Revue générale du droit des assurances, 01 avril 2000 n° 2000-2, P. 547
Assurance construction
Assurance construction
Assurance de responsabilité décennale
Travaux sur existants (agrandissement d’un immeuble d’habitation). Destruction de l’immeuble par un incendie ayant pour origine une malfaçon affectant la partie neuve de l’immeuble. Obligation de garantie de l’assureur de responsabilité décennale au paiement de la totalité des travaux de réparation nécessaire à la remise en état de l’ouvrage en son entier (oui, dès lors que la technique des travaux de bâtiment mise en oeuvre par le constructeur a provoqué des dommages de nature décennale).
Garantie de l’assureur de responsabilité décennale au titre de la perte du mobilier détruit par l’incendie consécutif aux malfaçons (non).
Dès lors que la technique des travaux de bâtiment mise en oeuvre par l’entrepreneur a provoqué des dommages de nature décennale dont les conséquences ont affecté aussi bien la partie nouvelle de la construction que la partie ancienne, c’est à bon droit qu’une Cour d’appel retient que le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire met à la charge de l’assureur l’obligation de garantir le paiement de la totalité des travaux de réparation nécessaires à la remise en état de l’ouvrage en son entier.
Encourt en revanche la cassation, l’arrêt d’une Cour d’appel qui décide que l’assureur doit, au titre de l’assurance de responsabilité obligatoire, supporter le coût de la perte du mobilier détruit par l’incendie consécutif aux malfaçons affectant la partie nouvelle de l’immeuble.
Cour de cassation (1re Ch. civ.) 29 février 2000
Compagnie d’assurance La Concorde c/Chirinian
La Cour,
Attendu qu’en 1986, les époux Chirinian ont confié à un entrepreneur, M. Bellaye, qui avait souscrit auprès de la société La Concorde, aux droits de laquelle est la compagnie Generali France assurances, l’assurance de responsabilité obligatoire imposée par l’article L. 241-1 du Code des assurances, la réalisation de travaux de bâtiment, dont une partie consistait en l’agrandissement de leur immeuble d’habitation avec installation d’une cheminée suivant la technique de « l’insert » ; que les malfaçons affectant cet « insert » ont provoqué en 1993 un incendie qui a détruit la totalité de l’immeuble et de son mobilier ; que l’arrêt attaqué (Angers, 29 avril 1997) a condamné l’assureur au paiement du coût des travaux de réparation et de la valeur du mobilier incendié ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que l’assureur reproche d’abord à la Cour d’appel d’avoir étendu sa garantie aux « existants », qui ne constitueraient pas l’ouvrage à la réalisation duquel l’entrepreneur avait contribué, alors que l’assurance de responsabilité obligatoire ne s’étendrait pas à des dommages affectant la partie ancienne d’une construction et qu’il ne pourrait s’agir que d’une garantie facultative, de sorte qu’auraient été violés les articles L. 241-1, L. 242-2 et A. 243-1 du Code des assurances, ainsi que l’article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que dès lors que la technique des travaux de bâtiment mise en oeuvre par l’entrepreneur a provoqué des dommages de nature décennale dont les conséquences ont affecté aussi bien la partie nouvelle de la construction que la partie ancienne, c’est à bon droit que l’arrêt attaqué a retenu que le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire mettait à la charge de l’assureur l’obligation de garantir le paiement de la totalité des travaux de réparation nécessaires à la remise en état de l’ouvrage en son entier ;
Sur la seconde branche du même moyen :
Attendu que ce grief est inopérant dès lors que n’est pas en cause une garantie facultative qui aurait comporté une clause d’exclusion, mais la garantie obligatoire de l’assureur de responsabilité ;
Mais sur le second moyen :
Vu l’article L. 241-1 du Code des assurances, ensemble l’annexe 1 à l’article A. 243-1 du même Code ;
Attendu que la garantie de l’assurance de responsabilité obligatoire ne concerne que le paiement des travaux de réparation de l’immeuble ;
Qu’encourt dès lors la cassation l’arrêt attaqué en ce qu’il a décidé que l’assureur devait, au titre de l’assurance de responsabilité obligatoire souscrite par M. Bellaye, payer aux époux Chirinian la somme de 203 973 francs au titre de la perte de leur mobilier détruit par l’incendie consécutif aux malfaçons affectant « l’insert » ;
Par ces motifs,
Casse et annule, mais en ses seules dispositions ayant condamné la compagnie Generali France assurances à payer aux époux Chirinian la somme de 203 973 francs au titre de la perte de leur mobilier…
NOTE
1. L’arrêt rapporté casse – à juste titre – un arrêt d’une Cour d’appel qui avait décidé que l’assureur devait, au titre de l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale d’un constructeur, indemniser le maître d’ouvrage de la perte de son mobilier détruit par un incendie consécutif à des malfaçons affectant un insert installé dans une cheminée, elle-même réalisée dans le cadre de l’agrandissement d’un immeuble d’habitation existant.
