Assurance RC décennale ; Activité garantie ; Activité déclarée ; Construction de maison individuelle ; Activité non déclarée ; Activité non garantie – RGDA 2018, p. 554 * note Jean-Pierre Karila
3°/ qu’en retenant que le constructeur n’avait pas souscrit (l’arrêt rapporté comporte une erreur purement matérielle puisqu’il vise le nom du maître d’ouvrage et non du constructeur), le contrat particulier proposé par l’assureur en matière de construction de maison individuelle, la cour d’appel s’était prononcée par un motif impropre à écarter l’obligation d’assurance, et viole ainsi l’article L. 241-1 du Code des assurances (troisième branche) ;
4°/ qu’en laissant sans aucune réponse les conclusions d’appel du maître d’ouvrage, soutenant que l’assureur avait, en cours d’instance, admis que le contrat d’assurance s’appliquait aux travaux de construction de la maison, la cour d’appel avait violé l’article 455 du Code de procédure civile (quatrième branche).
Les précédents jurisprudentiels : fluctuations et distorsions
7. À l’appui de ses prétentions, le demandeur au pourvoi pouvait invoquer plusieurs précédents jurisprudentiels, mettant en relief que pour apprécier l’éventuelle mobilisation de la garantie d’assurance de responsabilité décennale à raison de désordres affectant la construction d’une maison individuelle, il faut se référer à l’objet de l’activité par le constructeur/assuré résultant de la nature des travaux ou procédés de construction qu’il déclare vouloir assurer, peu important lorsqu’il s’agit de la construction d’une maison individuelle, que ladite construction ait été réalisée en exécution d’un marché de travaux, ou encore en vertu d’un contrat de construction de maison individuelle régi par la loi et le règlement.
Mais au soutien de l’idée selon laquelle l’activité de constructeur de maison individuelle doit faire l’objet d’une déclaration spécifique alors même que les activités techniques déclarées impliquent, par leur nature ou objet, la construction de maison individuelle, pouvaient être invoqués plusieurs autres précédents jurisprudentiels.
8. À titre d’illustrations de la première opinion consistant à vérifier si l’addition/conjonction des activités déclarées permet ou non la construction d’une maison individuelle et à juger, dans l’affirmative, que l’assureur ne peut en conséquence prétendre à l’absence d’assurance/garantie, au motif que l’assuré n’a pas fait une déclaration spécifique à cet égard, on peut citer :
– un arrêt du 12 novembre 2003 (Cass. 3e civ., 12 nov. 2003, n° 02-11931) qui casse un jugement d’un tribunal d’instance pour défaut de base légale au regard de l’article L. 241-1 du Code des assurances, aux motifs ci-après reproduits :
« Vu l’article L. 241-1 du Code des assurances ;
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance d’Uzès, 25 octobre 2001), rendu en dernier ressort, que M. et Mme Gregor ont confié, suivant marché de travaux, la construction d’une maison à usage d’habitation à la société Egée, depuis en liquidation judiciaire avec M. Marion en qualité de liquidateur, assurée auprès de la compagnie Winterthur assurances ; qu’à la suite de l’apparition de désordres, les maîtres de l’ouvrage ont demandé réparation de leur préjudice ;
Attendu que pour rejeter leur demande formée à l’encontre de l’assureur, le jugement retient que les désordres relèvent de la garantie décennale, que le contrat liant M. et Mme Gregor à la société Egée intitulé « marché de travaux » était un contrat de construction de maison individuelle et que la police d’assurance souscrite auprès de la compagnie Winterthur assurances n’avait pas pour but de garantir la société Egée pour une prestation de constructeur de maisons individuelles, mais se trouvait destinée à garantir un simple marché de travaux ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les activités déclarées par le constructeur lors de la souscription du contrat d’assurances ne correspondaient pas aux travaux à l’origine des désordres, indépendamment de la forme du contrat conclu avec les maîtres de l’ouvrage (mis en gras par le rédacteur de la présente note), le tribunal n’a pas donné de base légale à sa décision ; »
– un arrêt du 18 février 2016 (Cass. 3e civ., 18 févr. 2016, n° 14-29268 : RGDA mai 2016, n° 113j5, p. 253, note Karila L.) rendu dans le même esprit, privilégiant l’idée que l’activité déclarée doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage, cassant un arrêt d’une cour d’appel qui avait rejeté l’action en garantie de l’assuré à l’encontre de son assureur auquel il avait déclaré une activité de contractant général, au motif qu’il n’avait assuré que la maîtrise d’œuvre de l’ensemble des travaux de rénovation et n’avait réalisé qu’un des lots des travaux considérés.
