Assurance dommages ouvrage – 1° Action du Syndicat des Copropriétaires contrel’assureur. Prescription biennale (article L. 114-1) (oui). – 2° Application de l’article 1792 : pouvoirs du juge du fond. C’est à bon droit qu’une cour d’appel retient que la collectivité des propriétaires indivis d’un immeuble, au prorata de leurs tantièmes de propriété réunis en syndicat, était au même titre que chaque copropriétaire l’assurée de l’assureur dommages ouvrage, la police dommages ouvrage étant une assurance de chose ; il s’ensuit que la cour d’appel a pu en déduire que la prescription biennale édictée par l’article L 114.1 du Code des assurances était acquise au profit de l’assureur et que le Syndicat des Copropriétaires était irrecevable en son action.
Cour de cassation (3e Ch. civ.) 6 juillet 2010 Pourvoi no 09-66588 Syndicat des Copropriétaires du 11 rue E. Vaillant et du 141 rue Élysées Reclus Résidence Centrale Square au Kremlin Bicêtre c/ AXA FRANCE IARD
La Cour,
Sur le premier moyen :
[Sans intérêt]
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu’ayant retenu à bon droit que la collectivité des propriétaires indivis de l’immeuble au prorata de leurs tantièmes de propriété réunis en syndicat était, au même titre que chaque copropriétaire, l’assurée de l’assureur dommages-ouvrage, la police dommages-ouvrage étant une assurance de chose, la cour d’appel a pu en déduire que la prescription biennale était acquise au profit de la « compagnie » Axa France et que le syndicat des copropriétaires était irrecevable ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu’ayant souverainement relevé que le syndicat des copropriétaires ne versait en appel aucun document technique propre à établir que les désordres ou dysfonctionnements remplissaient l’un ou l’autre critère de la responsabilité décennale édictée par les articles 1792 et suivants du Code civil, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le quatrième moyen :
[Sans intérêt]
Par ces motifs :
Rejette…
Note
1. L’arrêt rapporté, non destiné à être publié au Bulletin, rappelle des solutions évidentes :
– tant en ce qui concerne la nature de l’assurance dommages ouvrage et la qualité de l’assuré au sens de cette police ;
– qu’en ce qui concerne l’appréciation par le juge du fond de l’application de l’article 1792 du Code civil.
2. Sur la qualité d’assuré au sens de la police dommages ouvrage
On peut regretter le terme/qualificatif d’assuré alors que s’agissant d’une assurance de chose, il eu été préférable, à notre avis, de se référer à la qualité de bénéficiaire de l’assurance.
Néanmoins la qualité d’assuré est reconnue par la doctrine en général et une jurisprudence unanime.
L’arrêt rapporté illustre en tout cas, comme nous le verrons ci-après, la règle selon laquelle la Cour de cassation – comme toute juridiction – ne statue que dans les limites des moyens qui lui sont proposés.
Le Syndicat des Copropriétaires reprochait à la Cour de Paris d’avoir violé les articles L 114-1 et L 242-1 du Code des assurances au motif que ne dérive pas du contrat d’assurance l’action intentée par le Syndicat des Copropriétaires contre l’assureur dommages ouvrage dans la mesure où ledit syndicat n’a pas, lui-même, la qualité de propriétaire de l’immeuble, mais uniquement de tiers lésé alors que la Cour de Paris avait estimé que la collectivité des propriétaires indivis de l’immeuble au prorata de leurs tantièmes de propriété, réunie en syndicat était au même titre que chaque copropriétaire l’assurée de l’assureur dommages ouvrage au titre de l’assurance de chose dont s’agit.
Le moyen ne pouvait, à l’évidence, prospérer, la jurisprudence admettant depuis des décennies, et alors même qu’il est vrai que le Syndicat des Copropriétaires n’est pas propriétaire de l’immeuble, l’action de celui-ci à l’encontre de l’assureur dommages ouvrage tant à l’occasion des dommages affectant les parties communes qu’à l’occasion de dommages affectant les parties privatives (voir pour un arrêt récent [a contrario], Cass. 3e civ., 3 mars 2010, no 07-21950, RGDA 2010, p. 364, note J-P. Karila).
En ce sens l’arrêt rapporté ne peut qu’être approuvé.
On relèvera néanmoins à la lecture du moyen (annexé au pourvoi) que l’assureur dommages ouvrage était par ailleurs aussi assureur de responsabilité civile de l’entreprise générale, la précision étant donnée à titre incident sans être érigée au niveau d’un moyen de cassation… alors que s’il en avait été ainsi, il est très probable que la Cour de cassation aurait cassé l’arrêt de la Cour de Paris puisqu’aussi bien, dans cette configuration, le Syndicat des Copropriétaires était bien tiers lésé et non pas assuré au titre de l’assurance de responsabilité civile de l’entreprise ci-dessus évoquée et qu’en conséquence il ne pouvait lui être opposé la prescription biennale tirée de l’article L 114.1 du Code des assurances.
3. Sur les conditions de l’application de l’article 1792 du Code civil
La Haute Juridiction rejette le troisième moyen de cassation après un contrôle de motivation des juges du fond duquel elle en déduit, à juste titre, que lesdits juges du fond ont légalement justifié la décision de rejet de l’action tendant à l’application de la garantie décennale.
On rappellera ici qu’il appartient à celui qui revendique l’application de l’article 1792 du Code civil, de rapporter la preuve des conditions de son application.
Or, en la circonstance, il ne résultait pas des pièces produites aux débats par le Syndicat des Copropriétaires, que les désordres ou dysfonctionnements qu’il alléguait remplissaient l’un ou l’autre des critères de la responsabilité décennale – ce que pouvait parfaitement apprécier souverainement, le juge du fond – qui, partant, a légalement justifié sa décision de débouter le Syndicat des Copropriétaires sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.
J.-P. Karila – RGDA n° 2011-01, P. 139