L’arrêt du solded’un marché public est une étape cruciale qui se termine parfois devant le
juge. En cas de rejet de sa réclamation, l’entrepreneur a en
principe six mois pour saisir le tribunal administratif. S’il se contente, dans
ce laps de temps, d’un référé provision, il doit tout de même être considéré
comme ayant agi dans le délai, énoncent les sages du Palais-Royal.
La jurisprudence relative à l’article 50 du CCAG travaux, qui organise le règlement amiable des différends liés à l’exécution des marchés publics qui s’y réfèrent ainsi que les modalités d’accès au juge par l’entrepreneur, vient de s’enrichir d’une nouvelle brique. Selon cet article 50, le rejet total ou partiel de la réclamation de l’entrepreneur relative au décompte général déclenche un délai de recours contentieux de six mois devant le tribunal administratif compétent.
En pratique, la saisine du juge du contrat d’une demande de condamnation au fond est parfois assortie d’une demande de provision en référé sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative (CJA). Cette dernière ne pourra prospérer que si tout ou partie de la créance litigieuse n’est pas sérieusement contestable, ce qui, il faut bien le dire, est très difficilement admis.
Mais dans la mesure où le versement d’une allocation provisionnelle n’est pas subordonné par l’article R. 541-1 du CJA à l’existence d’une demande au fond, l’entrepreneur peut tout aussi bien se contenter d’un référé provision et n’exercer (ou pas) de recours au fond que dans un second temps, même au-delà du délai de six mois prévu à l’article 50 du CCAG travaux. C’est le sens d’une récente décision du Conseil d’Etat (CE, 27 janvier 2017, n° 396404). Rendue sur le fondement des stipulations d’un CCAG applicable aux marchés de travaux passés en Polynésie française identiques sur ce point à celles de l’article 50 du CCAG travaux, sa portée est donc générale.
Conséquences pratiques
Précisons qu’aux termes de cet arrêt, la saisine du juge du référé provision n’est pas considérée comme une cause interruptive du délai de recours contentieux (1), mais comme le recours contentieux prévu par le CCAG travaux lui-même. De sorte que l’éventuelle demande au fond constitue en quelque sorte la continuation du recours contentieux initié devant le juge du référé provision, ce qui appelle trois séries de remarques.
D’abord, le juge du référé provision doit être saisi de la totalité des sommes restant dues. Car, si l’entrepreneur est ensuite amené à exercer un recours au fond et que le délai de six mois à compter du rejet de la réclamation est expiré, aucune conclusion nouvelle ne sera recevable.
Ensuite, il faut en déduire, nous semble-t-il, que si la requête au fond peut être présentée au-delà de ce délai de six mois, encore faut-il, pour qu’elle soit recevable, que, comme c’était le cas en l’espèce, le juge du référé provision soit encore saisi du litige.
On ne peut donc, enfin, que se montrer très réservé
sur l’intérêt stratégique de la démarche consistant pour l’entrepreneur à ne
saisir, du moins dans un premier temps, que le juge du référé provision, dès
lors qu’elle parait devoir toujours conduire à retarder inutilement la saisine
du juge du contrat – l’entrepreneur ne pouvant en effet raisonnablement se
contenter d’un référé provision, dont l’issue est beaucoup plus aléatoire
qu’une demande au fond.
C’est d’autant plus vrai qu’à supposer même que l’entrepreneur puisse obtenir entièrement
satisfaction en référé provision, ce qui d’expérience est rarement le cas, il
faudrait encore, pour que la provision lui soit définitivement acquise, que le
maître d’ouvrage s’abstienne, par négligence, d’une requête « tendant à la
fixation définitive du montant de sa dette dans un délai de deux mois à partir
de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou
en appel » (art. R. 541-4 du CJA).