L’activité déclarée doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage. — Karila

L’activité déclarée doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage.

L’activité déclaréede contractant général emporte application du contrat d’assurance même si l’entreprise n’a pas assumé la réalisation de l’ensemble des travaux, dès lors que l’activité de maîtrise d’oeuvre était en relation avec les travaux à l’origine des désordres.

Cass. 3e civ., 18 févr. 2016, no 14-29268

Par Laurent Karila

Avocat à la cour, barreau de Paris, chargé d’enseignement à l’école de droit de la

Sorbonne (Paris 1)


Une compagnie d’assurance dont les termes de la police couvrent la responsabilité civile décennale d’une entreprise au titre de son activité de « contractant général » est-elle tenue à garantie au titre des dommages imputables à son assurée à raison de sa maîtrise d’oeuvre de l’ensemble des travaux de rénovation, alors pourtant qu’elle n’a réalisé que partiellement lesdits travaux – le lot « sanitaires » – , les autres lots ayant été confiés à d’autres entreprises co-traitantes de premier rang ?

Autrement formulé, la police d’assurance n’avait-elle vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où ledit assuré avait assumé la maîtrise d’oeuvre de l’ensemble des travaux qu’elle aurait par ailleurs entièrement réalisé ? L’activité de « contractant général » visée à la police d’assurance devait-elle être strictement entendue d’une activité exclusive de l’intervention d’autres entreprises locateurs d’ouvrage ?

La question pouvait être posée dès lors que depuis 1997, la Cour de cassation a posé la règle selon laquelle « si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire décennale que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter de clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne que le secteur d’activité professionnelle déclaré par ledit constructeur » (Cass. 1re civ., 29 avr. 1997, n° 95-10187 : Bull. civ. I, n° 131 – Cass. 1re civ., 28 oct. 1997, n° 95-19416 : Bull. civ. I, n° 295 ; RGDA 1997, p. 1044, note J.-P. Karila ; Resp. civ. et assur. 1998, chr. n°4, note H. Groutel).

La cour d’appel de Douai avait répondu par l’affirmative à ces deux dernières formulations interrogatives en rejetant l’appel en garantie introduit par l’assurée à l’encontre de l’assureur qui déniait sa garantie au motif que l’entreprise n’avait pas agi en qualité de contractant général au sens défini par le contrat d’assurance. 

Au visa des articles L. 241-1, L. 243-8 et l’annexe A. 243-1 du Code des assurances, relatifs à l’assurance obligatoire de responsabilité civile décennale et au caractère d’ordre public des clauses types, l’arrêt d’appel était cassé pour violation de la loi, au motif que la cour d’appel avait constaté que les activités déclarées par l’entreprise assurée lors de la souscription du contrat d’assurance incluaient la maîtrise d’oeuvre des opérations de rénovation et que cette activité était en relation avec les travaux à l’origine des désordres, à savoir l’affairement du plancher du premier étage, peu important que les autres lots que le lot « sanitaires » confié à l’entreprise assurée aient été confiés à d’autres locateurs d’ouvrage ; la Cour de cassation considérant que « l’activité déclarée doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage ». 

Pour faire application du contrat d’assurance, il n’était donc pas nécessaire que le dommage d’affaissement du plancher soit imputable à l’assuré à la fois en sa qualité de maître d’oeuvre et d’entreprise de travaux, la circonstance qu’il lui fût imputable en sa qualité de maître d’oeuvre étant suffisante d’une part et la réalisation par ledit assuré du lot « sanitaires » suffisante à satisfaire à la condition de l’activité déclarée de « contractant général » d’autre part.

L’inverse eut été choquant puisqu’il aurait ainsi conduit l’entreprise à être privée de sa couverture d’assurance de responsabilité civile décennale pourtant obligatoire, au prétexte que la notion d’activité « contractant général » aurait imposé une double imputabilité des dommages pour obliger à l’application du contrat : un dommage imputable à la fois à l’activité de maître d’oeuvre de l’assuré et à son activité d’entreprise de travaux. C’est sans doute la raison pour laquelle, outre les articles L. 241-1 et l’annexe A. 243-1 du Code des assurances, la cassation est également prononcée pour violation de l’article L. 243-8 du même code ; même si le triptique est habituellement visé en préambule de beaucoup d’arrêts de la 3e chambre civile se rapportant à la notion d’activité déclarée.

L’expression employée par ladite formation – « l’activité déclarée doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage » –, fait nécessairement écho à la jurisprudence de laquelle il est permis de conclure que l’appréciation de l’activité couverte par la garantie d’assurance ne peut être dépendante ni du cadre juridique de l’exercice de l’activité considérée, ni des conditions d’exécution de ladite activité.

On rapprochera la décision commentée de celle rendue le 12 novembre 2003 (Cass. 3e civ., 12 nov. 2003, n° 02-11931) qui cassé pour manque de base légale et au visa de l’article L. 241-1 du Code  des assurances, un jugement rendu en dernier ressort au motif qu’il n’avait pas « recherché si les activités déclarées par le constructeur lors de la souscription du contrat d’assurance ne correspondaient pas aux travaux à l’origine des désordres, indépendamment de la forme du contrat conclu avec les maîtres de l’ouvrage ». 

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