La cassation étant prononcée aux motifs ci-après reproduits :
« Vu les articles L. 241-1, L. 243-8 et l’annexe A243-1 du Code des assurances ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2014), que, pour restaurer un immeuble ancien, la SCI Le Pré d’Espagne (la SCI), maître d’ouvrage, a confié la maîtrise d’œuvre de l’opération et le lot sanitaire à la société Z. constructions (la société Z.), assurée à la société UAP, devenue Axa France IARD (la société Axa), et les travaux de gros œuvre, plâtrerie, isolation, menuiserie, peinture et papier peint à M. X. ; qu’en 2001, à la suite de la rupture d’une poutre supportant le plancher d’un appartement du premier étage, M. X. est intervenu pour procéder à la réparation mais celle-ci s’est révélée inefficace et le plancher s’est affaissé en 2005 ; qu’après expertise, la SCI a assigné en indemnisation M. X. et la société Z. qui a appelé la société Axa en garantie ;
Attendu que, pour rejeter l’appel en garantie de la société Z. contre la société Axa, l’arrêt retient que la société Z. n’a pas agi en qualité de contractant général au sens défini par le contrat dès lors que, si elle a assumé la maîtrise d’œuvre de l’ensemble des travaux de rénovation, elle n’a réalisé que le lot « sanitaires » et qu’il n’est pas contesté que les entreprises chargées des autres lots n’étaient pas ses sous-traitants ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’activité déclarée doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage, la cour d’appel, qui a constaté que les activités déclarées par la société Z. lors de la souscription du contrat d’assurance incluaient la maîtrise d’œuvre des opérations de rénovation et que cette activité était en relation avec les travaux à l’origine des désordres, a violé les textes susvisés » (mis en gras par le rédacteur de la présente note).
On peut rapprocher les arrêts précités des 12 novembre 2003 et 18 février 2016, de précédents arrêts, rendus, il est vrai, dans un contexte différent s’agissant d’arrêts rendus à l’occasion de la mobilisation des garanties de l’assureur auquel l’assuré avait déclaré l’activité de constructeur de maison individuelle, mais qui ont l’intérêt de souligner ici encore que le contrôle du juge portant sur la question de savoir si les désordres invoqués sont survenus à l’occasion de la ou des activités déclarées, doit être opéré abstraction faite du contexte juridique de l’exerce de l’activité considérée.
On relèvera sur ce dernier point :
– un arrêt du 14 avril 2010 (Cass. 3e civ., 14 avr. 2010, n° 91-11975 : Bull. civ. III, n° 83 ; RGDA 2010, p. 1076, note Périer M.), qui valide une décision de la cour d’Aix-en-Provence qui avait écarté l’argumentation de l’assureur qui prétendait que la garantie qu’il avait délivrée à son assuré, au titre de son activité de constructeur de maisons individuelles et d’amélioration de l’habitat, ne pouvait concerner des travaux de reprise de fondations d’un ouvrage existant, la validation ayant été opérée au considérant ci-après reproduit :
« Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la société SFTS était intervenue en qualité de constructeur de maisons individuelles aux lieu et place de la société Maisons Phénix constructeur de la maison des époux Y., et qu’elle était assurée pour l’activité de constructeur de maisons individuelles, la cour d’appel qui a exactement retenu que cette activité intégrait nécessairement la réalisation de fondations (mis en gras par le rédacteur de la présente note), a pu en déduire que la reprise éventuelle de ces fondations, ne constituant pas un secteur particulier du bâtiment devant faire l’objet d’une garantie spécifique, était également intégrée dans l’activité de constructeur de maisons individuelles ».