La cassation est prononcée au visa de l’article L. 241-1 du Code des Assurances, ensemble annexe 1 à l’article A. 243-1 du même Code.
Ce faisant, la Cour Suprême confirme sa jurisprudence antérieure (revenant sur un arrêt isolé rendu le 12 juillet 1995 non publié au Bulletin, RGAT 1995.257), illustrée par trois arrêts successivement rendus le 3 juillet 1996 (Cass. 3e civ., 3 juillet 1996, n° 97.17.708, RDI 1996, p. 591, obs. G. Legay), le 13 mai 1997 (Cass. 1re civ., 13 mai 1997, n° 95.11.793, arrêt n° 810, RDI 1997, p. 604, obs. G. Legay) et le 9 juillet 1997 (Cass. 3e civ., 9 juillet 1997, n° 95.17.220, n° 1193, Lamyline), ce dernier arrêt ayant été rendu dans une espèce relative à la destruction de diverses marchandises, suite à l’effondrement d’une toiture.
2. En revanche et en cela il est éminemment critiquable, l’arrêt rapporté valide la décision d’une Cour d’appel qui avait étendu la garantie de l’assureur aux existants, qui ne constituaient pas l’ouvrage à la réalisation duquel l’entrepreneur avait contribué, s’agissant de la partie ancienne de l’immeuble, étant rappelé que la garantie facultative afférente aux dommages pouvant affecter les « existants » du fait de l’exécution des travaux neufs, n’avait pas été souscrite.
On rappellera ici que la notion d’existant n’est issue ni de la loi ni d’un texte réglementaire quelconque et provient de la pratique, le COPAL ayant défini cette notion comme « les parties anciennes de la construction, existantes avant l’ouverture du chantier et sur, sous ou dans lesquelles seront exécutés les travaux » (communiqué du COPAL du 25 novembre 1983, RDI 1984, p. 273).
Les responsabilité des constructeurs dans le cadre des travaux sur existants posent des problèmes complexes, car il existe :
_ une dualité de dommages pouvant être la suite ou la conséquence des travaux neufs exécutés sur, sous ou à l’intérieur des existants, savoir :
. les dommages affectant les travaux neufs eux-mêmes,
. les dommages affectant les existants,
_ une trilogie des causes et origines desdits dommages, savoir :
. les dommages affectant les travaux neufs et provenant de leur mauvaise conception et/ou exécution,
. les dommages affectant les travaux neufs provenant de l’état des existants,
. les dommages sur les ouvrages existants et provenant de l’exécution des travaux neufs.
Cette trilogie induit trois hypothèses de responsabilités des constructeurs, objet d’une étude que nous avons publiée il y a bientôt près d’une décennie (Les responsabilités des locateurs d’ouvrages immobiliers après exécution et réception des travaux sur existants, JCP Ed. Notariale 1991, Doct. p. 147 et suivantes), savoir les règles et responsabilités des constructeurs en cas de dommages affectant les travaux neufs, par suite de leur conception et/ou de leur exécution défectueuse, en cas de dommages affectant lesdits travaux neufs, par suite de l’état des existants eux-mêmes, ou encore en cas de dommages affectant seulement les existants eux-mêmes, par suite de l’exécution des travaux neufs.
