Sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurance, l’assureur est tenu d’informer son client du point de départ de la prescription (Cass. 3e civ., 18 octobre 2011) — Karila

Sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurance, l’assureur est tenu d’informer son client du point de départ de la prescription (Cass. 3e civ., 18 octobre 2011)

Ancien ID : 908

L’assureur est inopposable exciper vis à vis de son assuré du bénéfice de l’acquisition de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurance, s’il ne l’a pas tenu informer son client du point de départ de la prescription.

Me Laurent Karila – RDI 2012, p. 107

Source : Cass. 3e civ., 18 octobre 2011, n° 10-19171  
 l’article R. 112-1 du code des assurances ; Attendu qu’aux termes de ce texte, les polices d’assurance relevant des branches 11 à 17 de l’article R. 321-1 du code des assurances doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ; qu’il en résulte que l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code, les différents points de départ du délai de la prescription biennale prévus à l’article L. 114-2 de ce code ; […] Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite l’action engagée par la société Delta contre son assureur, l’arrêt retient que le contrat signé par l’assuré comprend notamment les conditions générales modèle 2.1/4 A dont l’article 29 est rédigé comme suit : « toute action du présent contrat est prescrite par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code » et que cet article est opposable à l’assuré, signataire du contrat d’assurance et satisfait suffisamment aux prescriptions de l’article R. 112-1 du code des assurances qui n’exige pas le rappel de l’article L. 114-1 du code des assurances in extenso ; Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat ne rappelait pas que, quand l’action de l’assuré contre l?assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Observations Après l’arrêt de la deuxième chambre civile du 17 mars 2011 que nous avions commenté dans ces colonnes (1), voici un arrêt qui nous donne l’occasion de revenir sur d’importantes décisions rendues depuis par la Cour de cassation. Pour être opposable à son assuré comme satisfaisant suffisamment aux prescriptions de l’article R. 112-1 du code des assurances, le contrat d’assurance doit rappeler que lorsque l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier. C’est ce que juge l’arrêt inédit susvisé, comme l’avait déjà fait la troisième chambre civile, le 28 avril 2011 (2) dans un arrêt cette fois-ci publié et dont le résumé au bulletin énonce comme suit : « Aux termes de l’article R. 112-1 du code des assurances, les polices d’assurance relevant des branches 11 à 17 de l’article R. 321-1 du code des assurances doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre 1er de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance. Il en résulte que l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1, les différents points de départ du délai de prescription biennale prévus à l’article L. 114-2. Dès lors doit être cassé l’arrêt qui déclare satisfaisante l’information que les conditions générales et particulières de la police donnaient sur la prescription encourue, alors que le contrat ne rappelait pas que, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier ». Le lecteur attentif de l’article R. 112-1 du code des assurances aura cependant observé que ledit article ne dispose pas, comme l’énonce la Cour de cassation, que certaines polices d’assurance doivent « rappeler les dispositions des titres I et II du livre 1er de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance », mais « rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant la règle proportionnelle, lorsque celle-ci n’est pas inapplicable de plein droit ou écartée par une stipulation expresse, et la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ». L’obligation de « rappeler […] la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance » n’est pas stricto sensu équivalente à celle de « rappeler les dispositions » de tel article « concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ». C’est pourtant le principe que pose la Cour de cassation au premier paragraphe de son résumé pour mieux conclure à l’obligation en découlant pour l’assureur de « rappeler que, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier », comme le rappelle en effet l’article L. 114-1 du code des assurances. On en déduira que l’assureur devrait avoir également l’obligation de reproduire les autres points de départ de la prescription biennale des actions dérivant d’un contrat d’assurance, à savoir l’événement qui y donne naissance mais également, en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, le jour où l’assureur en a eu connaissance ; et en cas de sinistre, le jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là. C’est la même lecture de l’article R. 112-1 du code des assurances qui conduisait la même troisième chambre civile à dire le même jour (3) que ledit article obligeait l’assureur à rappeler dans le contrat d’assurance les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l’article L. 114-2 du même code, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par ledit texte ; comme l’avait d’ailleurs déjà énoncé la deuxième chambre civile le 3 septembre 2009 (4). C’est en ce sens encore que cette même troisième chambre civile a jugé le 16 novembre 2011 (5), en cassant pour violation de l’article R. 112-1 du code des assurances, un arrêt de la cour d’appel de Paris qui énonçait que l’article considéré n’exigeait pas de l’assureur la reproduction in extenso de ces articles L. 114-1 et L. 114-2 dudit code. Outre la désignation d’experts à la suite d’un sinistre et l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité, l’article L. 114-2 du code des assurances énonce que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription. Est-ce à dire que la Cour de cassation confirmerait demain l’inopposabilité de la clause du contrat d’assurance que retiendrait une cour d’appel au motif que ladite clause n’aurait pas reproduit les articles du code civil relatif aux causes d’interruptions ordinaires de prescription ? Nous ne l’espérons pas, tant la lecture des termes de l’article R. 112-1 du code des assurances par la Cour de cassation est selon nous déjà extensive et qu’elle s’éloignerait encore du rappel de la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance auquel seuls obligent les termes de l’article précité. L’arrêt du 16 novembre 2011 susévoqué pourrait y avoir d’ailleurs déjà indirectement répondu, en ce qu’il énonce clairement l’obligation de l’assureur d’avoir reproduit au contrat d’assureur les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances sans obliger à la reproduction des articles 2234 et suivants du code civil… (mais la question ne lui était, certes, pas posée par le moyen) sauf à craindre que la Cour de cassation, déterminée à combattre la prescription biennale et ses effets protecteurs des intérêts des assureurs, aille jusqu’à une telle extrémité, dans l’attente d’une réforme législative qu’elle espère depuis plus de 20 ans, la Cour ayant la première fois dans son rapport de 1990, milité en faveur de la suspension du délai de prescription pendant la durée des pourparlers avec l’assureur, ce que n’a pas organisé la loi du 17 juin 2008, celle-ci ce contentant de faire bénéficier de l’effet suspensif de prescription de la décision qui fait droit à une demande d’expertise judiciaire visée à l’article 239 nouveau du code civil.
Mots clés : ASSURANCE * Assureur * Responsabilité * Obligation d’information * Prescription biennale * Inopposabilité
(1) Civ. 2e, 17 mars 2011, n° 10-15.267 : RDI 2011. 347, obs. L. Karila(2) Civ. 2e, 28 avr. 2011, n° 10-16.403 : D. 2011. 1281(3) Civ. 3e, 28 avr. 2011, n° 10-16.269 : Gaz. Pal. 30 juill. 2011, p. 7, note D. Noguero ; RGDA 2001. 700 note J. Kullmann. On citera également : Civ. 2e, 30 juin 2011, n° 10-23.223 : RCA 2011, comm. 309, Hubert Groutel. Qui valide l’arrêt d’appel qui a prononcé l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurances au motif que l’assureur ne rapportait pas la preuve de la remise à l’assuré des conditions générales ou d’une notice l’informant des délais de prescription des actions dérivant du contrat d’assurance.(4) Civ. 2e, 3 sept. 2009, n° 08-13.094 : Bull. civ. II, n° 201 ; D. 2009. 2165, obs. S. Lavric(5) Civ. 3e, 16 nov. 2011, n° 10-25.246 : Bull. à venir ; D. 2011. 2933
   

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