– un arrêt du 21 janvier 2015 publié au Bulletin (Cass. 3e civ., 21 janv. 2015, n° 13-25268 : Bull. civ. III, n° 5 ; RGDA mars 2015, n° 111y3, p. 142, note Karila J.-P. ; RDI 2015, p. 137, obs. Malinvaud Ph. ; RDI 2015, p. 188, obs. Roussel J.), qui casse pour violation des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances un arrêt de la cour de Lyon qui, pour mettre hors de cause l’assureur avait retenu que l’assuré avait « souscrit une garantie de responsabilité décennale pour les opérations de construction neuve de maisons individuelles qui n’est pas applicable à des marchés de travaux », la cassation étant prononcée au motif « qu’en statuant ainsi, alors que l’activité de constructeur de maisons individuelles inclut la réalisation de travaux selon marchés, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
9. À titre d’illustrations de la seconde opinion postulant l’exigence d’une déclaration spécifique du constructeur relativement à la construction de maison individuelle, pourraient être invoqués :
– un arrêt du 26 octobre 2017 (Cass. 3e civ., 26 oct. 2017, n° 16-24025) qui rejette un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait écarté la garantie de l’assureur de responsabilité décennale, la validation étant opérée aux motifs ci-après reproduits :
« Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en référé (Aix-en-Provence, 26 mai 2016), que M. X. et Mme Y. ont conclu avec la société Ruven un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan pour l’édification d’une villa ; que, se plaignant de défauts d’achèvement des travaux dans les délais contractuels, de manquements aux règles de l’art et de l’absence de levée des réserves, M. X. et Mme Y. ont assigné en référé la société Ruven et son assureur, la société Axa France IARD (la société Axa), aux fins de désignation d’un expert ;
Attendu que M. X. et Mme Y. font grief à l’arrêt de mettre hors de cause la société Axa ;
Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l’activité de constructeur de maisons individuelles n’avait pas été déclarée par la société Ruven, que cette activité faisait l’objet d’une exclusion claire et formelle par la police (mis en gras par le rédacteur de la présente note) d’assurance de responsabilité décennale souscrite auprès de la société Axa et retenu que la garantie de l’assureur n’était pas susceptible d’être mobilisée (mis en gras par le rédacteur de la présente note), la cour d’appel a souverainement déduit, de ces seuls motifs, que M. X. et Mme Y. ne justifiaient pas d’un intérêt légitime à attraire la société Axa aux opérations d’expertise ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; »
– un arrêt du 16 novembre 2017 (Cass. 3e civ., 16 nov. 2017, n° 16-24528 : RDI 2018, p. 171, obs. Roussel J.) qui casse pour violation de l’article L. 241-1 du Code des assurances, un arrêt d’une cour d’appel qui avait condamné l’assureur de responsabilité décennale, nonobstant l’existence d’une clause stipulée dans le contrat d’assurance excluant de la garantie l’activité de construction de maison individuelle, alors qu’elle avait constaté que l’assuré était intervenu comme constructeur de maison individuelle sans fourniture de plan, étant observé que de facto, le contrat de construction avec le vendeur de la maison considérée était un simple marché de travaux portant sur les lots de « maçonnerie, charpente couverture, menuiseries, électricité, piscine et plage, façades et carrelage plage », ensemble de lots dont la cour d’appel avait déduit que l’activité du constructeur correspondait à celle d’une construction de maison individuelle sans fourniture de plan au sens de l’article L. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation.
– un arrêt du 20 septembre 2011 (Cass. 3e civ., 20 sept. 2011, n° 10-20751), qui valide un arrêt d’une cour d’appel au considérant ci-après reproduit :
« Attendu qu’ayant constaté que l’entrepreneur, qui avait souscrit auprès de la société Sagena, un contrat de protection professionnelle des artisans du bâtiment pour son activité « maçonnerie-béton armé », ne s’était pas assuré pour l’activité de constructeur de maisons individuelles, et retenu que l’article 35 du contrat prévoyait « une exclusion générale » pour « toute activité non expressément mentionnée aux conditions particulières », la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ».