S’il est clair que dans le cadre de la première hypothèse, la responsabilité décennale est applicable, dans la mesure où les travaux neufs constitueraient la construction d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, en revanche, cela l’est beaucoup moins dans le cas de la seconde hypothèse (dommages affectant les travaux neufs par suite de l’état des existants eux-mêmes), encore que l’on peut estimer que constitue un vice de conception des travaux neufs que de ne pas s’interroger sur leur compatibilité avec les existants, qui vont en être leur support (voir à cet égard notre étude précitée n° 40 à 43), tandis qu’il nous semble évident que dans la troisième hypothèse (dommages affectant seulement les existants, par suite de l’exécution des travaux neufs), sont seuls susceptibles d’application les dispositions soit de l’article 1137 du Code civil, soit de celles de l’article 1147 dudit Code.
Dans un arrêt remarqué et totalement justifié du 30 mars 1994 (Cass. 3e civ., 30 mars 1994, Bull. civ. III, n° 70), la Cour suprême a énoncé que dès lors que l’on ne pouvait dissocier les existants des travaux neufs qui étaient devenus indivisibles par leur incorporation à l’immeuble, ni affirmer que la cause des désordres résidait seulement dans les parties anciennes, la mauvaise tenue des nouveaux travaux provenant d’une erreur de diagnostic du support, et donc d’une rénovation contraire aux règles de l’art, la garantie décennale est applicable à l’ensemble des désordres de structures des planchers, et la garantie de l’assureur du vendeur rénovateur suivant police CNR, doit remplir son office.
Cette jurisprudence a été depuis, et à juste titre, adoptée par les juges du fond, notamment par la Cour de Paris et celle de Pau (voir à cet égard Lamy Assurances 2000, chap. « Domaine des assurances obligatoires » par J.P. Karila et J. Kullmann n° 2764 C).
3. Dans l’espèce objet de l’arrêt rapporté, la situation était totalement différente de celle objet de l’arrêt précité du 30 mars 1994, en ce sens qu’il n’y avait aucune indissociabilité des travaux existants et des travaux neufs, alors même que ces derniers avaient consisté en l’agrandissement de la maison existante, ni une mauvaise conception desdits travaux neufs pour n’avoir pas adapté celle-ci à l’état des existants eux-mêmes.
Certes la mauvaise conception de l’insert était à l’origine de l’incendie qui a détruit la totalité de l’immeuble, mais devait-on, pour autant, appliquer la garantie décennale et partant la garantie obligatoire de cette responsabilité à l’ensemble des dommages, c’est-à-dire à la réfection de l’immeuble en son entier ?
Une réponse négative s’impose à notre avis, tant il est évident qu’hors les cas précités d’indissociabilité ou encore de vices de conception des travaux neufs pour n’avoir pas intégré l’état de ceux-ci, la garantie décennale était inapplicable à la destruction de la partie ancienne, qui n’avait pas fait l’objet de travaux quelconques de l’entrepreneur, lequel n’avait pas construit « l’existant » !…
La 1re Chambre civile – dont la volonté affirmée de faire coïncider le domaine de l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale avec celui de cette dernière est connue – franchit, dans l’arrêt rapporté, un pas de plus consistant à élargir de façon extensive et injustifiée le domaine de la garantie décennale.
Pour ce faire, elle s’adosse au fameux critère contestable et contesté à juste titre de « techniques de travaux de bâtiment », en énonçant que dès lors que celle-ci, « mise en oeuvre par l’entrepreneur a provoqué des dommages de nature décennale dont les conséquences ont affecté aussi bien la partie nouvelle de la construction que la partie ancienne, c’est à bon droit que l’arrêt attaqué a retenu que le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire mettait à la charge de l’assureur l’obligation de garantir le paiement de la totalité des travaux de réparation nécessaires à la remise en état de l’ouvrage en son entier ».
Dans son rapport publié en même temps que l’arrêt (JCP Ed. Gén. 2000 II, n° 10299), Monsieur le Haut Conseiller Sargos, tout en concédant que dans l’espèce considérée « l’indissociabilité ne serait d’ailleurs pas évidente car les travaux d’agrandissement de la maison sont assez nettement individualisés par rapport aux « existants » a invité la Cour suprême à « se demander s’il ne faudrait pas simplifier la solution à donner à cette difficulté en partant, d’abord, de la notion de critère de travaux de bâtiment mise en lumière par l’arrêt Jan du 26 février 1991 : dès lors que la mise en oeuvre de cette technique a provoqué des dommages de nature décennale – ce qui est évidemment la condition sine qua non – l’assurance obligatoire des constructeurs doit jouer ».
