La communication concomitante du rapport est encore et toujours sanctionnée — Karila

La communication concomitante du rapport est encore et toujours sanctionnée

La communication concomitante du rapport est encore et toujours sanctionnée

Cour de cassation, 3e civ., 24 sept. 2013, n° 12-25.245

Laurent Karila, Avocat, chargé d’enseignement à l’université de Paris I

RDI 2014 p. 358

Vu les articles L. 242-1, A. 243-1 du code des assurances et l’annexe II à ce dernier article, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 2 juillet 2012), qu’en 1993, M. et Mme X… ont signé un contrat de construction d’une maison individuelle avec la société Les Maisons d’Alvor après avoir souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société UAP aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (Axa) ; qu’après réception des travaux, le 30 septembre 1994, les époux X… ayant constaté des fissures diverses et des moisissures dans la chambre du rez-de-chaussée ont fait une déclaration de sinistre à leur assureur qui a refusé sa garantie ; que les époux X… ont assigné l’assureur en indemnisation et réparation de leurs troubles de jouissance ;

Attendu que pour rejeter les demandes des époux X… contre la société Axa, l’arrêt retient que l’annexe II de l’article A. 243-1 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à l’arrêté du 19 novembre 2009 impose à l’assureur de notifier le rapport préliminaire de l’expert préalablement à la notification de sa prise de position relative à sa garantie ; que la société Axa a communiqué à M. et Mme X… le rapport de l’expert dans le même courrier dans lequel elle a notifié sa position ; qu’aux termes de l’article L. 242-1 du code des assurances et de l’annexe II à l’article A. 243-1 du même code, l’assurance « dommages-ouvrage » qui oppose un refus de garantie, n’encourt de sanction que, si dans un délai de 60 jours il n’a pas notifié à l’assuré sa position ou lui ayant notifié une position de refus, ne lui a pas transmis dans ce délai le rapport de l’expert, puisque toute décision négative doit être expressément motivée ; que ces textes sanctionnent l’obligation pour l’assureur de notifier dans le même délai la position de refus de garantie et le rapport, mais qu’aucun des textes n’exige que l’assurance « dommages-ouvrage » doive notifier sa position dans un délai de 60 jours, et doive, en outre, sous peine de sanction de la déchéance, transmettre le rapport préliminaire à l’assuré avant cette notification, dans un délai que les textes ne précisent pas ; que la loi ne sanctionnant pas par la déchéance de l’assureur l’envoi concomitant du rapport préliminaire de l’expert et de la prise de position de l’assureur, la société Axa n’encourt pas la sanction prévue par les articles précités et n’est pas déchue de son droit de contester le caractère décennal des désordres litigieux ; qu’il convient donc de rechercher si les désordres liés aux fissures revêtent le caractère décennal ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’assureur ne pouvait valablement notifier à son assuré dans le délai qui lui est imparti sa décision sur le principe de sa garantie sans lui avoir préalablement communiqué le rapport préliminaire d’expertise en sa possession, la cour d’appel a violé les textes susvisés.


Observations


Des particuliers qui ont fait construire leur maison individuelle sont-ils recevables à solliciter la condamnation de leur assureur dommages-ouvrage à réparer des dommages déclarés qui ne revêtiraient pas les conditions de gravité de la garantie décennale au motif que ledit assureur est éligible à la sanction au sens de l’article L. 242-1 du code des assurances pour avoir communiqué le rapport de l’expert dommages-ouvrage concomitamment – et non pas préalablement – à sa prise de position sur la mise en jeu de ses garanties ?

La Cour de cassation y a répondu par l’affirmative en censurant les juges du fond qui avaient considéré – avec justesse selon nous – que les articles L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances n’avaient pas expressément assorti une telle situation factuelle de la sanction sus-évoquée, à propos de laquelle la jurisprudence a en effet admis qu’elle rendait l’assureur dommages-ouvrage irrecevable à se prévaloir de l’absence de gravité décennale des dommages déclarés.

Cette solution – qui n’est pas nouvelle – est la réitération d’un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation le 3 novembre 1993Note de bas de page(1) et n’a cessé d’être réitérée par la suiteNote de bas de page(2).