Notre avis sur les raisons qui ont conduit à l’arrêt rapporté
10. Nous avons déjà et d’emblée exprimé notre avis quant aux raisons qui ont conduit, selon nous, la Cour de cassation à donner une très large publicité à l’arrêt rapporté (supra n° 1), savoir la volonté de clarification de sa position quant à la signification des termes « secteur d’activité professionnelle » d’une part et l’affirmation sans ambiguïté que l’activité de constructeur de maison individuelle correspond à un secteur spécifique d’activité professionnelle du constructeur et doit faire en conséquence l’objet d’une déclaration spécifique d’autre part, abstraction faite de savoir si l’addition des activités techniques déclarées par l’assuré pouvait ou non contribuer à la construction d’une maison individuelle (supra n° 1, 3, 4, 8 et 9).
Notre avis sur la clarification opérée par l’arrêt rapporté
11. La volonté de clarification de la position de la Cour de cassation quant à la définition de la notion de secteur d’activité professionnelle est bienvenue à raison des distorsions jurisprudentielles ci-avant évoquées (supra n°7 à 9).
Certes les arrêts précités les plus récents du 26 octobre 2017 et 16 novembre 2017 (supra n° 9), précédés de l’arrêt précité du 20 septembre 2011 (supra n° 9) postulent l’exigence d’une déclaration spécifique du constructeur candidat à l’assurance portant sur le secteur d’activité professionnelle spécifique de construction de maison individuelle, de sorte que d’aucuns pourraient considérer que les arrêts antérieurs auxdits arrêts ne sont plus d’actualité.
Mais la clarification était néanmoins nécessaire dès lors que les arrêts précités de septembre 2011, octobre 2017 et novembre 2017 (supra n° 9) n’ont trait qu’à l’application d’une clause d’exclusion de garantie d’une part, et qu’ils sont inédits d’autre part, de sorte qu’il ne peut en être induit une solution normative, et ce d’autant plus qu’ils ont été précédés d’un arrêt certes ancien, mais publié en sens contraire, du 17 juin 1992 (Cass. 3e civ., 17 juin 1992, n° 89-19716 : Bull. civ. III, n° 208 ; RGAT 1992, p. 562, note Perinet Marquet H., rendu donc avant les arrêts de principe précités des 29 avril et 28 octobre 1997), cassant pour violation des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances, ensemble l’annexe I à ce dernier article, une clause d’exclusion de garantie pour les activités exercées par l’assuré en qualité de constructeur de maison individuelle, au motif que ladite clause « avait pour conséquence d’exclure de la garantie certains travaux de bâtiment réalisés par Madame X. dans l’exercice de sa profession d’entrepreneur, faisant échec aux règles d’ordre public relatives à l’étendue de l’assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction et devait, par suite, être réputée non écrite » ;
L’arrêt précité du 17 juin 1992 ayant été lui-même suivi par :
– un arrêt du 15 décembre 1993 (Cass. 1re civ., 15 déc. 1993, n° 91-10437 : RGAT 1994, p. 568, note critique Karila J.-P.) ;
– un arrêt du 29 juin 1994 (Cass. 1re civ., 29 juin 1994, n° 92-15579) ;
– l’arrêt précité du 12 novembre 2003 (supra n° 8) qui a cassé pour défaut de base légale au regard de l’article L. 241-1 du Code des assurances, une décision du juge du fond qui avait rejeté la demande de garantie à l’encontre de l’assureur de responsabilité décennale au motif que le marché de travaux de construction passé avec le maître d’ouvrage portait sur la construction d’une maison individuelle, alors que le contrat d’assurance n’avait pas pour but de garantir l’assuré pour « une prestation de construction de maison individuelle », la cassation ayant été prononcée pour n’avoir pas recherché que les activités déclarées par le constructeur lors de la souscription du contrat d’assurance ne correspondaient pas aux travaux à l’origine des désordres, indépendamment de la forme du contrat conclu avec les maîtres de l’ouvrage ;
– l’arrêt précité du 21 janvier 2015 (supra n° 8) qui casse pour violation des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances, un arrêt d’une cour d’appel qui avait refusé de retenir la garantie de l’assureur pour des désordres ayant affecté des travaux de réparation de fondations réalisés dans le cadre d’un marché classique de travaux, alors qu’il était assuré au titre des activités déclarées non pas pour des travaux de fondations, mais pour la construction d’une maison individuelle, la cassation, inévitable, ayant été prononcée au motif que l’activité de constructeur de maison individuelle inclut la réalisation de travaux selon marché.