Or s’il n’est pas contestable que la condition sine qua non de la mise en jeu de l’assurance obligatoire des constructeurs réside bien dans le caractère décennal des dommages, encore faut-il que les dommages dont il s’agit affectent bien la construction de l’ouvrage réalisé par le constructeur, dont la responsabilité décennale est recherchée, et non pas l’ouvrage existant parfaitement dissociable de l’ouvrage neuf réalisé !…
Monsieur Sargos, dans son rapport précité, évoque trois arrêts, savoir l’arrêt précité du 30 mars 1994, l’un du 3 juillet 1990 (Cass. 1re civ., 3 juillet 1990, RGAT 1990, p. 854, note J. Bigot ; RDI 1991, p. 77, obs. Ph. Dubois) et enfin un arrêt rendu le 9 décembre 1992 (Cass. 3e civ., 9 décembre 1992, Bull. civ. III, n° 321) et indique à leur propos que « le fondement de ces arrêts quant à la mise en jeu de l’une ou l’autre des assurances obligatoires est en définitif assez incertain, puisqu’il oscille entre l’origine du dommage, l’importance des travaux réalisés sur les existants ou l’indissociabilité des travaux neufs et des existants » et envisage le rejet du pourvoi en se fondant sur l’origine du sinistre, comme dans l’arrêt du 3 juillet 1990, solution qu’il écarte en définitive pour lui préférer, car ce serait « simplifier la solution à donner à cette difficulté », le recours à la notion de technique de travaux de bâtiment.
En réalité, la seule référence valide est celle consistant à se fonder sur l’origine du sinistre, comme dans l’arrêt précité du 3 juillet 1990, solution que n’a pas retenue la 1re Ch. civ., étant rappelé que l’arrêt dont il s’agit ne reflète nullement la doctrine de la 3e Ch. civ. pour n’avoir pas fait l’objet d’une publication au Bulletin et comme l’énonce justement Monsieur Sargos, « la particularité du sinistre survenu au cours de l’expertise destiné à rechercher d’autres désordres, ne permet pas de lui donner une valeur de principe », s’agissant en la circonstance de l’effondrement d’un mur de soutènement, qui avait pour origine les travaux de rénovation de l’immeuble considéré ; les autres arrêts précités du 9 décembre 1992 et 30 mars 1994 évoqués par Monsieur Sargos ne pouvant constituer une référence positive à l’appui de la solution dégagée dans l’arrêt rapporté, puisqu’aussi bien les travaux neufs étaient parfaitement dissociables des existants, à l’inverse de la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 30 mars 1994 ; tandis que l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 9 décembre 1992 ne concernait, de facto, que la notion de construction d’un ouvrage à propos de travaux de rénovation, dont il a été dit, à juste titre – compte-tenu de leur importance – qu’ils devaient être assimilés à des travaux de construction d’un ouvrage.
En revanche, un arrêt rendu par la 1re Ch. civile elle-même le 16 janvier 1996 (Cass. 1re Civ., 16 janvier 1996, n° 93-16.929, n° 151 Lamyline, Mutuelles du Mans c/Caisse Mutuelle d’Assurances de Prévoyance & Autres) pouvait constituer un précédent défavorable à la solution de l’arrêt rapporté.
En la circonstance, il s’agissait d’un litige entre un assureur incendie, subrogé dans les droits de son assuré et un assureur de responsabilité civile et de responsabilité décennale, la Cour de cassation ayant rejeté un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la Cour de Besançon, qui avait limité la condamnation de l’assureur de responsabilité décennale au strict coût de l’ouvrage neuf, en la circonstance une cheminée dont l’exécution défectueuse avait cependant endommagé gravement l’immeuble.
La Cour suprême avait validé à cette occasion une clause de déchéance de garantie ainsi libellée : « Pour l’ensemble des garanties, l’assuré est déchu de tous droits à garantie en cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art, telles qu’elles sont définies par la réglementation en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel, dans le marché de travaux concerné », la validation de ladite clause n’ayant été admise que pour les garanties complémentaires : ainsi l’assureur ne pouvait opposer utilement la clause de déchéance de garantie pour l’ouvrage neuf, objet d’une couverture d’assurance dite obligatoire, mais était fondé à en exciper au titre des dommages affectant les parties anciennes de la construction, s’agissant des garanties dites complémentaires ou encore facultatives.
