Les réparations du local commercial est soumis à un régime de droit commun issu des dispositions du Code civil relatives au contrat de bail (Sur la question, voir la flash n° 1 ci-dessous).
Ces dispositions ont cependant un caractère supplétif comme l’illustre un arrêt de la Cour de Chambéry du 6 mars 2007 qui, après avoir rappelé les règles légales découlant des articles 1719 et 1720 du Code civil, a rappelé qu’il ne s’agissait pas de dispositions d’ordre public de sorte que le bail pouvait y déroger.
Source : CA Chambéry, ch. com., 6 mars 2007, jurisdata n° 2007-336936
Flash Baux commerciaux n° 1
Thème général : La charge des travaux dans le bail commercial
Thème particulier : La charge des grosses réparations
Principes relatifs à la charge des réparations dans le bail commercial
Le régime de répartition du coût des réparations du local commercial n’est pas déterminé par le Code de commerce.
À défaut de dispositions légales spéciales, ce sont les dispositions de droit commun du bail figurant dans le Code civil (art. 1714 à 1751) qui ont vocation à s’appliquer et spécialement les articles 1719 et 1720.
Sur la base de ces dispositions, la Cour de cassation, se fondant sur deux dispositions initialement conçues par le législateur pour réglementer la répartition des charges dans l’usufruit (C. civ., art. 605 et 606), a estimé que les réparations d’entretien incombaient au preneur à bail commercial tandis que les grosses réparations devaient être assumées par le bailleur.
Néanmoins, et pour tenir compte de la qualité des parties unies par de tels baux, mais également en considération de l’objet même du contrat, il a été admis que ces dispositions n’avaient, relativement aux baux commerciaux qu’une nature supplétive de volonté de sorte que les parties peuvent organiser leurs relations contractuelles sur d’autres mécanismes de répartition (Pour une illustration récente).
Liberté contractuelle et risques découlant de cette liberté
Si les parties peuvent déroger aux clauses et ainsi notamment prévoir que le preneur assumera toutes les réparations y compris les grosses réparations de l’article 606 du Code civil
(clause dont la validité a été admise implicitement par :
– Cass. 3ème civ., 10 mai 1991, n° 89-18165, Bull. civ. 1991, III, n° 127
– et Cass. 3ème civ., 22 novembre 1994, n° 92-16541),
les règles de droit commun, supplétives de volonté, seront réintroduites toutes les fois que les parties n’auront rien prévu mais aussi toutes les fois que la clause sera ambiguë (pour une illustration des risques induits par l’imprécision : CA Paris, 16ème A, 8 février 2006).
La rédaction des clauses relatives à la charge des travaux d’entretien doit donc être l’objet d’une véritable réflexion à raison des risques qu’elles comportent et ce spécialement au regard de l’évolution de la notion de grosses réparations consécutives à un arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 2005 dont il sera plus amplement fait état ci-après.
Évolution de l’appréhension de la notion de grosses réparations
Longtemps, la Cour de cassation a envisagé la notion de grosses réparations de l’article 606 du Code civil de manière stricte estimant :
– que la liste y figurant était limitative (Cass. 3ème civ., 21 décembre 1987, n° 86-15277 : « Attendu que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture ; que toutes les autres réparations sont d’entretien ; »)
– de sorte que toutes réparations n’y figurant pas relevaient des réparations d’entretien (en ce sens, Cass. 3ème civ., 15 juin 1994, n° 92-11914 : « Attendu que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier ; que toutes les autres réparations sont d’entretien ; » ; Cass. 3ème civ., 10 février 1999, n° 97-13096 ; Cass. 3ème civ., 24 février 2004, n° 02-18948 : « au sens de l’article 606 du Code civil, les réparations d’entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale »).
Sur l’évolution de cette position : Cass. 3ème civ., 13 juillet 2005, n° 04-13764, Bull. civ. 2005, III, n° 155
Cette approche restrictive a été bouleversée par un arrêt de principe du 13 juillet 2005 qui retient une approche plus conceptuelle de cette notion (Pour en savoir plus).
Cette évolution est encore marquée par l’affirmation nette de la volonté de la Cour de cassation d’abandonner le contrôle de cette qualification aux juges du fond, son rôle étant désormais limité au contrôle formel de la motivation des arrêts d’appel.
Il en résulte une incertitude et potentiellement un risque de variation d’une juridiction à une autre, ce qui rend d’autant nécessaire la rédaction précise des clauses, le juge ne pouvant, sauf à dénaturer la volonté des parties, interpréter une clause non ambiguë.
Premières interprétations de la notion de grosses réparations par les juridictions du fond postérieurement à l’arrêt du 13 juillet 2005
Les arrêts de Cour d’appel rendus postérieurement à l’arrêt du 13 juillet 2005 confirment l’analyse précitée relative à l’existence d’un risque d’interprétation décalée voire divergente selon les juridictions.
Si un certain nombre de décisions semblent conformes à la définition dégagée par la Cour de cassation d’autres semblent plus critiquables mais difficilement attaquables dès lors que la Cour de cassation confère aux juridictions du fond un libre pouvoir d’appréciation.
Conclusion – L’appréhension nouvelle de la notion de grosses réparations appelle une vigilance accrue et une réflexion renforcée sur la rédaction des clauses du bail commercial relatives à la charge de ces réparations.
Cette réflexion stratégique en amont de la conclusion du bail, voire à l’occasion des renouvellements, s’impose d’ailleurs, au-delà de la question des grosses réparations, en considération d’autres questions qui influent sur la charge des travaux et spécialement :
– la question des travaux portant sur les parties communes lorsque le local est soumis au statut de la copropriété,
– la question des travaux consistant dans une mise aux normes,
– et la problématique de la distinction entre travaux de réparation et ceux rendus nécessaires aux fins de la reprise de l’immeuble atteint par la vétusté.