La clarification était donc nécessaire et elle est bienvenue.
Notre avis sur la nécessité de déclarer le secteur d’activité professionnelle de construction de maison individuelle
12. Le contentieux sur l’application du principe posé par les arrêts précités du 29 avril 1987 et 28 octobre 1997 est très fourni, récurrent, pour ne pas dire permanent.
L’assureur peut être tenté, à tort ou à raison, au gré des espèces, d’invoquer le principe ci-avant évoqué pour refuser sa garantie à propos de désordres survenus dans le cadre d’une activité qui n’a pas été expressément déclarée par l’assuré mais qui est nécessairement incluse dans les déclarations de celui-ci, situation qui explique d’ailleurs que les arrêts de la Cour de cassation ne sont pas toujours rendus au visa des textes précités du Code des assurances, mais parfois au visa express ou implicite de l’article 1134 du Code civil (désormais 1103 dudit Code).
On donnera à cet égard deux exemples, à savoir :
– un arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2018 (Cass. 3e civ., 28 févr. 2018, n° 17-13618 publié au Bulletin), qui casse, pour violation de l’article 1134 du Code civil, un arrêt d’une cour d’appel qui « pour rejeter les demandes formées par l’EURL [maître d’ouvrage] contre la Société MMA [assureur], retient que la société X [assuré] a déclaré l’activité professionnelle de travaux de maçonnerie générale, mais que l’activité de carreleur est distincte de celle de maçon, les travaux de maçonnerie n’impliquant pas nécessairement la pose de carrelage, et qu’il s’ensuit que la société MMA est fondée à soutenir que les conditions de sa garantie ne sont pas réunies… ».
La cassation ayant été prononcée au considérant ci-après reproduit :
« Qu’en statuant ainsi, alors que les travaux de maçonnerie générale incluent la pose de carrelage, la cour d’appel a violé le texte susvisé » ;
– un arrêt d’une cour d’appel du 30 janvier 2018 (CA Amiens, ch. civ. 1, 30 janv. 2018, n° 16/02218) qui juge « que l’activité « réalisation de charpentes, structures et ossatures à base de bois » incluait nécessairement le montage d’une ossature en bois d’une maison livrée en kit à des particuliers et dont l’entrepreneur n’avait assuré que le montage, l’assureur étant infondé à prétendre que cette activité rentrait dans une activité spécifique de réalisation de maisons à ossature en bois que l’assuré n’avait pas souscrite ».
13. Si on raisonne par référence au principe posé par les arrêts précités des 29 avril 1997 et 28 octobre 1997, voulant que la garantie de l’assureur est limitée au secteur d’activité professionnelle que l’assuré a déclaré et que l’on se reporte au Code de la construction et de l’habitation, on constate le caractère effectivement spécifique du secteur d’activité professionnelle de construction de maison individuelle, ressortissant tant de la présentation qui en est faite dans ledit code, que dans les textes qui régissent les deux types de construction d’une maison individuelle selon que le constructeur aura ou non fourni le plan de la maison individuelle à construire.
14. On soulignera à cet égard que le Code de la construction et de l’habitation comporte plusieurs livres : le « Livre Premier » intitulé « Dispositions générales », comportant sous le titre « Premier – Construction des Bâtiments », une « Section VI. Responsabilité des constructeurs d’ouvrages », tandis que le « Livre Deuxième – Statut des Constructeurs » est consacré à certains régimes spécifiques, comme celui de la « Promotion immobilière » (Titre II), les « Ventes d’immeubles à construire ou à rénover » (Titre VI) et la « Construction d’une maison individuelle » (Titre III).
