Ancien ID : 462
Le présent arrêt présente un intérêt pratique certain puisqu’il retient une solution stricte à propos d’un mécanisme de contournement de la limitation contractuelle de l’objet du contrat d’assurance.En l’occurence, la limite concernait deux contrats d’assurance souscrits par une même personne morale pour la couvrir des conséquences de sa responsabilité lorsqu’elle intervenait soit en qualité de promoteur (premier contrat) soit en qualité de maître d’oeuvre (second contrat).
L’assuré déclarait un sinistre à son assureur en sa qualité de maître d’oeuvre. L’assureur prenait une position de non garantie au motif que le contrat n’avait vocation à s’appliquer qu’aux conséquences de la responsabilité engagée à l’égard de tiers et qu’en l’espèce, le maître de l’ouvrage était également l’assuré qui n’avait donc pas la qualité de tiers au contrat.
Ce motif de non garantie a été validé par les juges et n’était plus contesté en cause de cassation.
La question portait ici sur la « voie de contournement » opportunément utilisée par l’assuré qui, ne pouvant trouver par la voie du contrat son salut, tentait, par celle de la responsabilité de l’assureur pour manquement à son obligation de conseil, d’obtenir une sorte de garantie extra-contractuelle.
L’assuré reprochait ainsi à son assureur de ne pas avoir attiré son attention sur le fait qu’en application des contrats souscrits, seul le tiers pouvait prétendre être garanti ce qui devait le conduire à constituer deux personnes morales distinctes.
Ce raisonnement était suivi par la Cour d’appel de Besançon qui condamnait l’assureur sur le fondement de l’article 1147 du Code civil au titre d’un manquement à son obligation de conseil.
Sur pourvoi de la Compagnie d’assurance, la Cour de cassation a censuré cet arrêt d’appel pour violation des articles 1135 et 1147 du Code civil au motif que la Cour d’appel n’avait pas caractérisé « le manquement de l’assureur à son obligation d’information et de conseil à l’égard de son client professionnel sur l’étendue de la garantie de sa responsabilité« .
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La solution appelle deux observations.
La première a trait au visa. La Cour de cassation vise l’article 1147, ce qui ne saurait surprendre s’agissant d’une action en responsabilité contractuelle, mais également l’article 1135 du Code civil. C’est ce second visa qui est le fondement profond de la décision. En vertu de ce texte, le contrat engage « non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature« . Ce visa souligne le rattachement de l’obligation de conseil aux suites non exprimées du contrat. Ce visa apparaît particulièrement judicieux, ce qui nous conduit à la seconde observation.
Dès lors que l’obligation de conseil déborde en quelque sorte le strict objet du contrat, il appartient au juge de caractériser en quoi l’assureur aurait été tenu à une information spécifique quant aux limites contractuelles. La Cour dégage ici un critère d’appréciation lié à la distinction professionnel-non professionnel. Dès lors que l’assuré était un professionnel de la construction (en sa double qualité de promoteur et de maître d’oeuvre), il avait une sensibilité particulière des mécanismes contractuels et assurantiels qui aurait dû le conduire à s’interroger sur les risques que présentaient le fait de maintenir une personne morale unique pour la réalisation des deux types d’activité. C’est au regard de cette circonstance que la Cour de Besançon, autrement composé, devra reprendre son ouvrage et apprécier concrètement si l’assureur était tenu en l’espèce d’une obligation de conseil ce dont on peut douter.
Source : Cass. 3ème civ., 28 février 2008, n° 06-20785
© Karila.fr – Cyrille Charbonneau