Depuis l’entrée en vigueurNote de bas de page(3) de l’arrêté du 19 novembre 2009 d’actualisation des clauses-types de l’article A. 243-1 du code des assurances qui a notamment expressément permis à l’assureur dommages-ouvrage de communiquer à son assuré le rapport préliminaire de l’expert dommages-ouvrage, préalablement ou concomitamment à la notification du principe de sa garantie, la question se posait toutefois de savoir si la Cour de cassation allait continuer d’appliquer sa jurisprudence après ladite entrée en vigueur – qui la rendait désuète – à des litiges relatifs à l’application de contrats d’assurance dommages-ouvrage conclus antérieurement à la publication dudit arrêté qui ne leur était en principe pas applicable.

Alors pourtant que la Cour de cassation n’a pas modifié sa position de principeNote de bas de page(4), en particulier les 12 janvier 2011Note de bas de page(5), 4 décembre 2012Note de bas de page(6) et enfin à l’occasion du présent arrêt commenté, les juges du fond font de la résistance, même encore après le prononcé de cet arrêt du 24 septembre 2013Note de bas de page(7) qui vient donc confirmer que le principe jurisprudentiel, que l’arrêté de 2009 est venu contredire, conserve toute sa vigueur pour tous les contrats dont la conclusion lui est antérieure.
Mots clés :
ASSURANCE * Assurance dommages-ouvrage * Prise de position de l’assureur * Rapport d’expertise * Communication préalable

(1) Civ. 1re, 3 nov. 1993, n° 91-18.128, Bull. civ. I, n° 307 ; RDI 1994. 79, obs. G. Leguay et P. Dubois ; RGAT 1994. 164, note J.-P. Karila.

(2) Civ. 3e, 18 févr. 2004, n° 02-17.976, D. 2004. 1206Document InterRevues, obs. P. JulienDocument InterRevues ; ibid. 2005. 1317, obs. H. GroutelDocument InterRevues ; RDI 2004. 151, obs. G. Leguay ; Gaz. Pal. 24-25 mars 2004. 26, note P. Dessuet ; RGDA 2004. 438, obs. J.-P. Karila – Civ. 3e, 4 janv. 2006, n° 05-13.727, Bull. civ. III, n° 2 ; RDI 2006. 105, obs. P. Dessuet – Civ. 3e, 3 janv. 2006, n° 04-19.043, RDI 2006. 105, obs. P. Dessuet – Civ. 3e, 18 déc. 2007, n° 07-12.419, RDI 2008. 160, obs. P. Dessuet – En sens contraire : CAA Paris, 15 déc. 2008, n° 07PA05030, Cne de Montereau-Fault-Yonne c/ Axa France Iard, RDI 2009. 314, obs. L. Karila.

(3) Le 28 nov. 2009.

(4) Civ. 3e, 16 déc. 2009, n° 09-65.697, Bull. civ. III, n° 278 ; RDI 2010. 167, obs. P. Dessuet – Civ. 3e, 27 mai 2010, n° 09-13.942, RDI 2010. 455, obs. P. Dessuet – Civ. 3e, 12 janv. 2011, n° 09-71.991, RDI 2011. 176, obs. P. Dessuet – Civ. 3e, 28 avr. 2011, n° 10-16.269, Bull. civ. III, n° 60 ; D. 2012. 1980, obs. H. GroutelDocument InterRevues – Civ. 3e, 28 avr. 2011, n° 10-16.269, Bull. civ. III, n° 60 ; D. 2012. 1980, obs. H. GroutelDocument InterRevues – Civ. 3e, 22 juin 2011, n° 10-15.714, RDI 2011. 577, obs. G. Leguay.

(5) Civ. 3e, 12 janv. 2011, n° 09-71.991, RDI 2011. 176, obs. P. Dessuet.

(6) Civ. 3e, 4 déc. 2012, n° 11-21.580, RDI 2013. 106, obs. P. Dessuet.

(7) Aix-en-Provence, 31 oct. 2013, n° 2013/475 – Paris, 30 oct. 2013, n° 12/02753 – Paris, 30 oct. 2013, n° 12/02620 – Versailles, 18 avr. 2013, n° 11/08077.

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