Le Titre III précité (Construction de maison individuelle) comporte un certain nombre de dispositions dérogatoires par rapport aux conditions de responsabilité des autres constructeurs/locateurs d’ouvrages, comme par exemple l’absence d’effet de purge à la réception de vices apparents qui n’auraient pas fait l’objet de réserves lors de ladite réception, le maître d’ouvrage ayant la faculté en la circonstance de les dénoncer dans un délai de 8 jours suivant la réception afin qu’il y soit remédié dans le cadre de l’exécution du contrat (CCH, art. L. 213-8), ce qui met en évidence le sort particulier qui est fait au constructeur d’une maison individuelle, alors même que la loi le répute « constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil ».
15. De facto, plusieurs cas de figure doivent être envisagés.
Si, dans le cadre d’un marché de travaux portant sur la construction d’une maison individuelle, le constructeur fournit un plan ou procure indirectement le terrain, alors il est légitime de restituer, conformément d’ailleurs au principe édicté par l’article 12 du Code de procédure civile, audit marché de travaux sa véritable qualification en jugeant qu’il s’agit d’un contrat de construction de maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation, et partant dans le cadre de l’appréciation de la mobilisation des garanties de l’assureur de responsabilité décennale, de refuser celles-ci au cas où le constructeur n’aurait pas déclaré comme secteur d’activité professionnelle celui de la construction de maison individuelle, alors même que les activités techniques qu’il aurait déclarées impliquaient de facto la possibilité de la construction d’une maison individuelle.
Si, en revanche, dans le cadre d’un marché de travaux portant sur la construction d’une maison individuelle, le constructeur ne fournit pas un plan ni ne procure indirectement le terrain, on voit mal comment le contrat de louage d’ouvrage pourrait être qualifié de construction d’une maison individuelle au sens de l’article L. 232-1 du Code de la construction et de l’habitation.
En d’autres termes, il ne faut pas s’attacher à la qualification que les parties au contrat de construction ont donnée à celui-ci, ou encore aux conditions d’ordre économique ou juridique de la réalisation de l’objet du contrat de construction, mais dans le cadre de l’appréciation de l’éventuelle mobilisation des garanties de l’assureur de responsabilité décennale, au regard du principe selon lequel la garantie de l’assureur ne peut concerner que le secteur d’activité professionnelle déclaré par le constructeur, s’attacher, au gré des espèces, tant à l’objet du contrat de construction qu’aux stipulations de la police d’assurance concernant les activités déclarées et donc garanties, et s’agissant de la déclaration ou de l’omission de déclaration du secteur d’activité professionnelle de construction de maison individuelle, de dire, selon les espèces, qu’elle est sans conséquence ou, en revanche, discriminante.
16. Si on raisonne au regard des seuls principes régissant le contrat d’assurance et dans le contexte du droit positif exposé ci-avant en ce qui concerne l’application des arrêts de principe des 29 avril 1997 et 28 octobre 1997, dont la solution a été réitérée à de nombreuses reprises, il est clair que l’appréciation de l’éventuelle mobilisation des garanties de l’assureur de responsabilité décennale doit être faite en fonction de la stricte lettre des déclarations de l’assuré, comme en témoigne :
– un grand nombre d’arrêts, dont certains ont été rendus il y a plus d’une décennie ;
– et encore un arrêt récent du 8 novembre 2018, objet de notre Note dans les présentes colonnes (Cass. 3e civ., 8 nov. 2018, n° 17-24488, FS-PBI).
L’arrêt rapporté a le mérite supplémentaire, comme on l’a vu ci-avant, de mettre fin à certaines contradictions et de servir de guide au juge du fond dans la perspective d’une unification de la jurisprudence, et ne peut, dans ces conditions et pour ces raisons, qu’être approuvé.
