déc. 1996, préc.).
B. – L’arrêt de principe du 27 juin 2001
Par arrêt du 27 juin 2001 (n° 99-21.017 : JurisData n° 2001-010351 ; Bull. civ. III, n° 83 ; D. 2001, jurispr. p. 2995, concl. J.-F. Weber, note J.-P. Karila ; JCP G 2001, II, 10626, note Ph. Malinvaud) constituant un double revirement de jurisprudence quant à la nature de la responsabilité encourue d’une part et aux critères de qualification de la faute dolosive d’autre part mais ici seulement dans une certaine mesure, l’intention de nuire n’étant plus exigée, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a posé la règle suivant laquelle « le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ».
C. – La portée de l’arrêt rapporté
L’arrêt rapporté constitue la réitération, à des fins selon nous, pour le moins didactiques du principe posé par l’arrêt précité du 27 juin 2001 et ne peut qu’être approuvé en raison de ce que les manquements reprochés à l’entrepreneur principal, savoir l’absence de surveillance de la totalité de l’exécution des travaux que celui-ci avait sous-traités étaient, à l’évidence, insuffisants à caractériser l’existence d’une faute dolosive de celui-ci, selon les critères de qualification de celle-ci, que l’arrêt rapporté rappelle dans son chapeau (violation des obligations contractuelles par dissimulation ou fraude), étant observé que le reproche fait par la cour d’appel à l’entrepreneur principal était de facto et de jure, – mais la Haute juridiction n’a pas estimé devoir le dire – inopérant dès lors qu’il ne pèse pas sur l’entrepreneur principal, en principe, une obligation de surveillance de l’exécution des travaux qu’il sous-traite, ledit entrepreneur principal étant garant et répondant du fait de son sous-traitant.
2. Le rappel par la Cour de cassation de l’exigence de la dissimulation de la faute était-il opportun et nécessaire ?
Liminairement, on observera que certains arrêts postérieurs à l’arrêt de principe du 27 juin 2001 pouvaient laisser à penser que la Cour de cassation avait assoupli sa position quant aux conditions d’éligibilité de la notion de faute dolosive, en ne se référant plus à l’exigence précitée de dissimulation ou fraude.
C’est ainsi que :
– par arrêt inédit du 22 juin 2005 (Cass. 3e civ., 22 juin 2005, n° 04-14.587 : JurisData n° 2005-029064 ; RDI 2005, p. 338, obs. Ph. Malinvaud), la Cour de cassation a validé, dans le cadre d’un contrôle léger, un arrêt d’une cour d’appel qui avait « pu retenir que le silence gardé sur la non-conformité de l’installation aux normes techniques, qui avait privé [le maître d’ouvrage] d’une action sur le fondement de la garantie décennale, constituait une faute dolosive commise par le contrôleur technique » ;
– par arrêt inédit du 6 décembre 2005 (Cass. 3e civ., 6 déc. 2005, n° 04-18.643 : RDI 2006, p. 137, obs. Ph. Malinvaud), la Haute juridiction a abandonné toute référence à l’exigence de la dissimulation ou de la fraude comme critère de qualification de la faute dolosive, en validant un arrêt d’une cour d’appel qui avait retenu la faute dolosive d’un maître d’œuvre « par la violation délibérée et consciente de ses obligations contractuelles » retenant que celui-ci avait « couvert, lors de la réception effectuée sans réserves » « des manquements graves »de l’entrepreneur principal chargé de la construction d’une charpente.
Mieux encore (ou pire) par un arrêt publié du 8 septembre 2009 (Cass. 3e civ., 8 sept. 2009, n° 08-17.336 : JurisData n° 2009-049397 ; Bull. civ. III, n° 179 ; RDI 2009, p. 599, obs. Ph. Malinvaud ), la Cour de cassation a validé, dans le cadre d’un contrôle léger, un arrêt d’une cour d’appel qui avait« relevé que l’installation de la cheminée dans une maison à ossature bois, réalisée par des personnes ignorant visiblement les règles de l’art en ce qui concerne la notion d’écart au feu, était calamiteuse et manifestement incorrecte […] et retenu que la société [X] ne pouvait pas ignorer qu’elle prenait un risque de nature à entraîner presque inéluctablement un désordre, tel que celui qui est survenu, la cour d’appel a pu en déduire que la société [X] n’ayant pas pris les précautions élémentaires dans toute construction de cheminée de ce type, avait commis, de manière délibérée, une faute dolosive … ».
De sorte que pour retenir l’existence de la faute dolosive, il a été tenu compte seulement de la gravité des manquements du constructeur d’une part et la conscience de celui-ci des conséquences desdits manquements d’autre part.
