Ancien ID : 430
L’arrêt commenté est manifestement un arrêt de principe, la publication au Bulletin étant, selon nous, parfaitement justifiée.Il porte sur l’appréciation des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle du maître de l’ouvrage, sur le fondement de l’article 14-1, premier tiret de la loi du 31 décembre 1975.
Il résulte de ce texte que « Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
– le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;« .
Dans la présente espèce, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté la demande de condamnation formulée par un sous-traitant.
Ce dernier contestait cette décision avançant deux arguments principaux savoir :
– à titre principal, la violation de l’article 1382 du Code civil, le pourvoi soutenant que, s’agissant d’une action en responsabilité délictuelle, le juge n’avait pas à se déterminer par rapport aux critères posés par les articles 3 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975;
– à titre subsidiaire, qu’à admettre l’application de ces dispositions, la Cour d’appel avait violé l’article 14-1 précité dès lors qu’elle avait constaté que par lettre recommandée adressée à l’entrepreneur principal, le sous-traitant avait formulé des réclamations menaçant d’enlever les équipements installés, ce dont il résultait que le maître de l’ouvrage avait non seulement connaissance de la présence de sous-traitants sur le chantier, mais aussi des difficultés de paiement qu’ils subissaient, de sorte qu’il lui incombait de mettre en demeure l’entrepreneur principal de les lui présenter, en vue de leur acceptation et de l’agrément de leurs conditions de paiement.
Ces arguments sont rejetés par le présent arrêt.
À l’argument principal, la Cour de cassation répond par la négative estimant que l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 avait vocation à s’appliquer.
L’intérêt de l’arrêt réside cependant dans la réponse apportée au second argument.
La Haute juridiction retient :
– d’abord que « l’application de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance suppose que le sous-traitant ait été identifié par le maître de l’ouvrage« ;
– ensuite que l’appréciation de cette condition relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Quant au premier point, on notera que la Cour de cassation, pour la première fois à notre connaissance, ne se réfère pas au critère légal de connaissance de la présence sur le chantier mais à la notion d’identification du sous-traitant par le maître de l’ouvrage.
Telle semble être l’apport justifiant la publication au bulletin. On peut penser que ce critère est plus strict que celui de la simple connaissance de la présence sur le chantier, la notion d’identification étant plus précise selon nous que le critère de connaissance.
Il conviendra d’étudier avec attention la publication au Bulletin et la prochaine intervention de la Cour de cassation sur cette question pour apprécier si le changement de critère conduit à une appréhension différente des conditions de mise en jeu de la responsabilité délictuelle du maître de l’ouvrage sur le fondement de l’article 14-1, premier tiret.
Quant au second point, on ne saurait être surpris de l’affirmation du pouvoir souverain des juges du fond quant aux conditions de mise en oeuvre de cette responsabilité délictuelle, la Cour de cassation ayant déjà par le passé admis cette solution (en ce sens, Cass. 3ème civ., 12 février 2003, n° 01-11578).
© – Karila – Cyrille Charbonneau