2. On rappellera que depuis deux arrêts publiés des 29 avril et 28 octobre 1997, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire que doit souscrire tout constructeur ne peut comporter des clauses et exclusions autres que celles prévues à l’annexe I à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne néanmoins que le secteur d’activité professionnelle déclaré par ledit constructeur (Cass. 1re civ., 29 avr. 1997, n° 95-10187, : Bull. civ. I, n° 131 : RGDA 1997, p. 1044, note Karila J.-P. ; Gaz. Pal. 1997, II, p. 644, note Lesage F. ; Resp. civ. et assur. 1997, comm. n° 238 – Cass. 1re civ., 28 oct. 1997, n° 95-19416 : Bull. civ. I, n° 295 ; RGDA 1997, p. 1044, note Karila J.-P. ; voir Groutel H., « L’objet de la garantie de l’assureur décennal », Resp. civ. et assur. 1998, chr. n° 4).
Le principe ci-avant rappelé, comme la solution adoptée par l’arrêt rapporté, renvoie naturellement à la question de savoir ce qu’il faut entendre par les termes « secteur d’activité professionnelle » d’une part, et à celle subséquente des modalités d’exécution de l’obligation pesant sur le constructeur, de déclarer le secteur d’activité professionnelle dans le cadre duquel il exerce/déploie ses compétences nécessairement d’ordre technique, ressortissant de son métier de constructeur, d’autre part.
Soliloque sur la notion de secteur d’activité professionnelle
3. À s’en tenir aux arrêts de principe ci-avant évoqués de 1997, comme aux cas d’espèce dans le cadre desquels les arrêts subséquents ont été rendus, la définition de la notion du secteur d’activité professionnelle renvoie nécessairement à un contenu technique, et non pas économique ou encore juridique.
S’il existe par ailleurs une nomenclature technique des différents travaux ou procédés de construction à laquelle se réfèrent à l’occasion les déclarations du constructeur/futur assuré, en revanche, il n’existe aucune nomenclature quelconque recensant l’activité de constructeur de maison individuelle, activité qui fait néanmoins parfois l’objet d’une déclaration spécifique du constructeur, ou encore d’une exclusion formelle de garantie stipulée dans le contrat d’assurance, comme on le verra ci-après.
4. Dans ce contexte factuel, on peut estimer que ce qui est essentiel, dans le cadre de l’appréciation de l’éventuelle mobilisation des garanties de l’assureur de responsabilité décennale, c’est l’objet même de l’activité réellement exercée par le constructeur/assuré au-travers des activités techniques déclarées par l’assuré quant à la nature des travaux, ou encore des procédés de construction qu’il déclare mettre en œuvre, abstraction faite des conditions d’ordre économique ou encore juridique de la réalisation dudit objet.
L’absence de déclaration spécifique du constructeur qui n’aurait pas déclaré stricto sensu l’activité de constructeur de maison individuelle, mais les activités ci-avant évoquées, constitue-t-elle un obstacle à la mobilisation des garanties de l’assureur si les activités techniques déclarées par ledit constructeur implique de facto la possibilité de la construction d’une maison individuelle ?
En d’autres termes, si dans le contexte ci-avant évoqué, le constructeur/assuré réalise la construction d’une maison individuelle, peut-il se voir opposer légitimement par l’assureur de sa responsabilité décennale :
– soit l’absence de toute assurance/garantie en raison de ce qu’il n’a pas déclaré expressément, au titre du secteur de son activité professionnelle, la construction de maison individuelle ?
– soit l’exclusion de garantie concernant la construction de maison individuelle qui aurait été stipulée dans le contrat d’assurance ?
Étant souligné/rappelé ici que la construction d’une maison individuelle peut être le résultat :
– soit de l’exécution d’un marché de travaux ;
– soit de l’exécution de l’un des deux contrats prévus et régis aux articles L. 231-1 et L. 232-1 du Code de la construction et de l’habitation.
Faits et procédure
5. Dans les circonstances de l’espèce, le constructeur avait souscrit un contrat d’assurance de responsabilité décennale aux termes duquel il était stipulé que : « Sont garantis les travaux de techniques courantes correspondant aux activités déclarées ci-après : gros œuvre »
Un avenant ultérieur y avait ajouté l’activité de charpente métallique, tandis qu’un autre avenant avait étendu les garanties aux activités ci-après :
« Gros œuvre,
Plâtrerie-cloisons sèches,
Charpentes et ossature bois,
Couverture-Zinguerie,
Plomberie-installation sanitaire,
Menuiserie-PVC. »
Plusieurs avenants successifs reprenaient les mêmes activités, alors que dans l’intervalle, le maître d’ouvrage avait conclu avec le constructeur un contrat concernant la construction d’une maison individuelle.