Cette motivation n’est pas sans rappeler celle adoptée par le Conseil d’État dans un arrêt de section (7e et 2e sections réunies) dit Société des Travaux du Midi, du 26 novembre 2007 publié au recueil Lebon (n° 266423 : JurisData n° 2007-266423 ; RJEG 2008, p. 21, concl. D. Casas ; BJCP 2008, p. 24), commenté tant par la doctrine privatiste dans une perspective comparative du droit privé et du droit public (RDI 2008, p. 150, obs. Ph. Malinvaud) que par la doctrine publiciste (RDI 2008, p. 347, obs. F. Moderne).
Cet arrêt énonce : « considérant que l’expiration du délai d’action en garantie décennale ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu’ils peuvent encourir, en cas de fraude ou de dol dans l’exécution de leur contrat… que, même sans intention de nuire, la responsabilité trentenaire des constructeurs peut être engagée en cas de faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave par sa nature ou ses conséquences, de leurs obligations contractuelles, commise volontairement et sans qu’il puisse en ignorer les conséquences ».
Mais, postérieurement à l’arrêt précité du 8 septembre 2009, la Cour de cassation a rappelé l’exigence alternative que la dissimulation ou la fraude ait présidé ou encore animé la violation délibérée des obligations contractuelles du constructeur dans de nombreux arrêts inédits (Cass. 3e civ., 29 mars 2011, n° 08-12.703 : RDI 2011, p. 460, obs. Ph. Malinvaud. – Cass. 3e civ., 4 avr. 2013, n° 11-27.972 : JurisData n° 2013-006299. – Cass. 3e civ., 7 avr. 2016, n° 15-11.442. – Cass. 3e civ., 13 oct. 2016, n° 15-24.463).
Dans ce contexte, faut-il regretter que la Cour de cassation ait réitéré à nouveau cette exigence alors que l’avocat général l’avait invitée à l’abandonner (D. 2017, p. 392, note D. Mazeaud), la doctrine, particulièrement autorisée en la personne du professeur Périnet-Marquet dans son commentaire de l’arrêt rapporté au titre évocateur « Le dol ou le syndrome assumé de la porte étroite » (Const.-Urb. 2017, Repère 2) semble aussi, mais de façon nuancée, le regretter.
L’hésitation est permise : ne peut-on pas considérer que le constructeur qui commet des fautes graves dont il a conscience des conséquences inéluctables sur la solidité de l’ouvrage qu’il réalise, violerait délibérément, nécessairement par dissimulation, ses obligations contractuelles ?
En principe, la gravité de la faute – caractéristique de la faute lourde – ainsi que, le cas échéant, la conscience dommageable que devait nécessairement avoir son auteur – caractéristique supplémentaire qui oriente vers la faute inexcusable –, devraient être indifférentes à la caractérisation de la faute dolosive, comme en témoignent les arrêts précités des 29 mars 2011, 4 avril 2013 et 13 octobre 2016.
Sauf à considérer :
– que la dissimulation peut en être induite, comme en témoignent deux arrêts, dont l’un a été publié (pour une insuffisance notoire des fondations n’ayant pas la profondeur nécessaire (Cass. 3e civ., 27 mars 2013, n° 12-13.840 : Bull. civ. III, n° 39 ; RDI 2013, p. 373, obs. J.-P. Tricoire ; pour un risque d’effondrement de l’ouvrage à raison de la défaillance systématique des appuis que le constructeur ne pouvait méconnaître, Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-22.920 : JurisData n° 2016-022492 ; RDI 2016, p. 650, obs. Ph. Malinvaud) ;
– ou de façon moins artificielle que la faute lourde ou inexcusable ainsi commise confinerait au dol par application de l’adage culpa lata dolo aequiparatur…
Cette assimilation au dol de la faute lourde ou inexcusable – qui n’est admise qu’à la faveur d’un contrôle léger auquel se livre généralement la Cour de cassation – n’est pourtant juridiquement justifiable qu’à titre exceptionnel, pour autant que « la prudence commande au législateur, voire à la jurisprudence, de donner à la faute lourde les mêmes effets qu’au dol » (F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, les obligations : Dalloz, coll. Précis, 2005, 9e éd., n° 576).
Or, cela devrait être exclu en droit de la construction pour au moins deux raisons, étant observé qu’il n’est pas impossible que la Cour de cassation ait partagé lesdites raisons, ce qui expliquerait alors sa volonté de réitérer l’exigence alternative de dissimulation ou de fraude.