La situation de l’espèce rapportée n’est pas radicalement différente de celle ci-avant évoquée, objet de l’arrêt précité du 16 janvier 1996.
Au cours d’une journée de formation et d’information organisée par Le Moniteur, le 1er mars 2000, Monsieur le Haut Conseiller Sargos a traité des dernières évolutions jurisprudentielles en matière d’assurance construction, citant bien évidemment à cet égard l’arrêt rapporté, dans un texte remis aux participants de cette journée.
On peut lire notamment dans ledit texte consacré à un certain nombre d’arrêts, dont celui rapporté, ce qui suit :
« Le concept large de « technique des travaux de bâtiment » a d’autant plus d’importance qu’il permet de faire coïncider le champ de l’obligation d’assurance avec le champ de la garantie décennale des dommages aux ouvrages, ce qui inclut en particulier les travaux dits de génie civil, étant observé que, au moins sur le terrain de l’assurance, le contentieux afférent à des ouvrages de génie civil est faible ».
On a bien compris : entrent indubitablement – mais le contentieux à cet égard est « faible » – dans le domaine de l’assurance obligatoire les dommages affectant des ouvrages de génie civil, le concept « large » de technique de travaux de bâtiment permettant de faire coïncider le champ de l’application de l’assurance obligatoire de la responsabilité décennale avec celui de cette responsabilité…
On ne peut que regretter cette position qui va à l’encontre de la volonté du législateur et s’oppose notamment aux dernières évolutions jurisprudentielles de la 3° Chambre civile à propos notamment de la notion d’élément d’équipement professionnel ou à usage strictement professionnel, comme à la volonté des milieux professionnels concernés (assureurs, constructeurs, mais aussi certains maîtres d’ouvrage professionnels), de voir mieux délimiter le champ de l’assurance obligatoire, esprit ayant conduit à la désignation d’un comité de juristes, présidé par M. Périnet-Marquet, comprenant outre ce dernier, Mme Saint-Alary-Houin, et le rédacteur de la présente note, ledit comité ayant déposé à cet égard un rapport le 18 décembre 1997 (RGDA 1998.17) et suivantes).
Il appartient à la 3e Ch. civ., et à elle seulement, de définir le champ d’application de la responsabilité décennale : or, dans le cadre de la définition du domaine d’application de l’assurance obligatoire de ladite responsabilité, et qui est du domaine « réservé » de la 1re Ch. civ., cette dernière en vient, par suite de sa volonté délibérée de faire coïncider les deux domaines, à énoncer des solutions consistant à étendre de façon excessive le domaine de la responsabilité décennale !…
Comme l’indique de façon pertinente Monsieur G. Legay commentant de façon critique l’arrêt rapporté (RDI 2000, p. 203 et 204) « A quand la décennale sur les avoisinants ? » ou encore « sans extrapolation, on peut aisément imaginer les conséquences d’une telle décision pour l’assureur de responsabilité décennale de l’artisan – et finalement pour l’artisan lui-même – sollicité pour la réfection d’une cheminée du château de Versailles ! ».
La solution retenue par l’arrêt rapporté est en outre, sur le plan de l’assurance, totalement irréaliste et impratiquable, dans la mesure où la prime perçue, dans le cadre d’une assurance de responsabilité décennale, est calculée en fonction du chiffre d’affaires pour l’année considérée du constructeur, lequel ne peut, à l’évidence, comprendre le coût des travaux non réalisés par ledit constructeur.
La solution pourrait consister à ce que le constructeur « déclare » outre le coût de ses travaux, celui estimé (mais par qui et comment ?) des existants, ce qui est difficilement acceptable par le constructeur et par l’assureur qui n’entend assurer et n’est obligé d’assurer la responsabilité du constructeur que pour la construction de l’ouvrage auquel celui-ci a participé…
On voit de quelque façon que l’on envisage la solution dégagée par l’arrêt précité que celle-ci ne peut qu’être condamnée.
Il reste à espérer que les juges du Fond n’adoptent pas une telle solution excessive, qui si elle était en définitive adoptée, ne pourrait que renchérir de façon considérable le coût de l’assurance de la responsabilité décennale.
Jean-Pierre Karila
Avocat, Professeur à l’EEJCH,
Chargé d’enseignement à l’Institut des Assurances de Paris.