La lecture de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, objet du pourvoi rejeté par l’arrêt rapporté, ne permet pas de déterminer si le contrat de construction était un simple marché de travaux relatif à la construction d’une maison individuelle ou un des deux contrats de construction de maison individuelle réglementés par la loi et le règlement (CCH, art. L. 231-1 à L. 231-13 et R. 231-1 à R. 231-14 pour la construction d’une maison individuelle avec fourniture du plan d’une part, et art. L. 232-1 et L. 232-2 et R. 232-2 à R. 232-7 dudit code pour le contrat de construction d’une maison individuelle sans fourniture de plan, d’autre part) ; tandis que l’arrêt rapporté se réfère à « un contrat de construction de maison individuelle, garage, piscine, murs de clôture et restauration d’un cabanon en pierre », ce qui conduit à penser que le contrat de construction était un simple marché de travaux, étant précisé qu’à l’époque de la conclusion dudit contrat de construction, l’activité garantie par l’assureur était alors « les travaux de technique courante correspondant aux activités ci-après : gros œuvre ».
Le constructeur ayant abandonné le chantier, le maître d’ouvrage l’assigne en réparation des désordres et inexécutions, ce qui conduit le tribunal de grande instance de Draguignan à prononcer dans le cadre d’un premier jugement, la réception de l’ouvrage à la date du 14 juin 2005 à retenir, à cette occasion, l’entière responsabilité du constructeur.
Se plaignant de nouveaux désordres, le maître d’ouvrage, après expertise, engage une procédure au fond dirigée uniquement contre l’assureur de responsabilité décennale du constructeur qui avait fait, dans l’intervalle, l’objet d’une procédure collective.
Par arrêt du 29 avril 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, confirmant un jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 29 septembre 2015, juge qu’« il ressort clairement des stipulations du contrat d’assurance souscrit par la société Euroconstruction auprès de la MMA que l’activité Construction de maison individuelle n’a pas été déclarée à l’assureur et la MMA expose que la société Euroconstruction n’a souscrit qu’un contrat d’assurance responsabilité civile décennale et responsabilité civile entreprise et non un contrat Construction de maison individuelle qui est un contrat particulier avec des garanties spécifiques.
L’activité construction de maison individuelle ne figurant pas aux activités déclarées par l’assuré et celui-ci n’ayant pas souscrit le contrat particulier proposé par l’assureur, les demandes en garantie formées par M. Chevalier et les demandes accessoires seront rejetées. »
Le pourvoi à l’encontre de l’arrêt rapporté sera rejeté, comme on le sait.
Analyse succincte des moyens de cassation
6. Aux termes d’un moyen unique de cassation comportant quatre branches, le maître d’ouvrage/victime des désordres affectant la construction de la maison individuelle, reprochait à la cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir rejeté sa demande en paiement de l’indemnisation des désordres dont s’agit, dirigée contre l’assureur de responsabilité, s’agissant de facto et de jure non d‘une demande de garantie, comme la cour d’Aix-en-Provence l’a curieusement qualifiée, mais d’une action directe au sens de l’article L. 121-4 du Code des assurances (peu important que le pourvoi ne l’ait pas relevée), et ce, alors :
1°/ que si la garantie convenue ne peut s’appliquer qu’à l’activité déclarée par l’assuré, celle-ci doit être appréciée indépendamment de la forme du contrat conclu avec le maître de l’ouvrage ; qu’en écartant la garantie de l’assureur au motif inopérant que l’activité de construction de maison individuelle n’avait pas été déclarée, il importait seulement de rechercher si les désordres invoqués se rapportaient à l’une des activités de construction déclarées par le constructeur dans le contrat d’assurance, la cour d’appel a violé l’article L. 241-1 du Code des assurances (première branche) ;