La première tient à la nature du délai décennal qui n’est pas un délai de prescription mais un délai de forclusion (sur la distinction, V. M. Vasseur, Délais préfix, délais de prescription, délais de procédure : RTD civ. 1950, p. 439) à l’expiration duquel aucune action n’est possible, de sorte que permettre « nonobstant la forclusion décennale » que le constructeur puisse – à la faveur d’une définition non-stricte de la faute dolosive – être l’objet d’une action, serait vider ledit délai de sa finalité.
La seconde réside dans le fait qu’il était opportun de mettre un frein à la multiplication des pourvois sur la question comme à l’invocation désormais quasi-constante devant les juges du fond de l’existence d’une faute qualifiée de dolosive à raison seulement de sa gravité.
A. – le délai décennal est un délai de forclusion
Depuis le célèbre arrêt des chambres réunies du 2 août 1882, l’arrêt Béarn (S. 1883, 1, p. 5), il est acquis que le délai décennal est un délai mixte, s’agissant d’un délai préfix recouvrant de facto deux délais distincts (J.-P. Karila, La reconnaissance de responsabilité des constructeurs, condition d’existence et effets : Gaz. Pal. 4 juill. 1978, p. 348 ; J.-P. Karila, Les responsabilités des constructeurs : Delmas, 1991, p. 255) savoir :
– un délai d’épreuve de la solidité de l’ouvrage et de la bonne exécution des travaux (Cass. 3e civ., 18 mars 1980, n° 78-15.749 : JurisData n° 1980-099062 ; Bull. civ. III, n° 62. – Cass. 3e civ., 15 févr. 1989, n° 87-14.713 : JurisData n° 1989-000340 ; Bull. civ. III, n° 36) de sorte que son expiration constitue un mode de libération pour le constructeur, comme d’ailleurs l’article 2270 du code civil devenu l’article 1792-4-1 dudit Code l’énonce en indiquant que le constructeur est « déchargé » de la responsabilité qu’il encourt sur le fondement de la garantie décennale, dix ans après la réception des travaux ;
– un délai d’action, à l’expiration duquel l’action en responsabilité décennale n’est plus recevable et, en ce sens, l’expiration des délais entraîne, pour le titulaire du droit enfermé dans ce délai, la forclusion de son droit.
Étant souligné que la jurisprudence rendue dans le cadre de l’application de l’article 2239 du Code civil institué par la loi précitée du 17 juin 2008 décide que la suspension de la prescription prévue par ce texte « n’est pas applicable au délai de forclusion de la garantie décennale » (Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 15-24.289 : JurisData n° 2016-023472) .
Il est vrai néanmoins que jusqu’à l’arrêt fondateur du 27 juin 2001, les arrêts rendus en la matière qualifiaient rarement le délai décennal de délai de forclusion mais l’envisageaient comme étant un délai de prescription. Néanmoins certains arrêts antérieurement à l’arrêt précité du 27 juin 2001, caractérisaient expressément le délai décennal de délai de forclusion(V. not. Cass. 3e civ., 26 janv. 2000, n° 98-16.646 : JurisData n° 2000-000348. – Cass. 3e civ., 20 déc. 2000, n° 99-13.948) comme le délai biennal de délai de forclusion (Cass. 3e civ., 15 janv. 1997, n° 95-15.534 : Bull. civ. III, n° 11) .
B. – Multiplication des pourvois et invocation devant le juge du fond de l’existence d’une faute dolosive
L’auteur de la présente note a pu constater, en sa qualité de praticien, la multiplication des pourvois mais aussi l’invocation quasi-permanente devant les juges du fond d’une faute qualifiée de dolosive à raison seulement de sa gravité, permettant de s’affranchir de la forclusion décennale et en conséquence à la mise en œuvre d’une responsabilité du constructeur postérieurement aux différents délais d’une durée, désormais unifiée de dix ans à compter de la réception des travaux, tant au titre des garanties dites légales (sauf pour la garantie biennale de bon fonctionnement de deux ans) que des responsabilités d’une autre nature.
Cette tendance peut aussi, il est vrai, s’expliquer par la nécessité de la concentration des moyens depuis un arrêt de l’assemblée plénière du 7 juillet 2006 réitéré à de nombreuses reprises (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672 : JurisData n° 2006-034519 ; Bull. civ. ass. plén., n° 8. – Cass. 2e civ., 12 juill. 2012, n° 11-20.587 : JurisData n° 2012-016559. –Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-16.208 : JurisData n° 2015-010962 : Bull. civ. IV, n° 75) .